elle pense à sa famille, la française, et ça la mine. ça la pèse. elle se perd dans les méandres tortueux de son esprit brisé. elle se plaît à les imaginer intactes, ces jambes qui lui font défaut. elle aurait bien besoin d'un déambulateur, pour ne plus avoir peur. mais ils sont réservés aux vieux, aux aigris, aux râleurs. et elle n'est rien de tout ça, la brume. peut-être simplement dévastée ; mais pas par le temps, non. dévastée par une vie qui n'a jamais été aisée ; par une vie qui l'a toujours fuie. elle erre dans la ville, sous un ciel crépusculaire. elle apprécie la caresse de la brise contre sa peau surchauffée, contre sa peau enfiévrée.

la clope au bec, tu erres dans les rues de la ville qui commencent, peu à peu, à devenir familières. tu joues avec la fumée qui s'échappe de tes lèvres rougies par le froid, imaginant différentes formes se glissaient dans la brume grisâtre.

elle a une glace à la main. à banff, il ne fait pas très chaud, mais elle a le sentiment d'être immolée, sacrifiée. d'être jeanne d'arc sur son bûcher. les faibles rayons du soleil balaient sa peau diaphane comme s'ils voulaient la chasser. lui murmurer de s'en aller. elle ne ressemble à rien d'autre qu'à la brume : partout et nulle part à la fois. visible mais intangible. sa robe blanche suit les courbes de ses hanches, tombe mollement sur ses jambes. elle est le fantôme des rues, le fantôme de la nuit qui arrive. c'est pourquoi elle est incroyablement surprise lorsqu'elle le bouscule. un autre fantôme. sa glace lui échappe, tombe sur le macadam. « je ne regardais pas où je marchais. » elle murmure, autant pour lui que pour elle. elle sait qu'elle devrait s'excuser, mais son corps à chaud et son coeur à froid, elle ne sait plus qui elle est ; ce qu'il convient de faire. ce qu'elle veut faire. elle ne sait plus rien, dans cette tiédeur à la fois trop échauffée et trop glacée. elle passe une main dans sa chevelure rousse, les yeux fuyants cet inconnu qu'elle a maltraité de sa présence, qu'elle n'a su esquiver.