Elle savait pas que ce que c'était, la liberté, avant de s'en aller. Il lui a semblé qu'elle étouffait, étriquée et trop proche de tout. Elle s'est réveillée en sueur, sans savoir comment, elle s'est levée, a enfilé quelques vêtements avant de claquer la porte de son appartement miteux. Et sans bagages, courir vers le lointain. Sans savoir comment, elle avait atterri sur une plage, déserte. Minuit ou l'heure du crime. Essoufflée sans souffle, solitaire sans terre d'attache. Et maintenant elle se laisse tomber sur le sable, elle regarde la grande ours et se dit qu'elle aurait aimer étudier un peu l'astronomie. Peut-être qu'elle l'a fait au fond. Elle n'en sait rien. Elle ne sait plut. Elle n'a jamais su. Elle glisse ses doigts dans le sable, trouvant un certain réconfort dans les grains glissant un à un dans la paume de sa main. Peut-être que le jour va se lever, peut-être que la nuit ne fait que commencer. Elle n'attend personne, elle n'espère rien, elle ferme les yeux en essayant de faire le vide.

Elle savait pas ce qui allait arriver. Et lorsqu'une inconnue se penche sur elle, elle ne semble pas plus perturbée que cela.

"'Soir."

Pas spécialement envie de parler non. Encore moins avec une femme qui la regarde comme un animal de foire. Le regard madame, le regard. Ca vous trahit les plus habiles, défend les plus mauvais menteur. Et le sien la détaille de haut en bas, cherchant des formes sous sa chemise, cherchant une poitrine ou des hanches, quelque chose qui prouverait son appartenance à un sexe. Jaegger a l'habitude, elle sait qu'elle ressemble à un homme, ou à une femme, et ça dépend des jours.

"J'sais pas. J'ai couru parce que j'étais en train d'étouffer et j'suis arrivée là."

Silence. Les vagues s'écroulent contre la plage. Toujours la face contre les étoiles, Jaegger reprend :

"Vous avez trouvé finalement ? Si j'étais une fille ou un mec ?"