elle court, elle court. elle ne s'arrête plus. elle voudrait sauter et prendre son envol. tu as posé ton regard sur elle et tu ne peux plus le détourner. alors tu la suis. sentier après sentier, arbre après arbre. peu importe si la nuit se met à tomber, tu pourrais la suivre jusqu'à ta mort.

Une chevelure d'ébène se décroche sous la lumière blafarde de la lune. La suivant du regard, je la perds néanmoins bien vite. J'aimerais lui demander ce qu'elle fait, à courir comme ça dans le crépuscule qui s'éteint et s'amenuise peu à peu. Un rapide coup d’œil à mes talons et cinq petites secondes à me demander si ça ne serait pas étrange, puis je me décide. J'enlève mes escarpins, que j'attrape à la main, et je retrouve mon âme de gamine, jamais vraiment perdue cela dit. Mes cheveux blonds me fouettent le visage et le dos sous la brise alors que je la suis, cette belle inconnue dont je ne vois qu'un dos. Puis j'ose. « Eh, attends-moi ! » Je balance, mes pieds appréciant la fraîcheur de la terre meuble contre leur peau. Je ne sais même pas ce que je fais réellement ici... Mais je ne partirai pas avant qu'elle m'ait expliqué pourquoi elle court comme ça. Ca ne me regarde pas ? Eh bien... Tant pis.

fuir fuir fuir c'est tout ce qu'elle veut. oublier oublier oublier c'est tout ce qu'elle désire. recommencer recommencer recommencer c'est ce à quoi elle aspire.
elle se met à courir. elle pense pouvoir se libérer de tout ce qui la maintienne prisonnière. cela fait des heures qu'elle est là. elle ne s'arrête plus. et puis là « Eh, attends-moi ! ». elle perd pied. elle est prise de vertiges. qui donc l'a surpris ici. qu'est-ce qu'on peut bien lui vouloir. elle tombe par terre. ses jambes lui montrent qu'elle ne peut plus continuer. puis elle ouvre les yeux et relève la tête. une magnifique blonde la regarde d'un air intrigué. elle se frotte les poignets - en vain. la terre reste collée à son corps comme son passé à sa peau. elle n'ose rien dire. elle reste assise par terre et essaie de retrouver une respiration calme.

Je la suis, encore et encore, fascinée par sa longue chevelure d'ébène qui se meut sous les assauts du vent. J'ai froid, mais même lui ne peut me détourner de l'être que je suis. Serait-ce un mirage ? Une illusion ? Elle est nymphe, perdue au milieu de ces bois. Elle est ce que je veux atteindre, ce que j'aimerais être. Une personne libre, sans aucune limite. Elle court encore et encore, jusqu'à en tomber. A cause de moi ? Je n'espère pas. Je m'arrête à côté d'elle, subjuguée à présent par la clarté de ses yeux aussi bleus qu'un océan. Je m'accroupis à ses côtés et lui attrape les poignets avec douceur. C'est la première fois de ma vie que je suis aussi gentille avec des inconnus. Lentement, je les lui frotte pour retirer la terre qui s'y accrochent. Puis je demande, altruiste : « Ca va ? » Mes prunelles fouillent son minois à la recherche d'une quelconque réaction. Elle est chimère que je peux toucher. Elle est fée en dehors de son royaume. Elle est magique et magnifique, et je me perds dans sa contemplation malgré mes tendances complètement hétérosexuelles. Confuse, je tourne la tête de droite à gauche, les joues autant rougies par sa présence que par le froid qui s'insuffle, pernicieux. « Désolée si je t'ai fait peur... » J'ajoute, passant une main tremblante dans son dos pour le lui caresser, bienveillante. J'ai peur qu'elle ne fasse de l'hyperventilation si je ne l'aide pas à se calmer. Elle est douce, elle est belle. C'est un ange tombé du ciel.

elle pensait que courir lui ferait oublier tous ses problèmes. elle pensait que courir lui permettrait d'échapper à la réalité. mais il faut qu'elle arête de penser. elle réfléchit trop.
et ses jambes la lâchent, lui disent, cours mais ce sera sans nous. alors elle se retrouve par terre. à terre. elle a mal. mais elle aime ça. elle sent qu'elle est encore vivante.
l'inconnue aux cheveux blonds s'accroupis près d'elle. elle lui frotte les poignets et elle arrive à enlever la terre. ce serait presque magique après tout... « Ca va ? »  elle ne répond pas vraiment. elle est encore sous le choc. elle hoche simplement la tête en guise de oui ne t'en fais pas. et puis la blonde reste là. elle la regarde comme si c'était un oiseau à protéger. « Désolée si je t'ai fait peur... » oh mais ce n'est pas grave pense-t-elle. elle avait besoin qu'on la rappelle à l'ordre. ça ne servait à rien qu'elle reste ici pour l'éternité. alors en essayant tant bien que mal à se relever elle lui dit « non non ce n'est pas grave. tu n'y es pour rien... »

Je n'ai d'yeux que pour elle, ma fée. Ma chimère. Mon rêve à moi. Parce que je n'y crois pas. Il ne peut exister un être d'une telle beauté, d'une telle pureté. Je suis sous l'influence de drogues : je l'avoue. Ca ne m'aide pas à discerner clairement la réalité du rêve. Du fictif. Les pupilles dilatées, je la fixe. J'embrasse les courbes de son minois d'un regard avide, presque pervers et malsain. Et puis finalement, d'une voix rocailleuse, je demande. « Je voulais juste savoir, jolie fée, pourquoi tu courais seule dans ces bois. » Je ne lâche pas son poignet, trop fascinée. J'ajoute, déstabilisée. « Ca ne me regarde pas. Je sais. Mais je veux savoir. » Comme si c'était suffisant de le vouloir pour l'avoir...

finalement elle devait avoir l'air bête devant cette fille. elle se demandait qu'est-ce qui lui avait pris de se mettre à courir jusqu'à n'en plus pouvoir. elle aurait pu se faire bien plus mal. mais inconsciemment c'est peut-être ça qu'elle cherchait. la douleur pour se rendre compte à quel point elle est encore vivante. « Je voulais juste savoir, jolie fée, pourquoi tu courais seule dans ces bois. » elle lui tenait encore son poignet, comme si, si jamais elle le lâchait, elle allait partir. elle était un peu comme les pièges à lapin dans les forets. ils débarquent de nul part et se fait prendre au piège. on est coincé. et bien là, elle se sentait un peu comme ça, mais ça ne la gênait pas. elle était intriguée qu'on puisse chercher à la comprendre. c'était rare. ça ne lui arrivait pas souvent. « Ca ne me regarde pas. Je sais. Mais je veux savoir. » rajouta l'inconnu. « je... j'avais besoin de prendre l'air. de m'évader. c'est tout... » il y avait beaucoup plus que ça. mais si elle lui expliquait allai-elle comprendre ? est-ce que la magie serait toujours la même si elle lui expliquait ce qui lui semblait être un mystère ?

Ses yeux. D'un bleu pur, d'un bleu électrique, d'un bleu mystérieux. Dur pour moi de me concentrer sur autre chose. Surtout en étant pas très nette. Je hoche la tête en l'écoutant. Je comprends. C'est ce que je cherchais aussi en partant dans ces bois. C'est ce que je cherchais aussi en aspirant dans mon nez délicat cette poudre blanche qui me fait dire de telles inepties, et me fait agir si étrangement.
Je ne suis même pas réellement sûre d'être avec cette belle inconnue. Peut-être que je délire. Peut-être que je rêve. Mais mes doigts sur sa peau... Ca a l'air réel. Comme l'air qui me caresse les bras, comme l'odeur relative à la forêt que je sens. « D'accord. » Je réponds simplement. Je ne suis pas sa psychologue - j'en serais bien incapable là, de suite, en plus - et pas non plus son amie, à cette petite fée. Je n'ai aucun droit d'exiger des explications. Je me relève difficilement, et lâche son poignet. Je viens de me rendre compte que je le tenais depuis déjà quelques minutes. « Tu vas attraper froid, tu sais ? » Je dis, bienveillante. « Mais si tu veux parler... Il paraît que je sais bien écouter. Des fois. » J'ajoute. Ma curiosité me pique à vif quant à ce qu'elle fait là, cette chimère. Elle a l'air perdue. Elle a l'air triste. Et pour la première fois de ma vie, j'ai envie d'être là pour quelqu'un. Même si c'est une inconnue. Même si elle n'est pas réelle.

la lune commençait à pointer le bout de son nez. il n'y avait plus vraiment de lumière dans les bois. elle avait du mal à distinguer tout ce qui se trouvait près d'elle. sa tête tournait légèrement, elle n'avait pas mangé depuis ce matin et c'est vrai qu'elle avait froid. l'adrénaline avait quitté son corps et elle se sentait mal à l'aise à présent. je déteste tomber malade... c'est vrai, dès qu'elle était malade elle avait l'impression qu'elle allait mourir. le moindre rhume la mettait hors d'elle. je sais pas quoi vraiment dire, quoi raconter à vrai dire. ma vie est un tel fouillis... elle s'était relevée à présent et essayait de marcher tant bien que mal. la sortie est vers où tu penses ?

Le froid, je le sentais aussi. Sur mes pieds, le long de mes jambes dévêtues et sur mes bras nus. Je ne pensais pas partir en forêt ce soir... Et les effets de la drogue passaient de plus en plus, me faisant réaliser de mon état antérieur. Je hoche la tête en l'écoutant, mais ça n'arrive pas vraiment jusqu'à mon cerveau. Pas comme ça devrait. « Mais les nymphes. Les fées. Ca tombe pas malade. » Que je rétorque, comme si c'était évident. Et puis, maintenant que j'ai dit le fond de ma pensée, ce que la jolie nymphe m'inspirait, je me sens conne. Je tends la main pour l'aider à marcher et à s'y retrouver, parce qu'il fait de plus en plus noir. Et je me sers d'elle aussi pour me repérer. « La vie, si c'était facile, ça se saurait. » J'énonce simplement, en haussant les épaules. Et je les hausse une fois encore suite à sa question. J'en sais fichtre rien, j'étais trop occupée à la suivre pour semer des petits cailloux. Et tout se ressemble, ici... « Mmmh... Par là, je dirais ? » Je montre devant moi. C'est peut-être l'Est. Le Sud. Le Nord ? L'Ouest. J'en sais rien, et ça commence à me faire peur d'être perdue.

et puis elle était mignonne à vouloir l'aider. beaucoup auraient passé leur chemin. mais pas elle. et c'était bien la première fois qu'on la comparait à une nymphe, une fée. elle était presque estomaquée. on ne lui avait jamais parlé comme ça. très souvent on la comparait à quelque chose de terne, de solide, mais jamais à quelque chose de doux et de sensible. elle ne répondit rien et la laissa parler. elles ne savaient pas vraiment où elles allaient. elles commençait à marcher. il faisait de plus en plus froid, de plus en plus noir. t'as déjà dormi à la belle étoile ? lui demanda-t-elle en brisant le silence.

Je sais plus vraiment où je suis ni qui je suis. Je ne sais même pas comment elle s'appelle, celle qui m'a fait me perdre dans ces bois sombres. Mais j'ai pas envie de demander. Pas parce que ça ne m'intéresse pas, mais parce que je la sens distante, que je suis pas comme ça aussi. Elle me fait changer, la nymphe que je renomme diablesse. Je me perds dans sa présence, dans ses yeux de chat aux iris cristallines. Alors je marche, à côté d'elle. Parfois, nos doigts se frôlent. Et j'ai beau aimer les hommes, ça me trouble. Elle me trouble. Elle est différente de toutes les femmes que j'ai déjà pu côtoyer. Nymphe. Fée. Chimère. Rêve. Diablesse. Elle est magique. Et sa question me surprend. J'ai une tête à dormir à la belle étoile ? Dans ma robe étriquée de grand créateur, surement pas. Mais avec elle, je perds mon âme. Je deviens... Autre chose. Meilleure, peut-être ? « Non. » J'avoue à demi-mot, embarrassée. « J'ai peur des insectes qui rampent sur le sol. Peur des bêtes qui pourraient se cacher. En fait... Je suis une froussarde. » Je conclus, une moue à la fois boudeuse et triste sur le visage.

le soleil se coucha petit à petit et laissa apparaître les étoiles. elles brillaient, elles étaient belles. elles illuminaient leurs visages. le sien était beau, vraiment beau. elle ne lui ressemblait pas du tout. elle était plus grande, plus élégante, blonde, et plus belle. oui ça c'était sûr. elle avait une beauté de conte de fées. celles de princesses. ça la faisait sourire de voir une fille aussi belle qu'elle. puis elle se mit à rire quand elle lui avoua quelle était peureuse. oui, elles ne se ressemblaient pas du tout. et pourtant quelque chose semblait les lier. une sorte de fusion intemporelle qui les animait. oh non faut pas avoir peur. c'est magnifique de dormir sous les étoiles. elle sont belles et elles te bercent...  

Sous la lumière blafarde des étoiles, j'y vois de moins en moins. Je tangue encore un peu, même si la drogue s'échappe peu à peu de mes pores. Mais c'est une belle nuit, ce soir. J'ai le cœur qui est transporté par ce ciel noir, par ce manteau de velours marine où s’agglutinent des petits points blancs. Et je le sens, son regard qui pèse sur moi. Ca me dérange pas, mais j'ai envie de moi aussi la regarder. Sauf que je peux pas : je peux pas croiser son regard, j'ose pas. Heureusement que la lumière est pâle, parce qu'elle verrait à quel point mes pupilles sont dilatées et j'aimerais pas qu'elle pense que je suis ce genre de fille qui est insignifiante. Qui ne s'éclate qu'avec une ligne de cocaïne. Je l'aime bien, cette fée. On a pas échangé beaucoup, mais elle a déjà une petite place dans mon cœur, une petite place dans ma vie. « Tu... Tu veux essayer ? T'es fatiguée ? Tu veux dormir ? » Et là, je me rends compte que je la bombarde de questions, et ça se fait pas. Alors je m'excuse, je bafouille un « Désolée. » avec un petit regard coupable dans sa direction. Elle est vraiment jolie.

il faisait froid. elle n'était que très légèrement vêtue. elle avait couru, elle s'était retrouvée dans un état second, et maintenant elle retrouvait le contact avec le monde réel. ce monde glacé, froid, impersonnel. elle n'aimait pas ça, elle voulait juste se retrouver sous ses draps. je me vois pas rester ici toute la nuit. non, bien qu'elle aimait profiter de la nuit, elle se sentait trop mal. on essaye de trouver un moyen de sortir ?

Tout comme la fée, j'ai froid. Parce que oui, je remarque bien sur sa peau les stigmates dues à la fraîcheur de ce mois d'avril. Ses poils se dressent alors qu'elle grelotte presque. Je suis dans le même état : ma robe est trop courte, mes pieds sont en contact avec le sol que je préférerais plus chaud. Alors j'accueille sa réponse avec un soupir de soulagement. « T'imagines même pas, petite fée, à quel point ça me soulage que tu répondes ça. Je serais restée avec toi si t'avais voulu ; j'aurais pas osé te laisser seule. Mais j'avais pas très envie, tu sais... Il fait froid. Et j'ai toujours peur. » J'avoue. J'aimerais bien rester avec elle en fait, mais pas ici. Et puis, pas ce soir. Mes jambes sont lourdes, tout comme mes paupières : mon corps tout entier adorerait s'enlacer dans des couettes à tire larigot. Je m'y noierais. Je m'y étoufferais. Mais j'aurais chaud, et je ne veux rien de plus que ça. Je hoche la tête. J'attrape sa main et je l'emmène dans cette forêt, je l'emmène dans les étoiles. Vers un monde meilleur, vers un monde plus chaud et plus doux. En espérant qu'on ne se perde pas davantage. Je compte à moitié sur elle, en fait.

il faut sortir de là. voilà ce qu'elle a en tête. alors elles se mettent à marcher - main dans la main. c'est intriguant cette proximité, ce contact qui s'est établi entre les deux. elles ne connaissent même pas leurs prénoms respectifs, mais peu importe, elles sont au-dessus de tout ça. on aurait l'impression qu'il n'y aucune gênes entre elles, que tout se passe à merveille. elles ont l'air de deux gamines qui se sont égarés lors d'un jeu et qui n'attendent plus que de trouver la sortie de secours. la forêt est un énorme labyrinthe. elles se sont perdus. et puis mj lui dit. « tu sais, peut être que si on prend toujours à droite comme dans n'importe quel labyrinthe et bien on trouvera la sortie ? »

Le bout de mon nez est légèrement rosé, malmené qu'il est par les prémices de l'été. Le printemps est encore froid, et un dicton populaire dit justement qu'en avril, il vaut mieux ne pas se découvrir d'un fil. J'aurais dû écouter ce dicton populaire et me couvrir davantage. Mais j'aurais pas pu savoir que j'allais me perdre dans cette forêt, avec une fée. Une fée dont j'ignore encore le nom. Mais puisque j'ignore aussi si elle existe seulement, je n'ose le lui demander. Ma tête me joue des tours, et ça ne m'étonnerait pas que c'en soit un de plus. J'ai l'impression qu'on s'est perdues. Mais j'ai l'impression que j'ai beaucoup d'impressions. Et les impressions me poussent à avoir d'autres impressions. Je me perds dans les méandres tortueux de mon esprit ravagé par la drogue. Sa remarque m'arrache un petit rire cristallin. « Moi je crois surtout qu'on trouvera un lapin blanc. Qui sera en retard. » J'aimerais bien, en fait. J'ai toujours adoré Alice, même si les gens ont tendance à dire que c'est un bouquin qui explique qu'une fillette touchait trop à l'extasie et tous ces trucs là. T'aimerais te perdre dans un monde merveilleux, avec elle. « On peut essayer d'aller toujours à droite oui, ça ne pourra sans doute pas faire pire. » Je marque une pause, regardant tout autour de moi et je soupire finalement. « Tout se ressemble ici ! » Je suis dépitée et découragée, et j'ai mal aux pieds. Mais ma main ne lâche jamais celle de la nymphe, de peur qu'elle ne m'échappe, de peur qu'elle n'existe finalement que dans mon esprit embrumé.

elle avait vraiment froid et plus elle marchait et plus elle était fatiguée. elle avait été dans un état second quand elle s'était mis à courir et à présent elle est redescendue sur terre. elle n'aimait pas vraiment ça. elle se sentait de plus en plus mal, mais heureusement qu'elle était accompagnée. ça lui apportait de la chaleur et de l'espoir. oui, seule, elle ne sait pas ce qu'elle aurait pu faire... là, au moins, elle avait quelqu'un sur qui elle pouvait compter. elle continuaient à marcher et là, tout à coup elle s'écria. « t'entends rien ?! » elle marcha encore quelques mètres. « c'est pas des bruits de voiture ? » et là, elle retrouva les sourires. elle était persuadée qu'elles se trouvaient près d'une route. hallelujah.

On marche toujours, comme si c'est la seule chose qu'on peut faire. Enfin, vu qu'on est mortes de froid, ouais, c'est la seule chose. L’interpellation de la fée me fait tendre l'oreille. J'hausse les épaules, parce qu'à dire vrai, non j'entends pas grand chose. Et ma prise se raffermie d'avantage sur sa main, comme un enfant qu'on enverrait à l'école pour la première fois. J'ai peur qu'elle me quitte. Son sourire, lorsqu'il s'affiche, illumine la nuit. Illumine mon cœur. Ca me trouble. Alors je panique un peu et je demande, un peu brusquement : « Tu t'appelles comment, jolie fée ? » Mes yeux pétillent d'impatience, et d'espérance. J'espère qu'elle accepte de me le dire. Tout à trac, je balance : « Moi c'est Mélissandre. Mais on m'appelle Cendres. » Je me dis que c'est une manière de nouer le contact et, pourquoi pas de le garder, alors qu'on évolue en se rapprochant toujours plus de nos lits, toujours plus de l'échéance : se quitter.

Spoiler:

elles y sont presque. elles ont trouvé un échappatoire. elle n'en pouvait plus d'être ici, et regretta presque de s'être mise à courir. mais elle était accompagnée, et ça, ça changeait la donne. ça la faisait sourire, comme un enfant à qui on offre une sucette. et puis elle lui demanda son prénom. ça l'étonna presque. c'est vrai, elles ne s'étaient toujours pas présentées, et ça ne les avait pas si troublée que ça. et puis elle se présenta avant elle. cendres, c'était beau en fait. c'est un joli surnom. elle lui sourit alors et lui répondit et bien moi c'est mj. elle se doutait bien qu'elle n'allait pas être dupe, que c'était un simple surnom, mais elle ne voulait pas lui révéler son vrai prénom. elle ne comptait le dire à personne. c'était un peu comme si elle voulait garder quelque chose pour elle toute seule.

Spoiler:

j'entends son surnom, et quelques goûtes d'amertume se déposent sur le bout de ma langue. j'aurais voulu ; j'aurais aimé que nous soyons sur le même pied d'égalité. je sais que beaucoup ici, à Banff, viennent pour oublier leur passé. que beaucoup ne disent pas leur véritable prénom. leur véritable identité. mais je l'avais fait, et j'avais imaginé dans mon état actuel, sous l'effet des drogues qui me font voir la vie en rose, qu'elle en ferait de même. qu'elle me dirait qui elle était ; que nous pourrions peut-être devenir amies. que ma fée serait peut-être réelle et que nous pourrions tisser quelque chose. mais elle gardait de la distance ; elle refusait de se "donner" à moi. elle ne me faisait pas confiance. comment pourrais-je l'en blâmer ? nous nous connaissons à peine. mais je suis déçue. « ravie de te rencontrer mj. » dis-je, la déception brûlant le fondement de mes paroles malgré mes tentatives infructueuses de la cacher. la route se dévoile peu à peu et nous arrivons non loin de la sundance road. la ville est toute proche, et notre séparation avec. « tu... tu as un appartement ou quelque chose en ville ? on... peut-être qu'on pourrait se revoir. si t'es réelle, j'entends. » je demande. j'aimerais pouvoir revoir les traits graciles de son minois et entendre sa voix voluptueuse et douce, ce petit carillon que j'ai connu durant les quelques heures où nous avons marché dans ces bois.

Spoiler:

t'avais froid, tu voulais rentrer. t'entendais le bruit des voitures et tu savais qu'elle allait pouvoir rentrer. tu sentais un brin de déception dans sa voix. tu avais dis quelque chose qui n'allait pas surement. tu savais pas vraiment quoi. tu lui avais juste dis ton nom ou plutôt ton pseudo. c'était comme ça que tu te présentais aux gens. tu ne disais pas ton prénom, ça ne servait à rien. tu continues de marcher et vous êtes au bord de la route. tu commence à lever ton pouce quand elle te demanda si vous pouviez vous revoir. et bien je peux te laisser mon numéro de téléphone si tu veux. ce sera plus simple. tu as de quoi écrire ?

Spoiler:

toi aussi t'as froid. de la chair de poule apparaît sur ta peau diaphane, stigmates et témoins de ton mal-être passager. et tu t'efforces de reprendre cet air enjoué, alors même que t'aurais aimé savoir son patronyme. elle te chamboule, cette petite fée. ses claires et belles prunelles qui te scrutent, tu pourrais leur donner la lune. tu t'es jamais sentie comme ça avec personne ; et même si la drogue que t'as ingurgité commence à passer, t'es toujours pas très nette. alors t'oses rien faire et tu fais taire tes envies. parce que tu devrais pas avoir ce genre d'envie. même si elle n'est pas réelle ; tu sais plus. tu sais plus si elle est vraiment là et si t'auras un jour la chance de la revoir. ça te met une boule dans la gorge. tu hoches vivement la tête quand elle te propose de te donner son numéro. tu fouilles dans le petit sac à main que tu avais sur l'épaule depuis le début, et en profite pour remettre tes talons à tes pieds. tu sors un petit bout de papier et un stylo, en mauvais état. « j'espère qu'il y a encore de l'encre. et qu'il écrit encore. » tu murmures en te mordillant la lèvre inférieure. tu les lui tends. tu serais bouleversée si t'avais aucun moyen de la recroiser, la belle brune ; la dame du lac. ta dame de la forêt. ta nymphe. ça a été votre moment privilégié. une voiture s'arrête et un homme vous propose de monter pour vous raccompagner. il n'y a pas à dire, à banff, les gens sont vraiment très gentils. et t'oublieras jamais mj. elle a laissé sa marque, indélébile, cette beau guépard qui courait seule à travers bois comme si sa vie en dépendait.

Spoiler: