Nous sommes tous des romans ambulants !

Un paquet de photos à la main, un petit feu là ici sur cette montagne, des souvenirs, des moments de ma vie, de notre vie, juste des passages sur des images. Des regards, des paysages, des émotions. Chaque image là dans mes mains retracent une vie... la mienne. Une à une les photos finissent dans les flammes, elles se consument rapidement. Juste une partie de moi-même. La foret est sombre mais je n'ai pas peur, non je n'ai plus peur.

Quelques pas, un pouce en l'air et un brin de générosité. C'est ça, le cocktails qui l'a mené jusqu'ici. Chiffo avait besoin de marcher, de se changer les idées, d'avoir froid et de respirer un peu d'air frais. Un an de plus, c'est qui c'est inscrit sur sa peau. Une autre année au compteur, trois cent soixante qui le sépare un peu plus de son point de départ. C'est chaque année la même chose et pourtant, Chiffo vit cet anniversaire un peu plus mal que les autres. Peut être qu'il la sent arriver, la fin de son voyage et qu'il n'a pas envie d'y penser. Qu'il n'est tout simplement pas prêt à revenir sur ses pas. Il enfonce les mains dans ses poches et observe ses pas. Il fait sombre mais il y a une lumière vive à quelques mètres de là qui attire son regard depuis quelques minutes déjà. Un campement, pourquoi pas. Chiffo s'approche un peu et décèle au bout d'un moment le silhouette d'une jeune fille. Je te dérange ? Il s'accroupit, tend un peu les doigts et lève ses yeux bleu sur la blonde. Elle semble se débarrasser de documents. Tu te fais un feu de joie ?

Ma mère me dirait que ce n'est pas prudent d'être en foret toute seule quand la nuit tombe surtout en étant une jeune fille, une fille ne sait pas se défendre sans doute. Mes parents ne sont plus là pour me donner des ordres et des conseils, je suis libre mais tellement seule à présent. Dans quelques temps je ne pourrais même plus voir ses photos alors à quoi bon les garder. La petite fille modèle n'existe plus, loin du cocon familial, des bases et de l'amour d'une famille. J'entends des pas, ici en pleine foret, peut-être un animal qui aurait vu la lumière du feu mais les pas sont bien trop lourd pour ça. Avant même de me retourner une voix me fait sursauter. La peur, non juste la surprise. « Je te dérange ? » « Non pas vraiment, je pensais juste être toute seule dans cette foret. » Il s’accroupit juste à coté du feu et à quelques centimètres de moi. « Tu te fais un feu de joie ? » « Je ne sais pas si je peux dire que c'est un feu de joie. » Je continue de détruire une à une les photos, il pourrait peut-être en voir quelques unes mais ça n'avait aucune importance pour moi. « Le ménage de printemps » Un petit sourire envers mon inconnu du soir. « Il ne faudrait pas s'attacher à du papier. »Mon sourire s'efface un peu.

C'est une drôle de fille, à se perdre ainsi dans la forêt sans craindre pour sa vie. C'est une drôle de fille, à brûler des bouts de papier au milieu de nul part. Et puis lui, lui aussi, c'est un drôle de gars. Il ne saurait même pas dire pourquoi il est là. Peut être qu'il avait seulement besoin de marcher au point d'avoir les pieds en mauvaise état et de ne penser qu'à ça. Et pourtant. Pourtant, depuis tout à l'heure, il y a les visages flous de ses amis qui défilent à l'intérieur de son crâne, le dîner que sa mère aurait pris soin de préparer, son entêtement à le traiter encore et encore comme un enfant et le joyeux anniversaire chanté dans un bordel de canon. Ses souvenirs lui manquent oui, mais ils sont perdus. Comme ces bouts de papier qui s'enflamment en un instant. Je pense l'être aussi. Il souffle doucement et se frotte les mains. Chiffo penche légèrement la tête et réfléchit un instant. Si nous étions hier, il aurait sans doute chercher à apercevoir les photos qu'elle brûle les une après les autres. C'est un feu...de déprime dans ce cas. Il lance ça, l'air d'un air et lui rend son sourire. Ce sourire qu'elle perd d'un coup. Chiffo se relève et s'étire un peu. J'aime bien le papier. il rajoute, doucement J'aime bien les photos aussi. J'aurais aimé en avoir. Il fait un léger geste de la main, presque théâtrale. Mais ça m'aurait fait chier de gaspiller du papier en le faisant cramer, moi aussi.

Je voulais juste être ici toute seule cette nuit pour effacer mon passé même si ce n'est pas vraiment une bonne idée, ni une bonne chose mais je n'ai plus rien à voir avec ce passé et puis de toute façon qui viendra ici pour me retrouver ? Personne. Je ne suis plus seule dans cette foret, il n'a pas l'air méchant, il a quelque chose dans le regard. Que faisait-il lui aussi dans cette foret qui va devenir bientôt si sombre qu'il ne pourrait plus faire demi-tour. Je regarde une dernière fois chacune des photos, celles que j'ai vues des millions de fois certainement. J'aime bien le papier. J'aime bien les photos aussi. J'aurais aimé en avoir. « Tu as des souvenirs dans ta tête sans doute, c'est plus important que des bouts de papier je crois enfin c'est ce que je pense moi, je ne gaspille pas vraiment, j'ai juste plus envie de les garder, c'est du passé tout ça. » Et puis de toute façon mes proches en ont certainement des doubles même je ne suis plus là avec eux, moi aussi bientôt je ne serais qu'un souvenir et c'est mieux comme ça de toute façon. « Si ça se trouve tu es un tueur en série et moi je déballe ma vie devant toi. » L'idée me fait doucement rire, je n'ai pas peur, il n'a rien d'un tueur, d'un fou dangereux mais les impressions sont parfois trompeuses. « Que fait un homme seul dans une foret ? » Question idiote mais juste un peu de curiosité ça ne fait pas de mal.

» Nous sommes tous pathétiques. C’est ce qui rends la vie intéressante.
» La montagne nous offre le décor... A nous d'inventer l'histoire.
» Nous nous aimions.
» Le vent nous portera

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