Tu viens de débarquer. Après ta rencontre avec la rouquine à l’église, tu as trouvé cet hôtel qui ne paie pas mine mais qui sera bien suffisant pour recharger tes batteries, te poser, le temps de récupérer ta contenance et ton attitude. Tu te sens lessivée, fatiguée et surtout, tu as besoin d’une bonne douche bien revigorante. Tu fais grise mine, t’as du sang sur les mains, enfin, tu te comprends. Dur de décrocher de ton boulot. Pourtant, tu l’as fait. Tu pensais te sentir libérée. Pis, tu te sens juste lassée. Vide. La douche te fait du bien. Pendant cet instant qui semble se figer dans le temps, tu n’as conscience que de l’eau chaude qui dégouline le long de ton corps. Le jet s’arrête et bien vite, tu es dehors, séchant tes cheveux, enfilant des vêtements propres : un jeans, des converses et une chemise à carreaux. Tu attaches vite fait tes cheveux en un chignon relâché et tu descends en bas dans le bar de l’hôtel. Un café latte en main, tu t’en vas t’installer dans un des fauteuils rembourrés. Tu devrais dormir, tu le sais bien. Pourtant, tu en es incapable. Tu remues trop, ton cerveau fonctionne à du cent à l’heure et tu n’arrives pas à lâcher prise.

Retour à l'hôtel. Il faut que tu te trouves un petit appart, ça pourrait être bien, tu ne pourras pas toujours travailler à l'hôtel, déjà que ton métier apporte quelques soupçons sur ce que tu fais, quand c'est à l'hôtel, tu donnes raisons à ses interrogations. Tu tournes en rond, et tu ne sais pas quoi faire, tu n'as même pas la télé, et ça te déprimes, d'être là, seule. Tu pourrais sortir, mais tu n'as pas envie de rentrer à pied, pas envie de faire la fête. Alors tu vas au bar, tu avais eu du mal à avoir une chambre, il y aura peut-être d'autres clients que toi. Tu commandes un jus de fruit, et va t'installer dans un fauteuil, à côté d'une jeune femme, qui n'a pas l'air dans son assiette.

Tu regardes ta tasse de café en pensant que tu aurais surement dû commander quelque chose d’un peu plus fort. Une Tequila. Non, plutôt une vodka. Tu l’aurais vidée d’un trait, comme lors de ces soirées dans les bars de Seattle où tu t’enfilais des shoots avec ton coéquipier Wayne. Wayne. Juste son nom a le don de t’hérisser les poils sur la colonne vertébrale. T’as foiré, tu le sais, et ça te rends malade. Sans crier gare, les souvenirs affluent. Un soir dans les quartiers chauds. Une autre soirée en service. Des détonations, des armes blanches. L’éclat d’une lame dans la nuit. Une autre détonation. Du sang, trop de sang. Son odeur t’a toujours écœurée. Rien que d’y penser, t’en as le tournis.  Tu veux te lever mais la pièce te donne l’illusion de tanguer comme à bord d’un navire. Sans faire exprès, ton pied heurte le fauteuil de la jeune blonde. Tu es maladroite. Ça ne te ressemble pas. Tu bafouilles, et finis par t’excuser.

Tu étais assise tranquillement, traînant sur ton téléphone, lisant les messages de tes proches qui semblait s’inquiéter pour toi, qui voulait savoir où tu étais. Foutaise ! Tu n'y croyais pas une seconde, à quoi bon, après tout. Mais tu fus très vite sortie de tes pensées. La jeune femme, à côté de toi, s'était levée, et avait donné un coup dans ton fauteuil. Tu te levas vite pour t'approcher d'elle. « Est-ce que ça va ? » Tu la détaillais rapidement, elle n'avait vraiment pas l'air dans son assiette, pour toi, elle était pâle et sur le point de tomber dans les pommes, ou de faire un malaise, tu ne savais pas trop, mais la voir se lever, ne semblait pas être une bonne idée. « Tu devrais te rasseoir. Ou dois-je t'emmener à l'hôpital ? »