IL FAIT FROID SANS TOI

Elle tourne en boucle comme une chanson dans ta tête, que t'aurais trop écoutée. Alix. Cascades dans ses yeux, rougeurs sur ses lèvres, chocolat blanc sur sa peau. Tu répètes toute la journée.
Petite croix.
Perdue dans la foule, avec la promesse d'un retour. Putain. Tu suffoques de son absence. C'est long, c'est un siècle sans elle. Le temps avance. Le printemps se fait plus pressant mais toi tu prends froid un peu plus tous les jours.
Aujourd'hui tu portes trois pulls.
Tu essaies de revivre ses baisers, elle avait une belle façon d'embrasser, c'était joli, et puis on dirait qu'elle avait oublié aussi. Dans ta tête ils tentent d'avoir cette saveur encore, jusqu'à ce qu'elle revienne te la mettre sur la bouche.
En attendant tu fais du bruit.
Jusqu'à ce qu'on te dise de te taire.
Jusqu'à ce qu'une petite croix vienne s'assoir à côté de toi.

t'avances dans le noir, trébuche sur les marches. une tête dépasse d'un siège. une tête familière, une tête qui porte une croix, une croix que tu connais. tu la rejoins. t'as le coeur qui tambourine dans la poitrine, t'as l'impression de déranger tout le monde dans la salle tellement il résonne, il fait du bruit. mais il s'en fout, ton coeur, il en a rien à foutre de déranger le monde, il veut juste sa place à côté du poète. montrer qu'il est content, insister sur le fait qu'il s'était arrêté pendant quelques temps et que maintenant, il recommence à faire, boum, boum.
tu t'installes à côté de lui.
je t'ai manqué?
petit sourire aux lèvres, qui s'étire finalement, dans l'obscurité pourtant il est caché. t'essaies de garder ton calme, de pas trop montrer le débordement de joie que t'as, là, à l'intérieur de toi, qui menace d'exploser et d'emplir la salle. à tous ces souvenirs qui reviennent, qui ne sont d'ailleurs jamais partis, aux vôtres et aux nouveaux qui arrivent bientôt.

Ton cœur est fou de joie, fou d'amour, il fait n'importe quoi en bas, il chante et il saute et il s'arrête aussi. T'as chaud soudain, sous tes trois couches de laine. Elle est là. Alix. Soleil. Ta lumière dans l'obscurité.
- Je t'ai manqué ?
Manqué c'est trop petit.
Maintenant qu'elle est là tu te rends compte qu'elle t'a plus que manqué, c'était plus haut, plus fort, ça faisait plus mal, ça tapait dans la poitrine, ton cœur la réclamait.
- Autant que le soleil manque à la lune, la nuit.
Dix mots que t'alignes difficilement, elle coupe la parole à tes mots, Alix, te met les pensées complètement upside down en même temps qu'elle démêle ton âme.
- Et moi ?
Alix est comme ton suffixe. Elle complète ton nom à la fin, elle te complète.
Alixence.
T'as envie d'aller goûter ses baisers pour voir si ta mémoire leur rendait justice.
T'en doutes.

toi tu manques de mots pour lui expliquer ce que t'as ressenti en son absence. ils t'échappent, les vilains. ils veulent pas te laisser les attraper, les assembler et les offrir à ton maxence. et puis quand ils se laissent faire, y'en a trop soudain qui viennent et t'arrives plus à les trier. c'est alors que tu te mets à bégayer.
comme, comme si.. je manquais d'air sans toi, t'es mon oxygène. dis-tu dans un souffle.
t'as pas sa facilité pour parler, pour expliquer ce que tu ressens ou montrer tes sentiments. tu voudrais passer tes doigts dans ses cheveux, dessiner les contours de sa peau. toucher ses lèvres du bout des doigts, du bout des lèvres, en mémoriser les formes. mais t'oses pas. tes gestes sont comme figés dans le temps.

T'étais perdu dans un bavardage ponctué d'onomatopées tombées des étoiles, avec Alix en arrière plan, tu discutais tout seul du prix des pop corn et tu te demandais si elle existait vraiment cette fille, cette fée, Alix, ou si elle était rien qu'une invention de tes rêves.
Maintenant elle est là.
- Comme, comme si.. je manquais d'air sans toi, t'es mon oxygène.
Souffle.
Tu rougis sous ses mots maladroits. T'as jamais été utile à quelqu'un. Oxygène, bouée ou épaule. Tu fais trop de bruit toi, sauf avec Alix, c'est ton calmant. Oxygène, calmant.
Belle Alix, elle baisse les yeux.
Tu observes l'ombre de ses cils dansant sur ses joues.
Alix et Maxence - tu aimes vos regards qui se précipitent dans la même direction : vers les yeux de l'autre. Sur l'écran les images se jouent devant vous, se jouent de vous.
Tu ...
- Je peux t'embrasser ?
Hésites.

t'avais même pas remarqué que le film commençait, que les images s'étaient mises à bouger sur l'écran blanc, jusqu'à qu'elles se reflètent sur les pupilles de ton poète. jolies images, qui tournent en boucle dans ces yeux au don d'hypnose.
t'es là, par le plus pur des hasards, à deux pas, à deux doigts de sa peau, à respirer son parfum, et tu remercies le ciel, t'adresses un sourire à la vie. c'est arrivé tout à l'heure, t'as vu une silhouette connue, reconnue, au coin de la rue. tu la suivies. à l'entrée du cinéma elle s'est introduite et alors, tu t'es faufilée dans la queue pour ne jamais la perdre de vue.
maintenant t'es là. et tu sais même pas à quel film vous allez assister.
- Je peux t'embrasser ?
pourquoi il demande? pourquoi il ne le fait pas tout simplement? comme s'il existait, une infime possibilité pour que tu dises non, que tu le repousses, que tu refuses ce baiser tant attendu. tu ne le laisses pas hésiter, tu décides de prendre les devants et tes mains viennent enserrer son cou, ramenant sa tête vers la tienne et ses lèvres plus proches des tiennes.
avec une infinie douceur, elles se posent.

Redoutes son refus, sa bouche qui pourrait se dérober sous la tienne, mais à quoi tu penses Maxence ? De quoi t'as peur ? Maintenant c'est elle qui te penche vers elle pour t'enfermer dans un baiser. Et sous ses lèvres tu revis.
Tu préfères les vrais que ceux de ta tête.
Ceux-là, tu les jettes à la poubelle.
Et puis t'attrapes très chaud de ses lèvres soudain, tu te débarrasses d'un pull, ton bruit gêne les autres mais pas elle, Alix, tu le vois à ses yeux contents de toi.
Alix. Les mots t'ont laissé tomber.
Pas moyen de poser des mots sur ton soulagement-amour.
Alix, quand tu la regardes trop longtemps, elle laisse une empreinte dans tes yeux, quand tu clignes des paupières tu continues de la voir, comme si t'avais regardé le soleil d'un peu trop près.
- J'ai jamais vu un ciel aussi bleu.
Tu dis, en regardant ses yeux.

c'est mutuel, au contact de vos deux peaux il semblerait que vous vous brûliez les ailes. ça allume une petite flamme à l'intérieur, ça fait battre le coeur plus vite plus vif, ça tourbillonne dans le ventre et fait revenir des souvenirs qui riment avec bonheur. il fait chaud tout à coup. maxence se déshabille. même dans l'obscurité tu vois apparaître un bout de peau, bout de ventre, bout de lui, qui te donne envie d'y poser les doigts, sous la forme d'une caresse.
ses lèvres se mettent à bouger, à articuler des mots que tu ne comprends pas, que tu n'entends pas, parce que tu voudrais le faire taire d'un baiser, encore. c'est comme si ton seul point fixe, ancre dans la pièce, c'était cette bouche. ou le centre de ton monde.
tu réalises que t'aimerais que votre relation dépasse l'attirance physique, qu'à vos deux corps aimantés s'ajoutent vos deux esprits connectés.
c'est quel film que nous regardons?
simple, question, anodine, innocente. qui révélera ses goûts, ses envies, ses désirs, ses passions.

Tu te noies dans ce bleu de ses yeux pour la bonne cause : son amour. Alix, Alix, elle est tout ce que tu cherchais dans ce monde-là, tu le savais pas, bruyant tu errais, jusqu'à ce que tu la trouves. Ça, ça t'a foutu un coup de silence Maxence.
Ouf.
Elle a des yeux grands, comme si elle était une enfant.
- C'est quel film que nous regardons ?
Vos murmures s'échouent sur l'épiderme de l'autre. T'entends ton cœur qui bat dans ta tête, tellement fort que tout le monde doit pouvoir l'entendre. Mais tant qu'elle, ça la berce, tu t'en fous du reste des autres.
- Tom à la Ferme. Je croyais que c'était un dessin animé.
Un de tes voiles tombe.
T'es un gamin.
Tu noies l'information sous d'autres mots.
- Quand j'ai vu tous les vieux dans la salle j'ai commencé à me poser des questions, et puis je t'ai vue et là j'ai arrêté de penser ...
Pause niaise.
- Le film t'intéresse ? Je t'embête ? J'me tais, si tu veux.
Toi, tu veux bien la regarder être en train de regarder.

Spoiler:

le nom du film t'es inconnu. toi aussi t'aurais pensé que c'était un dessin animé. mais t'y connais rien, en films ou en livres. t'aimes pas ça, c'est trop long, y'a trop de mystères, trop de suspense, faut attendre la fin pour comprendre l'histoire, faut attendre de tourner la dernière page ou de voir la dernière minute pour se faire un avis sur les choses. en l'occurrence, dans tom à la ferme, t'as besoin de savoir qui sont ces gens qui bougent à l'écran. tu veux tout connaître d'eux, sur leur vie, sur ce qu'il va leur arriver. savoir à l'avance qui tu vas aimer, qui tu vas détester. s'il y a quelqu'un qui meurt, tu ne veux pas pleurer, c'est pourquoi tu dois pouvoir t'y préparer. et s'il y a un moment heureux, tu veux pouvoir capturer chaque instant, repérer chaque détail, n'en perdre aucun.
tu sais de quoi ça parle? raconte moi l'histoire, raconte moi ta version, qu'est-ce qui t'a attiré pour venir le voir.
t'avoues, t'es qu'une gamine impatiente.
je veux connaître la fin, je n'aurais pas la patience d'attendre 1 heure, 1 heure et demie, encore moins 2 heures.
il croît qu'il dérange. qu'il te dérange. t'en rigoles, comme si c'était possible. il veut se taire, il te propose du moins. le choix est rapide.
non, parle, parle moi, offre moi toutes tes pensées, tout ce qui te traverse le coeur. ce n'est pas le film qui m'intéresse, c'est toi. toi et la façon dont tu vas me le raconter. et tu pourrais ajouter aussi, que même s'il ne le connaît pas, même s'il n'en a jamais entendu parler, tant pis, vous écrirez l'histoire à deux, vous unirez vos deux mondes imaginaires pour broder votre univers.

Spoiler:

Ses yeux sont pleins d'étoiles, et puis ses mains, et puis sa bouche, elle a dû trop en manger quand elle était petite. Toi, c'est un peu de silence qu'on aurait dû te faire bouffer. T'en as même pas le concept maintenant.
Tu t'y vois, dans ses étoiles d'yeux. Reflet.
T'es un astéroïde un peu encombrant.
- Tu sais de quoi ça parle? raconte moi l'histoire, raconte moi ta version, qu'est-ce qui t'a attiré pour venir le voir. Je veux connaître la fin, je n'aurais pas la patience d'attendre 1 heure, 1 heure et demie, encore moins 2 heures.
L'impatiente. Enfant.
- Parle, parle moi, offre moi toutes tes pensées, tout ce qui te traverse le coeur. ce n'est pas le film qui m'intéresse, c'est toi. toi et la façon dont tu vas me le raconter.
Tes mots.
Tes mots.
Ton bruit.
Elle réclame tout ça. C'est un cadeau tombé du ciel, Alix. Et légère comme tu l'imagines - tu ne l'as jamais tenue dans tes bras - elle a dû atterrir tout en douceur sans que personne ne la remarque.
La douce.
Sur l'écran, le héros blond décoloré court dans les blés d'un champs mais toi tu n'as d'yeux et de cœur que pour l'or des cheveux d'Alix.
- Ça se passe dans une ferme, y a pleins d'animaux, des poules et des canards, tout ça, ça fait un bruit monstre, cot cot codet, meuh, tu vois. Et y a un garçon pour garder la ferme, un chien de garde si tu veux, il est tout marron comme du chocolat. Le jour où une fée arrive dans sa ferme, ça lui fait tout drôle, au milieu des bêtes ... Tu crois qu'elle en pense quoi, elle, la fée, du gardien d'animaux ?
Peut-être qu'il y a des gens qui font chut.
Tant pis.

et c'est ainsi que ça commence, son histoire, la première qu'il te raconte. parce qu'intérieurement, t'es qu'une gamine, qui a besoin de se nourrir de rêves et d'espoir. cette histoire, c'est comme celles que l'on raconte aux enfants avant de s'endormir. maxence, il a la voix d'un conteur, d'un poète, de ceux qui savent comment vous emmener sur une autre planète. mais tu sais toujours pas si elle fini bien. tu supposes que c'est à vous d'en inventer la fin.
j'pense que la fée, elle aime bien le gardien des animaux. elle le trouve fort, de garder autant de bruits comme ça. elle va l'aider, c'est sûr. t'es d'accord?
en sortant ta question, y'a ta voix qui s'élève, qui monte dans les aigus, comme un petit cri sortant de ta poitrine, rempli de spontanéité et de sincérité. tu fais du bruit. tu déranges les gens, les vieux, sans doute. mais à vrai dire, tu t'en fous. t'es là pour parler à maxence. rien d'autre n'a d'importance.

Oui.
Ça chut, ça chute, derrière. Les reproches se grimpent les uns sur les autres et, au final, arrivent à faire plus de bruit que votre amour. Mais on a jamais dit que vous étiez là pour le film. Merde. Tu voudrais râler mais t'aurais bien du mal à sortir ton cœur des yeux de Petite Croix.
Murmure au milieu des réclames de silence.
- J'pense que la fée, elle aime bien le gardien des animaux. elle le trouve fort, de garder autant de bruits comme ça. elle va l'aider, c'est sûr. t'es d'accord?
Oh.
En réalité ton bruit c'est ta plus grande lâcheté, ton bruit c'est parce que Camille ne parle jamais, c'est pour faire taire son silence, douleur pesante encombrant toutes les pièces où il va.
Mais elle va t'aider elle a dit.
T'es d'accord alors ?
- Oui, bah oui. Mais ce sera dur, sans oublier que la fée, son cœur vient tout juste d'être rafistolé à l'amour artisanal, alors va falloir faire gaffe à ça, aussi ...
T'enlèves ton deuxième pull, t'as chaud.
T'as la fièvre-Alix-amour.

il est d'accord. il accepte ton aide, comme t'as accepté la sienne. tu devines que dès à présent, vous devenez dépendants. encore plus que vous l'étiez avant. t'as besoin de lui pour réparer tes maux de coeur, il a besoin de toi pour contenir tous ses bruits. tu lui tends la main, priant pour qu'il la prenne, pour sceller votre union, votre amour de petites croix. ça sera dur, mais t'as pas peur, si ses doigts veulent bien enlacer les tiens, alors t'auras plus jamais peur, jamais peur de rien.
la fée elle est forte, ça fait dix huit ans qu'elle se bat contre la vie, elle n'a pas encore gagné mais elle n'a pas perdu non plus. y'a d'autres personnages dans ton histoire ?
les gentils, les bons, tu veux les connaître, tu veux tout savoir d'eux, tu veux pouvoir les comprendre. te placer dans un des deux camps. prendre position dans leurs histoires aussi. un peu comme si tu rentrais à l'intérieur du film, comme si tu pouvais interagir avec eux et, par ta seule présence, changer le cours des choses.

Elle te tend la main, c'est une main d'amour qui dit s'il te plaît, prends-là, on s'en va, tous les deux. Mais surtout c'est une main qui scelle un contrat, un pacte entre vous, parce que vous avez beau vous raconter des histoires en l'air avec des "il" et des "elle", c'est de vous qu'elle parle.
Il Maxence, elle Alix.
Tu sers sa main et ta pression sur sa peau dit : toujours.
- La fée elle est forte, ça fait dix huit ans qu'elle se bat contre la vie, elle n'a pas encore gagné mais elle n'a pas perdu non plus. y'a d'autres personnages dans ton histoire ?
T'agites la tête en forme de oui.
Y a des petites étoiles ici par là, qui brillent un moment à tes côtés et puis s'en vont. Des lutins, des princes, des amoureux aussi. Mais surtout il y a ton frère.
Camille.
Ton roi.
Tu aimes vos murmures, à ce point-là ils sont parfaits pour raconter Camille, Camille et son silence.
- Il y a un adolenfant qui s'appelle Camille, c'est son petit frère. C'est un ange en chocolat qui parle jamais alors qu'il aurait de si belles choses à dire s'il ouvrait la bouche, il a la tête pleine de belles idées, il ...
Sanglot montant.
Tu respires fort.
- Et la fée, elle a des copains ?
Tu passes sous silence l'homme qui a dû, autrefois, ailleurs, broyer son cœur. Celui-là même dont elle vient de te confier les rênes, fais gaffe.

ses doigts s'entremêlent aux tiens. ne s'en détachent plus, tu ne le veux pas. tu les gardes en fait, un peu captifs, ne voulant pas rompre le contact jusqu'à ce que l'histoire s'achève. jusqu'à que le film se termine et que vous deviez partir, continuer vos chemins pour vous retrouver plus tard.
oui, oui il y a d'autres personnages dans son histoire, il te dit. son nom est Camille, c'est le petit frère de Tom, le petit frère de ton ixe. il te chuchote alors un secret, le sien, un murmure qui se bat contre le noir et résonne à tes oreilles : c'est un ange qui ne parle pas. y'a de l'émotion dans l'air. des sentiments qui se combattent à l'intérieur du protecteur de ton coeur, et tu comprends que le sien aussi, il est abimé. peut-être même tout écrabouillé. pression sur ses doigts, vague de réconfort envoyée en renfort. sujet sensible, t'insistes pas, même si t'as plein de questions qui te viennent à l'esprit.
t'as des copains toi, la fée, à part ta baguette magique qui ne marche pas, t'as qui pour toi ?
la fée, elle est mieux seule. elle fait pas confiance aux humains, ils ne peuvent pas la comprendre, ou ils ne veulent pas. elle est différente, c'est tout.
tu penses à tous ces gens dont t'as croisé la route, tous ces gens qui ont abattu tes panneaux de direction, ceux qui t'ont fait des queues de poissons, qui ont grillé tes interdictions, ou volé tes priorités de passage. c'est vrai, t'as jamais été faite pour prendre le volant, conduire et prendre la bonne intersection.
ici, à banff, c'est différent.

Qui accompagne petite croix dans la vie, quand tu n'es pas là pour veiller sur son cœur, faire attention à ses malheurs ? T'as peur de la réponse, t'as peur qu'il n'y ait. Rien.
Ni personne.
- La fée, elle est mieux seule. elle fait pas confiance aux humains, ils ne peuvent pas la comprendre, ou ils ne veulent pas. elle est différente, c'est tout.
Coup au cœur.
Crève cœur.
Tu te demandes comment elle fait, l'hiver, pour pas avoir froid.
Tu la trouves maigre soudain, frêle dans son déguisement de fée à paillettes, avec tous les trous dans le tissu, il doit en passer des courants d'air, elle doit être enrhumée tout le temps.
Atchoum.
Tu sers un peu plus ses doigts contre les tiens.
- Mais t'es pas triste ma petite croix, des fois ?
T'as oublié de faire comme si vous vous racontiez une histoire - tu au lieu d'elle - et de pas trop perturber le silence de la salle de cinéma, ton bruit, tes mots trop forts, se faufilent entre les sièges, vers les oreilles des spectateurs.
Tant pis.
Parce que la toute petite Alix prend toute la place c'est comme ça. Elle remplit ton cœur, elle éclipse les paysages de tes yeux - cinéma -, elle comble les vides dans ta tête, elle s'installe partout dans ton corps, elle est dans tes genoux et tes chevilles, elle se promène dans ta poitrine, elle galope sur tes clavicules.

et soudain, de la fiction vous passez à la réalité. ce changement de pronom vous bascule dans un univers qui vous appartient, vous rappelle que cette histoire que vous brodiez, n'est autre que la votre. un peu triste, un peu misérable. un gardien de bruits et une fée. est-ce que t'es triste petite croix? parfois, quand je me rends compte que le siège à côté de moi est vide. ou que mon lit est froid quand je m'y glisse. tout le temps, quand il n'y a personne pour rattraper mes larmes, ou pour m'offrir un sourire. au fond, tu demandes pas grand chose. au final, c'est comme si tu demandais qu'un ange s'installe à tes côtés. et tu regardes maxence, et ses yeux qui soufflent : espérance. t'espères, là, dans le noir, ta main dans la sienne, que cet ange porte ce nom qui possède un ixe commun au tien. raconte moi la fin, la fin de cette histoire. tu l'imagines comment toi? une fin qui finit bien, une fin qui finit mal. ça n'a pas d'importance en réalité, la seule chose qui compte c'est comment elle a commencé, le fait que vous vous soyez rencontrés.

- Parfois, quand je me rends compte que le siège à côté de moi est vide. ou que mon lit est froid quand je m'y glisse. tout le temps, quand il n'y a personne pour rattraper mes larmes, ou pour m'offrir un sourire.
C'est encore plus triste avec des je.
Tu regrettes votre chute dans le monde réel, celui où elle n'a pas d'amis et toi un petit frère perdu au royaume du silence. T'aimais bien être Tom, Tom dans la ferme avec la fée.
Tu te berces la tête de non non non.
C'est moche la réalité.
- Raconte moi la fin, la fin de cette histoire. tu l'imagines comment toi?
Tu tiques.
La fin de l'histoire, déjà ? Et quand est-ce que vous profitez de son milieu ? Boudeur tu fixes l'écran mais déjà tu t'ennuies, tu deviens en manque et tu quittes les images pour retrouver son visage.
- À la fin, la fée ... À la fin tu pleures plus. Parce que t'as un ange pour réchauffer ton lit et boire tes larmes.
Sourire lumineux dans l'obscurité.
Tu l'attrapes dans un baiser, saveur hésitation. Très vite tu brûles, elle te brûle, et vous animez la salle de cinéma avec vos bruits de bouches, concerto pour deux cœurs.
- Tu ... Tu l'aimes bien ma fin ?

ton maxence il a du mal à voyager de la réalité à la fiction. il ponctue ses phrases de bégaiement, de répétitions, il utilise les mauvais pronoms puis se rattrape à temps. toi aussi ça te fait tout drôle. toi aussi tu préférais parler de vous en tant que tom et la fée, ça faisait du bien, ça permettait de s'évader, d'oublier un instant que vos vies ne sont pas si douloureuses, d'imaginer que ce sont celles de quelqu'un d'autre.
ton maxence il te promet des choses. il semble du moins, sa voix est réelle. il te dit qu'à la fin de l'histoire tu ne pleures plus, ça te paraît si beau que dans tes yeux s'allument des petites lumières qui brillent qui scintillent. et tu le crois, tu le crois quand il te dit qu'à la fin, y'aura quelqu'un pour peupler ton lit et pour ramasser tes pleurs.
ton maxence il te donne alors un baiser un peu hésitant mais tout autant passionné. il y met du coeur et toi aussi. ça fait du bruit, et ça te gène un peu par rapports aux autres personnages de la salle. t'es timide alix, t'as les joues rosies, la peau en feu. tu préférerais être seule avec lui plutôt que partager ce moment intime, complice, avec des dizaines d'autres spectateurs.
oui, elle est belle. tu crois qu'elle va arriver bientôt ou il y a encore beaucoup de péripéties qui nous en sépare?

Ta tête tourne dans tous les sens, de votre baiser, de vos pronoms mélangés, de ta conjugaison défaillante, de Camille, des paillettes dans les yeux de ton Alix adorisée. Et puis on dirait que le film est bientôt fini.
Vous, vous êtes pas finis.
Vous commencez juste.
Hein ?
- Oui, elle est belle. tu crois qu'elle va arriver bientôt ou il y a encore beaucoup de péripéties qui nous en sépare?
Fin.
Fin.
Fin.
Tu prends le mot très au sérieux toi. Trop. Tu t'agites et tu fais des bruits de siège, d'angoisse, de fièvre. Tu te gênes toi-même imbécile, tu fais du bruit parce que tu ne sais pas quoi dire. Fin, fin, y a quoi après la fin ? Maxence, impuissance.
- Mais je veux pas que ça s'arrête, que ... qu'on s'arrête. Je veux pas la fin tout de suite, pas encore.
Murmure criant.
Cascades dans ses yeux, rougeurs sur ses lèvres, chocolat blanc sur sa peau, tu répètes dans ta tête. Cascades dans ses yeux, rougeurs sur ses lèvres, chocolat blanc sur sa peau, t'en as pas encore fini avec elle, toi t'as tout un bagage derrière toi, des peurs qui ont besoin d'être effacées, des cauchemars balayés, des rêves réalisés.
Cascades, rougeurs, chocolat blanc.
Même dans le noir tu les vois.
...
Parce que parfois, quand t'es tout seul dans ton lit, t'aimerais être à deux, t'aimerais avoir quelqu'un dans tes bras juste pour voir ce que ça fait.

tu regardes devant toi, sur l'écran blanc les images défilent, se succèdent pour inventer une fin heureuse à tom et à sa fée. une musique de fond parvient à tes oreilles, une musique douce, un générique qui annonce la fin d'une histoire. mais pas de la vôtre, non, non, non. elle ne se terminera pas là, pas dans cette salle, tantôt éclairée, tantôt noire, pas entourés de vieux qui râlent de vos bruits et de vos mélodies.
je veux pas que ça s'arrête, qu'on s'arrête. ça tombe bien toi non plus.
je veux pas la fin tout de suite, pas encore. mais si c'est une fin heureuse, alors pourquoi la repousser? pourquoi ne pas la laisser venir vous enlacer tous les deux, vous unir et sceller vos deux corps. ce que tu veux dire c'est que,
mais, petit ixe, la fin ça signifie pas que l'histoire s'arrête, ça veut juste dire qu'une page se tourne, ou un chapitre à la limite.
heureusement tiens. sinon, jamais plus tu ne sortirais de ce cinéma, jamais plus tu ne voudrais le quitter si c'était synonyme de quitter maxence parce que votre histoire serait terminée. non, c'est trop tôt, t'as encore trop de choses à lui raconter, trop de rêves à lui donner, et trop d'espérances à lui confier.

Maxence. Ton cœur balance. Et chavire.
- Mais, Petit ixe, la fin ça signifie pas que l'histoire s'arrête, ça veut juste dire qu'une page se tourne, ou un chapitre à la limite.
Ouf.
Aïe.
Le bonheur te mord le ventre. Soulagé tu voudrais danser, appeler les étoiles pour vous faire un peu de lumière, rameuter une bande de musiciens qui joueraient à petite croix la musique de ton cœur. Mais l'écran s'éteint du film et les spots se rallument, aveuglants comme une Alix. Rideau.
Dehors la nuit a pris le dessus, du soleil il ne reste plus une trace, les étoiles ont pris toute la place. Dehors la nuit est paradoxale.
Froide et douce.
Il fait trop froid pour elle, tu fais de tes bras un barrage à fin d'hiver et tu la caches contre toi. C'est pas que tu veux pas être son docteur en cas de rhume, mais bon, t'as un peu peur. T'as jamais eu à t'occuper d'un quelqu'un.
- Ça te dirait de t'endormir dans mes bras ce soir ?

tu sens que tes mots lui ont touché le coeur. ils ont atteint destination, juste là, au milieu de sa poitrine. c'était l'effet voulu, et t'es heureuse de le voir heureux.
seulement vous vous retrouvez chassés de votre cocon douillé -cette salle, ces sièges- vos repères changent car l'histoire de tom et de la fée vient de se terminer. maintenant c'est alix et maxence, les deux petites croix, dehors, dans le froid. ton poète t'entoure de ses bras, te protège du vent qui te chatouille les joues et fait désordre dans tes cheveux. il te demande alors si tu voudrais t'endormir dans ses bras ce soir.
silence. tu marques un temps d'arrêt, pour réfléchir, pour t'imaginer dans cette situation. dans un lit, dans le sien, dans ses draps, dans ses bras, à respirer son odeur, son parfum, la tête posée sur son oreiller, ce même oreiller sur lequel tous les soirs il dors. à partager ses rêves, le temps d'une nuit, partager un sommeil profond, inconscient, dans l'état le plus vulnérable qu'il soit. se faire réveiller le lendemain, par le soleil qui jette ses rayons sur vos deux corps -chocolat au lait, chocolat blanc- ouvrir les yeux et voir le visage de maxence pour débuter une nouvelle journée.
ce soir et tous les autres soirs, si tu voudras bien encore de moi.

Tu l'aimes bien dans tes bras, comme ça, camouflée, alors imagine dans tes draps. Bonheur. Ultime. Inégalable. T'as hâte sale gamin, mais elle a même pas dit oui, regarde-la elle réfléchit.
Merde.
- Ce soir et tous les autres soirs, si tu voudras bien encore de moi.
Amen.
Une pluie étoilée de soulagement te tombe dessus. Elle t'offre même plus que ce que tu réclamais, Alix. Une nuit. Pour égayer les prochaines du souvenir de celle-là. Voilà que toutes tes nuits sont remplies et réservées par la petite fée.
C'est un rêve et t'as les yeux grand ouverts.
Tu fais semblant de réfléchir, pour de rire, comme si t'allais refuser de lui ouvrir tes draps plus d'une fois, tu serais le pire des abrutis, ce serait se faire offrir un miracle par l'univers et dire : non.
- J'suis d'accord.
Imagine.
Alix la cascade blonde de cheveux étalée sur ton oreiller, perdu dans un songe que tu peux au moins essayer d'attraper au vol. Alix. Commencer le jour dans ses yeux.
Oui. Bah oui. Oui jusqu'à l'infini.
- En route mauvaise troupe.
Douce nuit.
Comme tu en as si souvent traversées avec ce désir venu d'ailleurs, celui de partager ton chemin avec une fille que tu aimes et qui t'aime.

» ILS REGARDENT LE SOLEIL SANS RIEN Y COMPRENDRE
» froid.
» Dans le froid de novembre
» toi tu dis que t'es bien sans moi.
» j'y arrive pas sans toi.

IL FAIT FROID SANS TOI

IL FAIT FROID SANS TOI

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