L’avion m’avait déposée il y a à peines quelques heures dans cette petite ville du Canada. Je voulais repartir de zéro, oublier mon passé. Rien de tel qu’un vent de renouveau pour être du bon pied. Je vagabondais donc déjà dans les rues de cette ville si attrayante, les mains dans mon jean slim noir. Mes converses d’un blanc tournant vers le gris m’emmenaient où elles le voulaient, je m’en fichais éperdument. « Au pied Drakan ! » Mais le joli Eurasier ne m’écouta pas. Je grommelai dans ma barbe avant de me mettre à courir derrière lui pour le rattraper. Même s’il respectait le fait de rester sur le trottoir, il ne connaissait pas assez bien la ville pour se permettre d’aller fouiner à droite et à gauche sans que j’aie un œil sur lui. « Bon sang Drake ! » Croyant que je m’amusais avec lui, le chien se mit à courir lui aussi. Je serrai ma veste en cuir autour de moi et me mit à sa poursuite. Finalement, ce serait mon meilleur ami canin qui m’amènerait dans un lieu inconnu.

« Enfin je te rattrape ! » Essoufflée, je passai la laisse à l’anneau présent sur le collier de l’animal. Il m’avait amenée à la plage. Bien, c’est pas trop mal. Malgré le Soleil présent, un petit vent frais s’engouffra sous mes cheveux et vint me caresser la nuque, m’arrachant un léger frisson. « T’as pas choisi le meilleur endroit mon tout beau ! » Souriant néanmoins, je me lassai choir au sol, m’asseyant en approchant le chien contre moi. « Cependant, le coucher de soleil qu’il va y avoir d’ici une petite trentaine de minutes risque d’être magnifique. »

Tu regardes l’océan. C ‘est beau les vagues. Peuvent-elles t’emporter ? Tu sais te noyer puis te recracher ailleurs comme un renouveau. Non. Peut-être pas. D’ailleurs, ta seconde vie, c’est Banff et rien d’autre désormais. Puis tu t’écrases au sol. Tu avais fermé les yeux et rien vu venir. Sacré chien ! « Hé l’oreiller, viens là ! » Tu ris. Tu tentes de renaître tel un Phoenix puis tu vois une silhouette. Rouge aux joues. Tu passes une main ans tes cheveux, hagarde et rattrape le chien qui s’amuse à courir dans l’eau après les petits cailloux. « Il semblerait que mon chien se soit réincarné en petit poucet. » Tu souris à l’inconnu.

Tu regardes les cailloux. Plic. Ploc. Le compte à rebours du temps. Les secondes, les minutes et les heures. Est-ce que tu vas mourir ? Peut-être. Joue la vie. Je t’aime putain. Ou pas. Au choix. Cochez la case et rayez la mention inutile. Tu fronces les sourcils. « Jamais je ne l’abandonne … » Mais il t’interrompt et tu lui souris en retour. « Pas grave, je sais ce que c’est d’être blond » Tu tires la langue avant de te mettre une gifle mentale monumentale. Zéro pointé Ex’ !

Il paraît si sérieux à côté de toi. Ton sourire disparaît. Est-ce que tu es trop enfant pour certaines personnes ? Mais à grandir trop vite, n’oublie-t-on pas de vivre ? Tu enroules une mèche de cheveux autour de ton doigt. Ton ciel bleuté se perd dans celui de l’horizon. Deux couleurs qui se rejoignent, deux forces de la nature qui s’affrontent. « Il s’appelle Drakan » Le vent fait s’envoler tes cheveux comme une danse que rien ne peut arrêter. Puis tu te retourne vers l’inconnu. « Excalie, enchantée. » Tu lui tends une main fragile mais qui saura se montrer ferme quand il le faudra.

Tu te perds dans la nature, ton esprit s’envolant avec cette chose que l’homme ne pourra jamais contrôler. Tu fermes les yeux et tu respires l’air marin. Tes poumons s’emplissent d’une nouvelle énergie. C’est fou ce que ça fait du bien d’être ici. Darkan s’ébroue et revient. Tu poses une main sur sa tête et, en échange, il te touche la jambe de sa truffe. « Je t’aime mon grand. » Au moins un en qui tu pourras avoir confiance. Sur le moment, tu as oublié Ulliel. Joli prénom soit dit en passant. Mais la main qu’il pose sur ton bras te fait sursauter et tu relèves la tête pour voir le Soleil disparaître de ta vue. La mer s’enflamme, tu exultes. « C’est magnifique … » Tu soupires et tes épaules se relâchent. La fatigue, le stress, tout s’éteint avec le Soleil. La nuit arrive, tu deviens une autre personne.

Tu es hypnotisée par ce spectacle qui s’offre à toi. La nature reprend ses droits et tu n’es plus qu’une infime partie de l’univers. Ta main repose immobile sur le doux pelage de ton Eurasier. Il y a l’air, la terre, le feu, le vent et puis l’humain. Oui, lui aussi est un élément. Malsain, incontrôlable qui détruit tout sur son passage. Tu soupires et tes cils viennent caresser le haut de tes joues jusqu’à ce que tu te tournes face – ou plutôt vers le dos – d’Ulliel. « Oh … Heu … Et bien bonne soirée. » Tu n’as jamais été très douée pour les Adieux et tu te trouves un peu désappointée.

Tu t’apprêtes à partir. Tu remets la laisse au collier de ton animal. « Aller Drake, on va chercher un endroit où dormir. » Alors que tu t’apprêtais à partir, une voix te retient. Tu te retournes et le vent vient placer tes cheveux sur ton visage. Pendant un temps, tu ne vois qu’un écran blond un peu terme dû au manque de luminosité. Tu te mords la lèvre, prête à décevoir la personne en face de toi. « Malheureusement, je ne suis arrivée qu’il y a quelques heures. Je dors même à l’hôtel pour le moment … » Tu te rapproches d’Ulliel afin de ne pas trop forcer sur ta voix. « Je compte demander un emploi au centre équestre car j’ai vu dans le guide qu’il y en avait un mais à part ça .. Je suis aussi perdue que toi. » Tu baisses les yeux, honteuse de cette réponse peu favorable. « Désolée. »

Tu le regardes et frissonne dans le vent. Drakan tire sur sa laisse et tu as du mal à le retenir. Quand il veut, ce gros chien sait se montrer impatient lui qui, d‘habitude, est sage comme une image. Tu étais prête à laisse le jeune homme en plan mais ce n’est pas ton genre. Tu es gentille, douce et tu as surtout le cœur sur la main. Du moins, c’est ce que ton entourage disait de toi. Vous êtes tous deux dans le même pétrin à ne pas savoir comment se quitter alors pourquoi le faire ? Tu avales ta salive et jette un coup d’œil au restaurant qui se trouve sur le bord de mer. « Si tu veux, tu peux nous accompagner pour manger un bout ? Peut-être qu’il y a de petites annonces affichées là-bas. On ne sait jamais. Puis comme c’est une petite fille, le patron pourra sûrement nous renseigner. »

Tu attends une réponse mais tes pas sont déjà entamés vers le restaurant. Enfin tes pas … Tes traces de pas plutôt vu que tu te fais légèrement traîner par l’estomac sur pattes. La laisse teinte tes mains de rouge en échauffant ta peau. Tu serres les dents et encaisses. Comme toujours. Ulliel se met à rire face à ta proposition. Tu ne comprends pas. Pourquoi est-ce qu’il rigole ? Tes sourcils se froncent. « J’ai dit quelque chose de drôle ? » Tu réfléchis mais tu ne te rappelles déjà plus de tes paroles. Tant pis. « Tu m’expliqueras à table alors. » Tu finis tes paroles par un clin d’œil et commence à marcher – limite courir – derrière Darkan. Tu te retournes en souriant. « Je crois qu’à la course, nous sommes perdant. Y en a un qui est motivé ! »

Tu te fais lamentablement traînée par ton chien sur la route du restaurant. Du sable s’infiltre dans tes baskets. Tu as horreur de ça. C’est assez dérangeant. Tu grimaces mais ne dis rien. De toute façon, ça servirait à quoi ? Tu sens la présence d’Ulliel derrière toi. Au moins, il ne te fait pas faux bon. Tu ris à sa phrase. Ça c’est certain. Si l’on veut manger, suivez la boussole Dastan ! « Y a même pas besoin de carte pour trouver à manger avec lui. On fait même du sport en même temps ! » Ton rire te suit et la porte du restaurant s’offre bientôt à votre vue. Vous choisissez une table sur la terrasse et Ulliel prend la carte pour vous inviter. Tu te mords la lèvre, ne sachant trop quoi faire. « Oh je ne veux surtout pas te forcer à faire cela. J’ai de l’argent tu sais ? » T’avais vraiment besoin de le préciser ?

Tu laisses le vent du soir caresser ta peau et un soupir d’aise franchi tes lèvres. Tu aurais pu être en bien pire compagnie. Il accepte ta proposition de faire chacun pour soit. C’est bien. Ça t’évitera de te rappeler de mauvais souvenirs. Tu caresses distraitement la tête de ton Eurasier tandis que tes yeux parcourent le menu. Le choix est compliqué mais tu as toujours eu un faible pour les crevettes. « Les crevettes sont d’ici ? » Le serveur acquiesce sans rien dire, te lançant un regard noir. Tu détournes vite le visage, le rouge te montant aux joues et tu te crispe. Comment se faire mal voir dès le départ. « Hé bien … Hum … Je vais vous prendre les crevettes alors. » Tu lui tends la carte et te dépêches d’ajouter avant qu’il ne parte. « Et avec le morceau de viande, serait-il possible d’avoir un petit bol d’eau aussi s'il vous plaît ? » Il lève les yeux au ciel. Tes dents viennent immédiatement à l’encontre de ta lèvre. « Je crois qu’il ne me portera pas dans son corps. » Un rire légèrement forcé t'échappe et tu tripotes nerveusement le bracelet que tu as autour du poignet, seul vestige de ta vie d’avant. Tu te sens mal d’un seul coup, n’aimant pas te faire d’ennemis.

Tu te perds aussi ans la contemplation de l’horizon. Le silence ne te gêne pas. C’est même très agréable. Un mince sourire étire tes lèvres closes et tes yeux mi-clos empêchent le coucher de soleil de venir trop t’éblouir. Tu joues toujours avec ton bracelet et Dastan réchauffe ton pie avec sa petite tête. Puis tu sursautes et écarquille les yeux avant de pouffer de rire. « Oh Mon Dieu, ce n’est pas ce que je voulais dire. » Tu essayes de reprendre ton sérieux mais tu ne peux t’empêcher d’imaginer la scène dans ta tête et une grimace tord ton visage de porcelaine. « Les aventures d’un soir, très peu pour moi. » Le serveur est arrivé au même moment, déposant quelques amuses bouches pour faire patienter. « Et pour moi aussi. » Tu t’empourpres et bois une gorgée d’eau pour tenter de faire bonne figure mais tu avales de travers, encore prise par ton fou rire. Des larmes apparaissent sous tes paupières et tu les essuies comme tu peux. « A ce moment là, tu dois amèrement regretter de m’avoir adressé la parole. » Tu fais une petite moue enfantine parce que plus rien ne peux te te descendre encore plus bas niveau honte.