je sers du soda dans les trois verres, je les écoute répondre. alors, je suis le seul à avoir une 'véritable' raison d'être venu ici ? non pas que les vacances n'en soient pas une, mais.. un peu, quand même. je me retourne, et sid a disparu. ou presque. il est à la fenêtre et demande l'heure. ah, il compte déjà repartir ? oh non, j'aimerais mieux que non, quand même. asher me regarde. il ne doit pas avoir l'heure. je sors mon iphone avec difficulté de ma poche et fronce les sourcils pour lire l'heure. plus de batterie, plus de luminosité. roh. crotte. « il est, euh, trois heures et demie, je crois » j'apporte son verre à asher avec un sourire. puis je prends le mien et celui de sid, que je lui mène aussi. un sourire, je m'assieds sur le rebord de la fenêtre, un peu à côté de lui, un peu face à lui. « tu dois aller quelque part, t'es pressé ? tu n'veux pas rester ici ? » oh, allez, reste ici, allez. s'il te plaît. je le fixe dans les yeux, là, peut-être que ça le convaincra.

à côté de lui, verre en main, je le regarde. lui, regarde dehors, au loin, je ne sais où. ça m'est égal. moi, je le regarde lui, je peux le regarder pleinement. et j'ai un peu peur, je le reconnais, qu'il s'en aille. s'en aller pour aller où ? je n'en ai aucune idée. peu importe, je ne veux pas qu'il parte. on est bien, là. je suis bien, avec sid à mes côtés, moi. je ne veux pas bouger, je ne veux pas qu'il bouge. et s'il venait à s'en aller, j'aurais un grand vide. si asher s'en allait aussi, j'aurais un vide. peut-être plus petit, peut-être autant. mais sans nulle doute différent. il sourit, je souris. réaction en chaîne. effet papillon. notre effet papillon à nous. il ne va pas s'en aller, je suis rassuré. vraiment. je jette mon regard dans la même direction que lui, finalement, quand il bouge la tête. un van. décidément, ils sont nombreux, à avoir des vans. sid le deuxième que je rencontre. chiffo le premier. je me sens de plus en plus ridicule avec ma poubelle à quatre roues et un volant. heureusement, elle n'est pas avec moi. oui, heureusement. « tu voudras de l'aide pour tes affaires ? on peut t'aider à tout rentrer, hein asher ? » oh, asher, pardonne-moi, je ne te laisse pas vraiment le choix, pour le coup. je lance un sourire à sid -à nouveau, je ne peux pas m'en empêcher. quoi qu'il en soit, qu'asher veuille aider ou non, moi, je l'aiderais. mais, pas tout de suite. tout de suite, il plante son regard dans le mien, si intensément que j'aurais tendance à en oublier de respirer. j'ai la nette impression de devenir pivoine. rien qu'à son regard, oui. je me plonge dans mon soda, finalement, soulagé de réussir à m'extirper de là. « y a encore de la place, oui, tu peux venir si tu veux » je relève les yeux vers lui un instant. ça non plus, je ne peux pas m'en empêcher. un énième sourire apparaît.

alors, alors c'est cool. on sera dans la même chambre, et avec la petite québécoise de tout à l'heure, aussi. ça me ravit au plus haut point. genre, vraiment. je suis vraiment très très content. et puis, peut-être qu'asher viendra dans notre chambre, aussi, ça serait cool, ça aussi. plus on est de fous, plus on rit. même si, j'en suis sûr, on va déjà bien rire avec sid et la québécoise. la québécoise qu'il faudra que j'aille questionner, d'ailleurs, sur son prénom et son histoire de ship, aussi. je souris. je souris trop aujourd'hui, je crois. en fait, je souris trop depuis que je suis à banff. pourtant, je n'ai pas tellement de raison de sourire. mais, je n'en ai pas pour ne pas sourire non plus. alors je souris. je souris à asher, je souris à sid, je souris au soleil, je souris à tout. même au papillon qui passe de l'autre côté de la fenêtre. sid se relève et s'éloigne, lançant le départ. asher le suit, je leur emboîte le pas jusqu'au van. « il est beau ton van, tu dormais dedans avant ? t'as beaucoup d'affaires ? oh, ça doit être cool quand même de s'installer dedans et de dormir n'importe où, sur les parkings, non ? » oh oui, vraiment cool. tiens, peut-être que j'envisagerais de repartir avec lui dans le van, juste pour voir. ou alors, repartir dans le van, sans lui. qui sait, si j'arrive à le convaincre de me l'offrir gentiment, avec mes talents de persuasion que je n'ai pas.

Ses expirations provoquent de la fumée grisâtre, qui sort de ses poumons encore habitués à la chaleur confortable de son foyer temporaire. Il observe le véhicule, juste assez vétuste pour être appréciable. L'intérieur, légèrement bordélique, sent l'odeur familière du tabac. Des enceintes traînent, Asher les observe un instant. Il se demande quel genre de musique Sid aime, le voit bien apprécier n'importe quel type. J'avoue, pas de doute possible, on est bien en montagne ici. Il prend un des sacs de vêtements reposant sur le sol, avec un poids respectable. L'envoie valser sur son épaule, près à recueillir autre chose, mais Sid annonce que c'est bon. Il voyage assez léger. Ils retournent vers l'auberge. Une fois devant les différentes portes des chambres, il se retourne vers Sid. “J'le met dans laquelle ?”

on le suit jusqu'au van qu'il ouvre où règne un chantier innommable. je souris. ça se voit que c'est le van d'un garçon, bordélique à souhait. j'hausse les épaules à ses remarques. oh, moi, je peux dormir sur du béton, ça ne m'empêchera pas de bien dormir, et en plus, je ne crains pas le froid. en fait, je peux dormir n'importe où, n'importe quand, jamais rien ne m'empêche de dormir. deux sacs de fringues. c'est peu, très peu. oh, je n'ai certes qu'un pauvre sac à dos, moi, mais lui, avait de la place dans le van pour prendre plus d'affaires, alors c'est peu. asher en attrape un, j'attrape l'autre. je leur emboîte le pas, à nouveau, jusqu'aux chambres. oh, s'il n'a pas changé d'avis, moi je sais dans quelle chambre tout déposer, mais sait-on jamais. il a peut-être changé d'avis, oui.

La pièce est plongée dans la pénombre, mais le contour de quatre lits se dessine. Sid se dirige vers le lit le plus au fond. Asher le suit, pose le sac au pied du matelas. Il pense à ses affaires, laissées à quelques mètres. Il sort de la chambre et y revient, portant son propre sac à dos, qu'il pose sur le lit qu'il reste, près de celui de Fleur. “J'espère que tu ronfles pas !” qu'il lance au garçon en rigolant.

Il n'y a plus de gravité, dans la tête de la petite Juliette. Elle flotte dans l'espace, dans le temps. Toutes les dimensions s'entre-croisent. Une seconde elle se bat contre un dinosaure pour protéger sa couvée, la suivante, elle boit un thé avec des aristocrates anglais. Elle rêve, s'imagine un milliard de scénario, jusqu'à ce qu'elle fixe sur celui là. Le rêve parfait, celui dont on ne veut pas se réveiller.

Je suis sur un nuage, sur un tas de marshmallow confortables. Je m'étire dans tous les sens. Je n'ai pas trop chaud, je n'ai pas trop froid. Je dors. Je dors comme un chat obèse un samedi après midi. Je dors et je suis plus que bien. Du moins jusqu'à ce qu'on me questionne. Tu ronfles pas. Horreur. Et si?

D'un coup, le pays imaginaire s'écroule. Vite la petite Juliette attrape un parapluie, et dégringole. Du nuage a la terre. Des marshmallow au lit trop dur de l'auberge, dont les planches lui marquaient le dos. tu. Ronfles. Pas. Des paroles qui lui restent dans la mémoire, alors que le reste s'efface.

J'ouvre les yeux, incertaine de l'heure, peu certaine si la pièce est éclairée ou pas. Tout ce que je sais, c'est que quelqu'un dans la pièce a commenté sur mes ronflements et que ce quelqu'un est toujours dans la chambre; Un mélange de parfums mi-virile mi-trop-propres me parvient aux narines. « Je.. » Je suis arrivée ici vraiment fatiguée. C'était quand? « J'ai ronflé? » Mes yeux, lentement, s'habituent à l'environnement, au mode éveil. Je remarque plusieurs silhouettes, trois, si je n'ai pas perdu mon aptitude a compter. Oh. « salut. » Je dis, hésitante : je me cache maintenant ou j’attends qu'ils commentent ma superbe bedhead?

j'hoche la tête. c'est bien ma chambre, oui. alors on rentre, pis on pose les affaires de sid sur son lit. asher fait un rapide aller-retour pour s'installer dans le dernier lit, à côté du mien. je ris de sa question. hé non, t'as de la chance ! j'suis silencieux, moi, quand j'dors. pis y a la québécoise qui s'réveille. on a dû la réveiller avec notre bruit. j'ris, encore. hé c'est rien de le dire, t'as fait autant de bruit qu'une fucking balayeuse ! j'souris. non, c'est pas vrai. elle était silencieuse. enfin, je crois. quand on est arrivés, en tout cas. oh boy ! t'as bien dormi, t'as les marques de l'oreiller à la joue ! j'dis, en même temps que je m'approche d'elle, et je passe mon doigt sur les marques en rigolant.

il regarde la couverture informe s'ouvrir sur une jeune fille. à moitié réveillée elle semble avoir capté d'une étrange manière leurs paroles. il l'a salue à son tour, d'un léger signe de la tête agrémenté d'un sourire. elle a l'air simpathique avec ses grands yeux et son visage enfantin. il va pour se présenter quand Sid détourne son attention sur la question de la salle de bain. “oui, elles sont même mixtes.” la proprio lui en a soufflé deux mots lors de son arrivée, car il comptait directement passer sous un jet d'eau chaude. puis il était tombé sur les gars, en avait changé ses plans, pour le meilleur.

Spoiler:

Oupsy. J'suis une balayeuse. J'ai des marques d'oreiller, et je suis à peu près certaine que mes extensions se sont faite la malle. Honte. Malheur. Horreur. Tragédie : Les silhouettes sont des hommes, des hommes pas moches. - Ma vision se clarifie alors qu'ils jasent des toilettes.

Voilà. Je peux pas. Comment je vais faire, si les salles de bain mixtes? Non. Comment vais-je relâcher mon popo matinal si de jolis spécimens – eux là - sont dans les environs? Impossible. Je veux dire : j'aimerais garder ma réputation de lady et mon petit charme français.  

La fatigue, les hormones et les chiottes unisexe font leur effet sur moi. Je me met a gémir comme une petite fille qui à qui on a dit non. Je ne contrôle rien. Je suis une sacrée catastrophe. « mais je veux pas vous imposer mes – je veux pas me faire voler mon shampoing moi » Ci-gît Juliette, morte de désillusion. Banff n'est pas parfait, banff a des cabinets publiques.

Spoiler:

je taquine un peu la fille qui vient de se réveiller et sid demande comment sont les douches. j'écoute la réponse d'asher et je fronce les sourcils. des douches collectives et mixtes, c'est bizarre quand même. ça m'dérange pas, moi, je m'en fiche, mais c'est bizarre. très, très bizarre. non, c'est beaucoup trop bizarre de se doucher avec tout le monde en même temps. ou alors j'ai pas tout compris, peut-être. je regarde juliette qui dit qu'elle n'veut pas se faire voler son shampoing en râlant. bon, on a une vraie fille avec nous. mais quand même. cette histoire de douches. c'est bizarre. je m'assieds au bord de mon lit en tailleur et les regarde les uns après les autres. t'es sûr que c'est mixte? c'est bizarre. oh maintenant ils vont croire que ça me dérange. mais ça me perturbe juste énormément. vraiment, énormément.

il hausse les épaules vers le scepticisme de Fleur. j'crois bien ouai. c'est ce qu'il a crû comprendre. mais avec son accent canadien à elle et sa fatigue à lui, bien possible qu'il se trompe et qu'il ait mal compris. ça lui arrive souvent en plus en ce moment. il est légèrement exaspéré par lui-même. faudrait qu'il accorde plus d'attention aux gens. qu'il arrête d'être dans les nuages tout le temps. il voit Sid observer sa montre, puis s'excuser. asher le regarde partir, tranquillement. lui aussi doit bouger aujourd'hui. choses à faire, lieux à aller. faudrait commencer par le commencement. il se décide à chercher dans son sac quelques changes, avant de glisser son sac à dos sous le sommier. j'vais vérifié la salle de bain, j'verrais bien. à toute Fleur et bonne nuit à toi, qu'il dit à la fille avec un clin d’œil, en filant.