Je n'avais même pas encore fini de déballer mes cartons, cependant, j'avais besoin de trouver une colocataire le plus tôt possible. J'avais en effet pris un peu plus grand que je ne pouvais me le permettre pour la simple et bonne raison que je n'avais pas envie d'être seule dans cet appartement. C'était une autre ville et pouvoir avoir une colocataire ne me donnera pas l'impression d'être totalement seule. J'avais des économies de côté, donc je n'avais pas eu de difficulté pour la caution ou ce genre de chose, cependant, je comptais bien demander son dû à mon colocataire. J'étais impatiente d'en trouver un.

Vêtue encore de ma salopette de bricolage et les cheveux en chignon négligé à cause de mon installation, j'avais fait le tour des cafés et des auberges de jeunesse pour poster mon annonce. Cette fois-ci, j'étais à la Guest House entrain de punaiser : « recherche colocataire femme, non fumeuse, pour appartement T3, balcon, salle de bain, cuisine indépendante, 80 m2 au 208 wolf street. merci de me contacter au 1-403 308. »

J'suis partie sur un coup de tête de chez moi, j'ai pas pris le temps de prévoir quoi que ce soit. Et maintenant, me voilà depuis quelques nuits dans une auberge de jeunesse, que j'ai les moyens de payer. Non parce que les chambres à 50$ la nuit dans les hôtels, très peu pour moi. Du coup, l'auberge de jeunesse, c'est pas mal pour moi, et puis c'est pas comme si c'était si terrible à vivre. J'arrive dans la salle commune, en pyjama trouvé chez Primark lors d'une virée à Londres et j'avance vers une nana, entrain de punaiser une petite annonce sur un mur. Je lis par dessus son épaule, silencieusement, avant de prendre la parole : « Et si le vice de la fumette tombe sur ta colocataire au bout d'un moment ? » Bah quoi ? C'est une question intéressante, non ? Ça peut arriver à tout le monde, pour des raisons diverses...

Malgré moi concentrée dans l'installation de mon papier sur le panneau d'affichage, je n'entendis pas une jeune femme s'approcher cependant, j'entendis parfaitement sa question. Laissant enfin pendre le papier car bien accroché je me tournais vers la jeune femme que je découvrais en pyjama. « Oh euh, j'avoue ne pas y avoir pensée. » dis-je en me passant une main dans les cheveux. Il était vrai que je n'avais pas pensée à l'éventualité que ma future coloc commence à fumer par la suite. Même si j'avais toujours imaginé qu'une personne refusant de commencer à fumer ne se mettrait jamais à commencer. « Si je laisse parler la juriste en moi, je dirais que le contrat serait alors caduc et q'elle devrait quitter l'appartement. » J'eu un sourire nerveux en me rappelant que mes propos un peu trop cadré boulot avait toujours tendance à faire peur aux gens. Il fallait dire que je venais d'obtenir mon diplôme de droit et je connaissais déjà une déformation professionnelle. Je ne préférais pas imaginer le résultat dans quelques années. « Mais si je laisse parler la personne normalement constituée, je dirais que je lui demanderais simplement d'aller fumer sur le balcon en fermant la porte. »

La nana fait volte-face, apparemment entrain de réfléchir, au vu de l'expression de son visage et sa main dans ses cheveux. « Si je laisse parler la juriste en moi, je dirais que le contrat serait alors caduc et qu'elle devrait quitter l'appartement. » Ah ouais, à ce point ? Tout ça pour 3 grammes de cendre et un peu de fumée... « Mais si je laisse parler la personne normalement constituée, je dirais que je lui demanderais simplement d'aller fumer sur le balcon en fermant la porte. » Je souris à l'entente de "la personne normalement constituée" légèrement amusée. « Ça va, t'es pas si terrible en fait. » Je lance, avant de capter que c'est ptêtre pas ce que j'aurai dû répondre. Alors histoire de me rattraper, je lance : « Sinon, c'est combien le loyer ? Divisé par deux, j'veux dire. » Pas que je manque de m'étouffer parce qu'elle me sort le loyer en entier.

J'eu un léger sourire en coin lorsqu'elle ne prit pas peur. Même si j'étais du genre studieuse, je n'avais pas envie de passer pour une fille chiante. Cependant, j'étais un peu comme Ross de FRIENDS, je ne pouvais pas m'empêcher de parler des choses que j'adorais, qui me passionnais et soyons honnête, j'adorais le droit. J'eu un nouveau sourire lorsqu'elle me demanda le loyer. Etait-elle intéressée ? C'était une bonne chose. La jeune femme dégageait quelques choses de vraiment sympa et je partis donc avec un sentiment positif même si j'avais parfaitement conscience qu'il ne pouvait s'agir là que de la curiosité. « Le loyer est de $450 par mois. » J'avais un peu regardé le marché dans le coin et j'avais même réussi à obtenir un rabais avec le propriétés en lui ayant offert un joli sourire. J'avais rapidement fait le calcul par rapport à une chambre d'hôtel et j'avais trouvé que c'était une bonne affaire. Cependant, je ne savais pas du tout si l'inconnue en pyjama allait avoir le même avis. « L'immeuble est très bien entretenu. »

Je crois que je l'aime bien, cette fille. Enfin, disons que j'ai une bonne impression pour l'instant. Elle a l'air d'être assez drôle, malgré elle, sans doute, mais drôle quand même. Disons que j'ai moyen de la taquiner, et c'est tout ce que je recherche. Parce qu'autant le dire, je préfère largement vivre avec quelqu'un avec lequel je ne m'ennuierai pas. Et ça peut passer par pleins de choses, mais la taquiner semble une bonne idée. Alors si elle est capable de supporter mes taquineries, alors on risque de bien s'entendre et de passer de bons moments dans cet appartement. Enfin, j'attends quand même le prix avant de me prononcer. Et il finit enfin par le sortir. « T'es sûre que tu l'as divisé par deux ? » Je lance, avec un regard écarquillé, et une voix plus qu'interrogatrice. Alors qu'elle lance timidement que l'immeuble est bien entretenu comme argument de "vente". « Ah bah à ce prix là, j'espère ! » Je lance, avec stupéfaction.

Je fis une légère grimace en voyant la réaction de la jeune femme. Il était vrai que tout le monde ne pouvait pas se permettre cela et tout dépendait du boulot que l'on avait. L'argent que j'avais pu me mettre de côté, allait me permettre de payer le loyer pendant quelques mois et surtout de monter ma partie entreprise, merci le prêt bancaire. Mais j'avais conscience que ce n'était pas forcément aisée pour tout le monde. « Je sais que dans le coin, cela se fait souvent de payer en cash au propriétaire. Généralement il accepte de baisser le loyer dans ces moments. Je pense qu'il y a encore moyen de négocier $100 de rabais, mais rien n'est certain. Et si tu souhaites rester durablement ici, c'est une bonne option. » Je posais quelques instants mon regard sur l'annonce avant de regarder à nouveau la jeune femme. « Tu as un boulot ? » C'est une fois cette question posée que je réalisais que je ne connaissais pas encore le prénom de la jeune femme et qu'elle ne connaissait pas le mien. Il serait peut-être temps de le faire. « Au faite, je suis Stacy. »

Elle tente directement de se justifier, de trouver des moyens de me convaincre, genre en proposant de payer le proprio en cash et donc, de négocier le prix. J'aime bien, ça prouve qu'elle veut vraiment que je vienne habiter avec elle, et j'aime assez le fait de me faire désirer. Et puis, elle me demande finalement si j'ai un boulot, ce à quoi je réponds quasi-directement : « C'est en cours... » J'ai envoyé trois CV quoi, mais c'est déjà ça, faut pas trop m'en demander non plus ! Et elle me lâche finalement son prénom, Stacy. « Moi c'est Raphaëlle, mais tu peux m'appeler Raph s'tu veux. » Non parce que, c'est toujours difficile de prononcer mon prénom pour des gens qui parlent anglais de naissance, alors je préfère donner un surnom, c'est plus simple pour eux. « Non mais j'plaisantais, c'est ok pour moi 450 dollars ! Enfin j'cracherai pas sur 100 dollars de remise, mais c'est pas si terrible, ça va ! » Et puis, je suis Suisse, les loyers c'est beaucoup plus cher que ça chez moi...

En cours ? j'espérais qu'elle trouverait bientôt. Après tout, c'est toujours plus agréable d'avoir un boulot que d'être au chômage et je reconnaissais que c'était une garantie importante pour moi. « Tu recherches dans quel domaine ? » D'une nature curieuse, je n'avais pas résisté à poser cette question. Son prénom fut original. Anglaise de naissance, je n'avais pas l'habitude de ces prénoms francophones. Son surnom était parfait pour moi. « C'est un joli prénom. » dis-je avec un sourire aimable. Oui, elle me semblait cool même si je devais reconnaître que je ne connaissais encore que peu de chose d'elle. « Tu me rassures, je sais que c'est beaucoup pour certaine personne. Mais honnêtement, une collocation revient à moins cher pour un peu plus grand, je n'ai pas hésité longtemps. Donc cela t'intéresse ? » Bien que je me doutais déjà de sa réponse, je voulais tout de même que cela soit dit verbalement histoire de ne pas avoir de quiproquo. « Tu veux peut-être visiter ? »

Dans quel domaine je recherche un job ? Eh bien... « A vrai dire, je ne suis pas très exigeante, je prendrai ce qu'on me donnera, dans un premier temps. » J'ai fait des études quand même, du moins, j'en ai commencé. Alors j'ai quand même un champ de compétence un peu plus large que ceux qui ont simplement un diplôme de base. Et puis, elle finit par me complimenter sur mon prénom, ce à quoi je ne peux m'empêcher de répondre, avec un sourire amusé : « J'peux pas en dire autant du tien.... enfin, disons que les Stacy sont toujours des salopes chez moi. », avant de lâcher un petit rire, et de lui taper gentiment sur l'épaule. C'est vrai ça, y'a toujours des prénoms comme ça, précurseurs de ce qui va advenir d'une nana. Les Mathilde sont toutes des grosse connasses, en général et elles ont été rares, les exceptions... Et puis on me demande si l'appartement m'intéresse, bah tiens, quelle question ! « Bah non, j'adore vivre dans une chambre avec 17 autres personnes voyons... Niveau intimité et confort, c'est l'top ! » Et voilà, elle me pose la question finale : « Tu veux peut-être visiter ? » Je souris, acquiesce. « Avec plaisir, allons voir la bête ! »

J'eu un rire jaune. De toute évidence mon prénom n'était pas du genre à avoir la quote même si j'avais toujours fait en sorte de ne pas répondre à ce genre de stéréotype. J'espérais vraiment n'être pas le genre de fille que Raph venait de me décrire. « J'espère que je serais une exception dans ce cas. » J'eu un rire face à sa blague. Il était vrai que l'intimité n'était pas facile dan les auberges de jeunesse et je devais le reconnaître. C'était d'ailleurs à cause de cela que je n'avais jamais pu aller dans les auberges et que j'avais fait en sorte de faire autrement. « Attends. » Arrachant, le bout de papier du panneau d'affichage, je sortais un stylo de ma salopette avant d'écrire l'adresse sur le bout de papier. « Tiens, voici l'adresse, tu as mon numéro. Tu m'appelles quand tu peux passer, vu que tu dois te changer. » dis-je avec un léger sourire en désignant la tenue de la jeune femme qui était toujours en pyjama. « Au faite, c'est un meublé. » dis-je avant de m'éloigner.

Spoiler:

Elle a pas l'air de kiffer ma remarque sur son prénom, faut dire que c'est un stéréotype assez affreux, mais aussi très très vrai. J'ai encore jamais rencontré d'exception à la règle, mais la première impression que j'ai n'est pas celle que j'ai d'habitude avec les Stacy. Je veux dire, elles portent sur elles leur caractère de grosse pétasse, mais pas cette Stacy. Alors c'est une bonne chose, et ça m'encourage à vouloir la connaitre encore plus. Et puis, elle balance qu'elle espère être une exception, elle aussi. « J'espère aussi... », dis-je, avec un léger sourire, qui se veut réconfortant. Et puis paf, la discussion avance grave rapidement, et elle finit par décrocher la petite annonce pour laquelle je me suis spontanément proposée. alors j'dois la rejoindre après m'être changée, au 208 wolf street. Ok, je note, je note. Je prends le morceau de papier entre mes doigts, et je lis le numéro de l'appartement, avant d'entendre que... Ô joie, c'est un meublé. Il me plait définitivement bien cet appartement, même juste sur papier. Je retourne vers ma chambre, déterminée à déjà préparer mes affaires prêtes pour emménager. J'ai pas grand chose, mais le peu que j'ai, ce sera ça de fait.

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