c'est comme un chat. tu ne sais pas pourquoi, mais ce ronronnement te fait du bien, tu sais que tu peux t'endormir tout doucement et puis le lac est un chat. j'essaie de lire, j'essaie de lire l'eau, j'essaie de lire le ciel. il y a des gens qui parlent, des gens qui rient. moi je ne sais pas rire, c'est quoi rire ? ça doit être doux. je ne sais pas parler, je ne sais que regarder. je ne sais écouter, je ne sais que lire. le lac c'est comme un chat. un chat calme, un chat qui dort tous les jours, un chat de ressourcement. et puis il y a moi, un moi à la recherche de ce chat, à la recherche de ce calme. - CHAT. trois petits chats et je suis seul.

je me suis endormi. comment aies-je fait ? j'n'en sais rien. mais je me suis endormi, là ici. l'espace d'un instant j'ai fermé les yeux et je ne les rouvre que maintenant. quelle heure est-il ? quel jour on est ? j'sais pas, c'est grave ? non cela ne l'est pas. j'ai l'impression d'avoir dormi pendant cent ans, d'avoir quitté le monde le temps qu'il fasse plusieurs tours sur lui même. je me suis endormi comme on ferme un livre. comme un claque une porte. je me suis réveillé comme on déchire une feuille, comme on chante une chanson. c'était calme. cela ne l'est plus vraiment. j'étais seul et je ne le suis plus. enfin si, des personnes m'entourent. j'me frotte les yeux, sonné par cette nuit un peu trop courte. je regarde un peu partout. des gens, en groupe. de l'eau. je ne sais même pas où je suis.

LÀ

Maxence, tu rimes avec silence.
Pourtant, qu'est-ce que tu fais comme bruit ! C'est bien, tu vis, mais t'en fais trop. Tu parles, tu ris, tu postillonnes, tu salues tout le monde dans la rue, tu chantes, tu fais des bruitages des onomatopées, des imitations, tu bavasses, tu gênes, tu caches le silence qui s'est glissé dans ton prénom.
Pourquoi tu fais ça ?
T'as pas envie d'entendre le bruit autour de toi, le ciel qui pleut ou qui fait soleil, les oiseaux qui se marrent, la nature qui s'éveille, les nuages qui font la foire ? Bah alors ? Pourquoi tu veux pas les écouter ?
Regarde-le, lui, par exemple. Ange, petit prince. T'as pas envie d'écouter le vacarme de son silence ? Ah, si, tu vois. Tu vois que c'est beau. Tu vois que t'en es capable.
C'est peut-être qu'il coupe la parole à tes mots, lui, aussi.
Il a un air de réfléchir, sans dire un mot. C'est ton étoile contraire. T'es intrigué. T'es pleins de questions sur lesquelles tu ne peux pas mettre de mots. De sons. De bruit(s).
Il dit CHAT.
Tu sursautes, surpris par son réveil.
- Pourquoi t'as dit CHAT ? T'es un chat ? Si t'es un chat moi j'suis une souris. Tu peux jouer avec moi, si tu veux.

des gens heureux, puis des malheureux, ils se questionnent, le chemin d'une vie le questionnement. il est seul, il dort tout au loin, le monde des rêves doit être passionnant, le monde des rêves doit être beau, c'est quoi rêver ? je ne sais pas rêver, je sais seulement cauchemarder, cauchemarder le vide, cauchemarder les voix. la voie. il respire, il est en vie, je le regarde si étrangement, je le regarde comme un objet rare, comme l'humanité, comme ma voix. voix, chat. deux petits chats et puis trois petits chats. chat ? chat lui aussi, chat tout ? souris ? je lis ses lèvres et je souris. - CHAT, OUI. je me retourne vers le sommeil, l'homme des rêves. - TOI TU VEUX JOUER ? je suis sourd les gens, je suis sourd des mots, je ne sais que lire, chat.

mes yeux s'accordent à la lumière. mon regard suit ses rayons qui se fracassent sur des rochers. jusqu'à lui. il est beau, ce garçon. je soupire. il est loin de moi mais au milieu de tous ces gens bruyants, il n'y a que lui que je m'entends. mes muscles se dénouent au fur et à mesure que je me lève, mon dos craque.
comme la belle aux bois dormants qui sort de son hibernation.
j'ne sais pas si j'arriverais à tenir sur mes deux jambes. je progresse dans l'herbe fraiche à quatre pattes, l'histoire de ne pas perdre équilibre, moi qui n'suit pas très droit.
je dévisage celui qui lui parle.
j'arrive à sa hauteur, je m'agenouille, sans un bruit. dans un souffle calme. une tempête semble battre dans ses yeux. du tonnerre. les miens ne cessent de faire des allés retours sur les quatre coins de son visage. l'est beau.
toujours silencieux Kostia. je lui tends ma main. je ne veux pas qu'il me la serre oh non, juste qu'il la prenne si il le veut.

il marche, marche, marche, comme un chat. sa main dans tous les sens je la regarde, droite, gauche et puis droite. je souris. je prends son index, que cette partie de son corps que je lève et puis que je baisse et que je lève et que je baisse. - HEY, MOI THÉMI, TOI ? tu ressembles à une fleur du désert, à un dessert. tu sembles dormir, tu sembles ailleurs, est-ce que tu vas revenir ? est-ce que je dois tirer sur ton doigt et que tu vas t'envoler ou exploser comme un cadeau ? une explosion d’artifices de joie. - ET TOI ? je pointe la jeune fille au loin, une jeune fille qui dessine, une jeune fille qui lit les visages. elle et ses traits d'arts, c'est une oeuvre d'arts, plus belle que picasso. - ELLE DESSINE. et toi tu cries.

Il y a un nouvel arrivant, il marche sur ses genoux, il est beau lui aussi, ils sont tous beaux, qu'est-ce qui leur prend ? Et puis il y a une fille en retrait, une fille qui vous regarde comme si elle avait envie de venir et tu sais qu'elle fait déjà partie du groupe.
Le petit prince, il s'appelle Thémi.
Thémi. Thé-mi, dans ton français ça sonne timide.
Timide, Thémi.
Tu les regardes tous, un par un, tu fais l'inventaire de leurs moindres détails, tu essaies de les apprendre par cœur comme des poèmes pour les réciter à ton frère, plus tard, dans vos lettres.
Il y a le blond d'abord, le plus petit, le prince, le « CHAT ». Ses courtes boucles font de lui un tout petit enfant, sa bouche boude les mots, et puis ses yeux brillent de tout, de rien.
L'autre blond, le dormeur du lac, il faudrait lui faire des câlins, il doit avoir peur de quelque chose, il n'ose même pas se lever pour marcher, pourtant il est si joli avec ses yeux en paillettes, tu ferais tout ce qu'il veut toi.
Même te taire.
Et puis il y a la fille, elle éclate d'étoiles, tu tomberais amoureux d'elle si tu savais faire. Ses cheveux sont de longs fils d'or dans lesquels tu aimerais te perdre pour toujours. Elle reste à l'écart et tu voudrais qu'elle vienne plus près. Vérifier sa beauté. Thémi lui demande son prénom.
T'attends sa réponse. Savoir son nom.
T'imagines des beautés pour elle.
Fleur. Nora. Lise.
Ils sont tous blonds.
Au milieu de ces anges, toi, t'es une tâche brune, une pépite de chocolat, un intrus, pourtant t'as l'air de gêner personne. Parce que tu te tais pour une fois. Parce qu'ils t'ont réduit au silence avec leurs cheveux d'étoiles et que toi, tu n'as pas de mots à mettre sur ce que tu voudrais leur dire.
Tu restes dans ton silence.
Ça fait du bien quand tu t'arrêtes.
Et puis le garçon crie et ça t'embête.
- ELLE DESSINE.
La belle, la jolie, la fée.
- Pourquoi tu cries tout le temps ?

Tu voudrais leur dire que tu t'appelles Maxence Francoeur.
T'es sûr que eux, ça leur ferait pas peur.

Votre cercle s'agrandit et accueille le troisième ange, la petite dernière restée à part pour capturer l'instant sur son calepin. Elle a dû abandonner. Vous avez dû tellement l'attirer qu'elle en a abandonné son dessin.
- Bonjour.
Elle est toute pliée sur elle-même, tu voudrais prendre la prendre par la main et l'aider à démêler les nœuds de son corps. Et lui dire, mais pourquoi tu fais ça ?
- Pourquoi tu ne crierais pas ?
C'est à toi qu'elle parle.
T'as envie de rire. Toi qui cries tout le temps, toi qui a plus besoin de crier que de respirer pour vivre. Toi qui est réputé pour faire du bruit comme personne. Ta voix c'est le genre de musique que plus personne a envie d'entendre, parce que y en a marre à force.
Elle te fait sourire, la fille.
On dirait toi quand t'étais petit - écho - quand tu demandais à ta mère porquoi elle réclamait ton silence, tu disais, pourquoi je ne crierais pas ? Pourquoi ? T'avais toujours des pourquoi au bout des lèvres, surtout à ce sujet.
La réponse, tu la connais par cœur.
Tu la récites comme une leçon sue sur le bout des doigts.
- Parce que ça dérange les autres.
Et en disant c'est comme si tu mentais.
On dirait que t'es d'accord.
On dirait que tu gueules jamais, toi, pourtant tu gueules tout le temps. De qui tu te moques, là ?
- Mais en fait moi j'aime bien crier ... J'me demandais pourquoi tu cries, toi, le petit-blond-chat, parce que les gens aiment pas ça, crier, ou les gens qui crient, normalement.
Y a quelques mots en désordres.
Mais oh, t'es pas d'ici, toi.

tu me demandes pourquoi je crie. c'est quoi crier ? c'est quoi parler ? c'est quoi chuchoter ? le dictionnaire m'a dit un jour que crier était d'élevé la voix, mais je ne sais pas moi, je ne ne sais rien. je me cache, personne ne me regarde, personne ne sait que je suis ici, je suis un invisible, un invincible, mes mes mains cachent mes yeux, je ne vois rien. tu ne me vois pas. - LES GENS DÉTESTENT. les gens détestent tout, les gens détestent trop, les gens ne savent pas apprécier, ou aime trop, non trop détester. je prends cet inconnu dans mes bras. je le sers tout contre moi, pas le chocolat, l'autre, le lait. je rigole. - SOURD, MOI SOURD. je prends les cheveux de cet ange de l'eau entre mes mains, je les touche, ils sont beaux, ils sont merveilleux. tout est si terrien.