Pendant que l'âme demande une chose, le plaisir en exige une autre ; ainsi l'âme, devenue captive du plaisir, devient en même temps ennemie de la raison.
- jacques-Bénigne Bossuet

Elle a mal en dedans d'elle-même, Orion. En toute franchise, ce fardeau intarissable qui lui tord les boyaux, c'est ce qui l'accompagne à chaque pas, la poursuivant comme une ombre, ne lui laissant que pour seul répit les trop brefs instants dans les bras de Morphée. Orion, elle vit avec ce poids comme faisant partie intégrante d'elle, comme seul fil conducteur de son existence. Elle ne s'en plaint pas, loin de là, c'est tout juste si elle parvient à faire porter sa voix par une douce brise, comme si le vent le lui refusait tout bonnement. Les mots qu'on lui arrache, à Orion, ce sont ceux qu'elle aimerait garder pour elle, ceux qui parlent d'eux-mêmes et qui en disent beaucoup plus sur elle qu'elle ne le souhaiterait. Orion, elle ne veut être personne, rien qu'une brise occasionnelle qui souffle l'horizon. Alors c'est sans surprise qu'elle se heurte à cette triste réalité où elle peut remplir et vider ses poumons sans avoir l'audace de s'époumoner, hurler son mépris ou sa rancoeur. Réalité où elle entend une plume noircir les pages blanches d'un calepin avec une véhémence qu'elle jalouse instantanément. Les phalanges s'agitent, rédigent avec fureur et détermination. C'est ce qu'elle voudrait être, Orion, caractérielle et imposante. Elle regarde, ses lippes enfermant les mots qu'elle ne sait prononcer pour justifier ce voyeurisme. Elle ne dit rien, respire à peine, s'efforce de ne pas cligner des yeux. La plume grince toujours, en contrepartie, et les phalanges n'ont de cesse d'exécuter leur majesté.
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Une gitane coincée entre ses lèvres mates, Jayce s'adonne à son passe temps préféré : la glande professionnelle ! Son regard dilué par l'alcool redessine les courbes félines de la jeune femme assise à côté de lui. Sa main court sur le papier, hypnotique, noircissant une page après l'autre comme si sa vie en dépendait. Surement un genre de journal intime bourré de fautes d'orthographe et de pseudo pensées métaphysiques ! Pourtant quelque chose l'attire chez cette gonzesse. Peut être cette façon d'être belle sans en avoir l'air, ou de se tenir immobile comme une madone sous un rayon de soleil. Autour d'elle l'atmosphère est d'un calme effrayant. Du vert et encore du vert, dégradé subtil qui maquille profondément l'horizon. Adieu béton et grisaille uniforme. Un ciel bleu et clair dépourvu des nuages de pollution qui surplombent d'ordinaire les cheminées des usines toxiques. Une exquise aménité encense amoureusement la terre et le ciel, à mille lieues du rythme psychotique des panneaux publicitaires et des gyrophares psychédéliques. Il n'y a pas à chier, la montagne c'est beau... Tellement beau qu'on en crèverait d'ennui !

"Je sais pas ce que t'écris et pour être franc je m'en tape comme de l'an quarante. Par contre j'ai une furieuse envie de t'embrasser."

A condition sine qua non que tu sois moins passive au pieu.

Pendant que l'âme demande une chose, le plaisir en exige une autre ; ainsi l'âme, devenue captive du plaisir, devient en même temps ennemie de la raison.
- jacques-Bénigne Bossuet

Elle n'avait pas vu son avancée, d'aucune de ses foulées. Orion, elle observait, plus rien ne lui importait. Et lorsqu'elle rêve, tout se tait. Elle est trop candide, Orion, et un jour ça la perdra, ça elle le sait. Elle s'écorche les prunelles à fixer cette main plutôt habile courir sur le papier, elle aussi, elle voudrait dessiner. Orion, elle voit pourtant pas c'qui s'dessine à l'horizon, elle voit pas, elle voit rien. Trop peu, trop tard, les mots brisent le silence. Des mots l'enivrant, chargés d'alcool et d'imbécilité. Lentement, elle se retourne, le dévisage et fait volte-face. Elle ferme les yeux, peut-être que si elle le veut assez, il s'en va aller. Les miasmes d'éthylisme lui brûlant les narines, elle percute qu'il est écorché. L'alcool, peut-être, c'est ce qui lui sert de bouée. Il cherche peut-être à s'accrocher à quelque chose, à s'éviter de couler t'a une drôle de façon d'aborder les gens. Qui voudrait l'embrasser, de toute façon, personne digne de ce nom t'a les idées embrouillées, visiblement, t'a trop picolé. Elle lui sourit, Orion, elle a le pardon facile et les mots timides. Ils lui foisonnent pourtant entre les lippes on embrasse pas les malotrus.
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