Quand ce n'est pas ton coeur qui court, Abel ce sont tes doigts, comme ça, dans une danse enflammé contre le bois.
Et rien ne va, rien ne va, rien ne va, rien ne va, rien ne va, rien ne va. Rien, rien ne va.
Tu te penches un peu (trop).
Et te demandes soudainement..si jamais, si jamais tu venais à plonger dans l'eau, est-ce qu'Anna pourrait se noyer elle aussi ? et disparaître à jamais.
Ce serait bien, hein Abel ? De ne plus...

je regardais ce garçon-gamin, sur le ponton là-bas, depuis trop longtemps.
(je n'suis pas une voyeuse, j'avais simplement tellement peur de le voir faire le grand saut, comme ça, sans un bruit sans que personne ne le remarque)

s'en aller, sans que personne ne s'en aperçoive
s'en aller, sans que personne ne verse une seule larme
pour moi

je te regarde. et je n'sais pas ce que tu fais, tu te penches, ma peau n'est plus douce à présent à cause de ces petits points blancs sur mes bras, et je me lève, parce que j'ai peur pour toi, gamin, et je cours parce que c'est la seule chose que je puisse faire pour toi. je te prends, par la main, et je la serre fort pour que tu ne sois pas attiré par les profondeurs sournoises sous-marines (mais elles sont tellement belles, ces abysses, c'est vrai)
- eh, attention, t'allais tomber, ça va ?

...L'être. De ne plus l'être.
Ce serait bien. parce que t'en as marre toi, de tout. De tes souvenirs, de ton visage, de tes doigts, de ses doigts, de ta voix, de sa voix, de ton coeur, de tout ça.
Alors que si tu pars Abel, il n'y aura plus rien. Tu t'oublieras, on t'oublieras et ce sera comme si tu n'avais jamais existé. Ta mère va peut être pleurer, ton père aussi (pas tes amis, ils ne savent déjà plus qui t'es).
mais toi...toi...tu n'auras jamais plus besoin de songer à la question. Puis tu manqueras à personne Abel, tes qu'une honte.
Sauf que voilà...il y a des doigts qui serrent tes poignets, si fort qu'ils te donnent envie de sangloter.
Tu n'avais pas envie de faire face à la réalité si rapidement. Et quand sa voix à elle résonne, la tienne la coupe presque aussitôt.
Non, non, ça ne va pas, ça ne va pas, ça ne va pas, ça ne va p...voilà, ton eau à toi déborde de tes yeux jusqu'aux joues.