ma jupe est ridiculement courte.
mes talons sont outrageusement hauts.
ma tête tourne.
ici, les étoiles ne brillent pas. ici, ce sont les yeux qui brillent. les lèvres qui rougissent. les gorges qui brûlent. les ventres qui palpitent.
c'est le monde qui s'oublie - puisqu'il tourne si vite, à m'en donner le vertige.
il y a cet homme, au bar, qui m'a offert je ne sais combien de shooters - assez pour m'entraîner chez lui, à la fermeture. il me regarde danser, sourire carnassier.
il y a cette fille, langoureuse, contre laquelle j'aimerais m'échouer. corps à corps, le temps d'une nuit.
il y a ces couples, tout autour.
et il y a moi. moi et mes vieux démons.
délicieuse tentatrice à deux doigts du précipice.

la fille aux cheveux d'or. la fille pailletée. la fille bouche alcoolisée. la fille, de l'autre côté. la fille que je regarde, alors même que l'homme me regarde.
j'ondule.
flamme.
je m'approche de lui. nouveau shooter. vodka. encore un. je lui fais les yeux doux. il paie. pantin. il caresse mes cheveux. mon dos. frôle mon épaule. il n'est même pas moche - c'est peut-être ça, le pire, il n'est pas moche. je pourrais bien m'y abandonner. dans son regard.
je pourrais.
encore deux. deux verres.
je jette mon doigt vers la fille de verre.
celle qu'on dirait fragile parce qu'elle est gracile. celle que je voudrais briser.
il sourit. il comprend. il imagine, déjà, peut-être, nous ramener toutes les deux.
le naïf.
l'inconscient.
je suis la chasseuse. il est, déjà, dans mes filets. mais la proie, la proie, c'est elle.
la fille où m'échouer.
je m'approche.
délicate.

dans les lumières qui, elles aussi, dansent, j'aperçois son visage. sa peau blanche et son regard d'enfant. pas perdu. pas tout à fait.
à peine égaré, peut-être.
mes lèvres s'étirent.
je me tiens face à elle. de toute ma hauteur. je brûle. est-ce que tu sens les flammes, toi aussi ? les étincelles des autres m'allument.
feu de joie.
je lui tends un verre, descends l'autre d'une traite. l'alcool réchauffe ma bouche avant de faire tourner ma tête. ma tête et puis mon corps. ma tête mon corps et puis ma voix, tout contre son oreille, pour se faire entendre.
tu danses ?
danse. danse avec moi. mets tes mains sur mes hanches. ta bouche contre mon cou. mes doigts viendront jouer dans tes cheveux qui craquent. allumettes.
tu danses ?
je pose mon verre - vide - sur une table, juste à côté. je vise mal et il se brise, à nos pieds. les minuscules bouts rebondissent et viennent griffer mon collant noir - et, dessous, ma peau.

c'est sa main chaude qui prend la mienne,
son feu qui alimente le mien.
je serre ses doigts, fins, entre les miens. je joue à la naïve, à l'innocente, je me laisser guider. loin du verre. celui qui cisaille la peau et qui ne laisse que le goût du sang. dans l'ivresse de la nuit, la foule s'écarte devant nous, comme pour mieux nous laisser passer.
diablesse au corps offert,
demoiselle fée à la bouche entrouverte.
fée qui brille et qui jette ses éclats aux regards des autres qui voudraient trembler mais qui ne bougent pas, puisque après tout, c'est évident : c'est contre mon corps qu'elle brillera le mieux.
tu crois que l'homme me regarde ? tu crois que l'homme nous regarde ? qu'il nous dévore, du bout des cils ? tu crois qu'il guette les gestes ? la main que je pose sur la taille de la demoiselle, ma hanche qui frôle la sienne. mes membres, lascifs, face aux siens, qui semblent minuscules. nos doigts toujours liés. ma gorge déployée. craque, petite allumette. croque. goûte ma peau, que je morde ta nuit.