Y'a comme un passage, comme un message...subliminal.
L’ordre. Un mot étrange. Un songe qui dérange. Un peu. Comme dans « un peu beaucoup ». Elle aime ce mot, Saraï. Pas suffisamment. C’est du contraire qu’elle est éprise. Il a débarqué, comme ça, comme une méprise et, irrémédiablement elle s’est retrouvée. Compromise. Gracile, levant les yeux aux cieux, laissant les rayons lumineux, sur son visage finir leur vie. Elle accueille leurs derniers mots, des soupirs emprunts d’agonie, elle les caresse. Elle leur chuchote des paroles réconfortantes, elle leur applique du baume qui s’imprègne, ouaté, profondément. Pauvres rayons du soleil. Ils auraient pu trouver une autre gueule que la sienne, pour finir leur course. Elle les plaint silencieusement, baissant trop rapidement le regard sur ses défroques. Elles sont piteuses, minables. Comme elle. Misérable. Elle lance des regards autour d’elle. Pas affolés, non, amers. Poings serrés, elle se voit distribuer des insultes, toute sa hargne, des frappes à tous et à toutes. Avec ses salutations les plus distinguées. Elle s’époumone au fur et à mesure de sa bataille, folle, dépareillée. Elle subit la vie, elle la frôle, la cajole mais, au fond, intolérante, elle veut juste la voir partir. Elle a cette faim qui lui tord les boyaux. Le cœur au bord des lèvres, des rêves indigestes comme. Comme ce qui la ronge. Doucement. Infiniment. Elle pile, la latine. Elle déglutit, pose ses iris opalins sur les lettres qui se distinguent sur ce fond blanc. Blanc et crac. Crac et splash. Elle pense : paix. Mais, elle ne l’aura jamais. Trop de soucis, pas assez de sous. Sous-ci, sous-là. Rien. Elle doit ou elle ne doit pas ? Elle ne doit surtout rien. Rien à personne, rien à la vie. Elle entre, Saraï. Un sourire étirant ses lèvres pleines. Sa bouche à. A pipe. A pipeau. Ils n’ont jamais été gentils, les autres, avec elle. Dedans, c’est grand. Elle décide, vite, vite. Pas d’argent, pas de ticket. Pas de ticket, pas de film ? Elle se donne le droit de frauder. D’envoyer les règles, la loi se faire entuber. Elle y arrive, furtive, à passer au-delà des filets. Vite, vite. Elle s’engouffre dans une salle, plongée dans le noir. Elle se fond, dernière rangée. L’organe noble rugissant contre ses tympans. Lorsque le calme revient et que ses yeux fixent enfin l’écran. Elle pense : putain de daube.
« Nique sa race ».
Dernière édition par Saraï le Dim 6 Avr - 6:53, édité 1 fois
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Sujet: Re: ECRAN NOIR Sam 5 Avr - 21:00
Le noir est un plaisir sans pareil. Je me sens vide, je me sens rien, je me sens bien. Personne pour me voir, minable, misérable, pathétique. Je me sens comme un grain de sable dans l'univers. Comme un microbe dans l'atmosphère. Un truc qu'on ne remarquera jamais, qu'on écrasera sans même le calculer. Alors le noir me conforte tellement. C'est un ami, un camarade de nuit, de jour. Où que je sois, je peux le trouver. La lumière me rebute, l'obscurité me soutient. Je suis une ombre, translucide, invisible. On ne me remarque pas mais je suis partout. On convient que le monde n'existerait pas sans moi mais je suis malgré tout écarté. Je me sens inutile et ce sentiment me pourrit l'intérieur. Je suis au cinéma, tapi dans la nuit. J'attends que le film commence. Les images apparaissent, les voix grésillent. Cinq minutes de supplice. Je sais déjà que les deux heures qui vont suivre vont être longues, très longues. Peut-être les plus longues de ma vie. Ce film promet d'être un navet. Mais derrière moi, quelqu'un dit tout haut ce que je pense tout bas. Je me retourne aussitôt, surpris. Dans l'obscurité, je ne distingue pas bien qui a parlé. Mais la voix trahit son identité. Une femme. Ou un homme qui a oublié de muer. Je souris bien malgré moi et me glisse à nouveau dans le siège. Même niveau confort, il y a matière à revoir.
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Sujet: Re: ECRAN NOIR Dim 6 Avr - 7:24
Y'a comme un passage, comme un message...subliminal.
Elle se trompe souvent, Saraï. Les erreurs sont, chez elles, constantes. Marquantes. Tic-tac métronomiques. Merdes astronomiques. Elle inspire profondément, penaude. C’est que ce gars, devant, il vient de se retourner. Posant ses mirettes sur elle puis sur le gars d’à côté puis sur toute la rangée. Puis à nouveau sur elle puis sur le gars d’à côté puis sur toute la rangée. Puis. Il se détourne. La norme. Banal. C’est ce qui arrive, à Saraï, les regards la frôlent, sans la toucher puis bye-bye. Pas qu’elle soit invisible la môme mais, impénétrable, onirique, l’éthérée à gueule de démone. La sainte à corps de salope. Le paradoxe. Personnifié. Elle s’agite sur son siège, l’intrépide, elle cherche ses marques, elle cherche la position adéquate. Pour aller draguer Morphée, pour s’échapper au pays des songes. Là où est sa réelle place. Elle ne sait pas, quel est le film. Elle ne sait pas si, elle veut le subir ou fuir. Elle attend, elle fomente. Elle boue. Ses paupières se ferment, avec conviction. Je veux dormir. Je.veux. Seulement le bruit prend de l’ampleur, dérangeant. Seulement, le gars d’à côté, il respire, respire, respire trop étrangement. Seulement, elle angoisse. Pas de ticket, pas de ciné. Pas de ticket, pas de ciné. Pas de pécunes, pas de ticket. Fraude. Vol. Les mots l’assaillent, harassant, ils lui irritent le crâne. Morphée se tire, lui et sa lyre. Sans un regard. Lui aussi. Il fait comme tous les autres. Le film, il traite de l’amour. De l’amour et d’ses mièvreries sur fond de science-fiction. Saraï, elle grogne, Saraï elle soupire. Elle en a marre. Déjà. Elle en a marre, vite, Saraï. Défaut de fabrication. Alors, elle s’impatiente. Elle s’agite, à nouveau, elle cogne contre son siège, à lui. Tantôt, elle a vu son sourire. Elle s’y accroche comme à un encouragement. « Je sais déjà la fin. La fin on la devine à la première scène. Le péquenaud va tomber raide dingue de la nana inaccessible. Le meilleur ami et lui entreront en compétition. Malgré toute son affection pour le pote, elle va choisir le charlot. Entre-temps, ils dégommeront pleins de vaisseaux spatiaux, perdront un de leurs parents et sauveront l’humanité. Parce qu’il est toujours question de ça : sauver l’humanité » et elle pense : qu’est-ce que ça donnerait, si on la laissait crever ?
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Sujet: Re: ECRAN NOIR Dim 6 Avr - 11:34
Le film progresse. L'intrigue est molle. Je sens les trépidations du début s'envoler. Des papillons de strass qui s'anéantissent dans l'obscurité. Qui perdent leurs paillettes. Et très vite, je me lasse. Je regarde l'écran parce que c'est la seule chose que je vois. J'écoute la bande-son parce mes oreilles ne sont ni chômeuses ni grévistes. Et j'attends, patiemment. Je prends le temps de penser, de me laisser divaguer. J'ai bien du mal, vous le concevrez. Avec ces bruitages falsifiés de tôle qui se froisse et de métal que l'on casse. Avec ces cris d'agonie et ces sursauts feints. Mais j'essaie de penser. D'aller plus loin que le film, plus loin que les acteurs, que le scénario, que le réalisateur. Les sous-entendus, les messages cachés, les critiques sociales. Je veux en trouver mais je dois les inventer. Ce film est nul, un navet. Un amoncellement d'effets spéciaux et de belles gueules qui me donnent paradoxalement envie de vomir. On donne des coups dans mon siège. Je laisse faire une fois : tout est si exigu ici. Et la seconde, je me retourne. C'est la fille. Ou le type qui a oublié de muer. Cette personne qui a découvert mon sourire dans la pénombre. Elle s'approche, s'accroche. Je sens son parfum. C'est une fille. Ou un mec qui aime les odeurs fruitées et sucrées. Elle me parle, me raconte toute l'histoire. Elle l'invente mais tombe juste. Sa conclusion me fait frémir. Je laisse quelques secondes mourir dans le silence, dans mon silence. Ils devraient pour une fois la laisser crever, l'humanité. Je me retourne aussitôt. Mes commentaires ne font rire personne.
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