le soleil commence à décliner, je le vois par la petite ouverture de la tente. bientôt, dehors, il fera nuit noire et nous n'aurons que pour seules lumières les lampadaires du camping ainsi que les petites lampes, disposées un peu partout dans la tente. oui je me sentais bien ! pendant un long moment du moins, après, ça n'allait plus c'est pour ça que je suis partie. et toi, qu'est-ce qui t'a poussée à venir ici? entre autre. je me vois mal étaler ma vie devant elle, j'aurais peur de la gêner. et puis de toute façon, il vaut mieux garder quelques petites choses à dire si on se revoit un jour. plus elle me demande si elle peut dormir là. c'est comme si elle venait de lire dans mes pensées. non, pas du touuut ! y'a assez de place ici. tu pourras même rester plus longtemps, si tu veux. je souris. ça me fait plaisir qu'elle soit là, je n'accepterais pas la compagnie de tout le monde de cette manière mais je trouve pom agréable.

en fait, je me rends compte que je ne sais plus pourquoi ça n'allait plus. il y a tellement de choses qui ont fait que je suis partie que je ne pourrai pas vraiment expliquer pourquoi. je sais pas... tu vois, c'est un tout. si je restais là, j'allais devenir une larve. cette comparaison me fait rire. même si sur le coup, j'étais à des milliers de kilomètres d'en rire. enfin, je me comprends et j'espère qu'elle aussi. et en fait, c'est un peu pour la même raison qu'elle que je suis partie. elle a juste mieux su trouver les mots que moi. je comprends, on devrait tous partir quand ça va plus. enfin, je pense. parce qu'après tout empire et ça finit par exploser. c'est comme dans un couple, il vaut mieux s'en aller avant de tout détruire. garder de bons souvenirs, une bonne image, c'est le plus important. tu l'as jamais fait? je finis ma tasse de thé. elle a l'air si contente, alors je souris parce que je le suis aussi.

j'acquiesce. sa phrase, on dirait presque un proverbe. comme une de ces phrases qu'on aimerait accrocher partout dans les rues, dans les maisons, dans les écoles, dans nos cœurs pour ne jamais l'oublier. oui, il ne faut jamais oublier de voyager. jamais. je me souviendrai de cette phrase! tout comme je me souviendrai de pom, qui m'a sauvée. puis elle me parle de ses parents. je la comprends, parce que moi c'était pareil. ils n'étaient même pas adeptes des chalets. eux, leur truc, c'était les hôtels quatre étoiles dans des villes tentaculaires. rien à voir avec banff. oui, je vois! moi non plus mes parents étaient pas comme ça. mais je me souviens qu'un jour, j'ai voulu essayé du coup je suis partie au milieu d'un champ et j'ai posé ma tente. j'avais fait ça seule. j'avais passé une nuit horrible après avoir tenté de monter ma tente dans le noir, parce que je m'y étais prise trop tard. en plus, le champ était bordé par l'autoroute. j'ai bien cru que j'allais devenir folle, ce soir là.

elle prend des bougies. c'est vrai qu'il fait sombre, elle a eu une bonne idée. j'en prends une seconde, une grosse, qui permettra d'éclairer une bonne partie de la tente. je prends mon briquet puis je l'allume avant de la poser au centre. non, je reste toujours ici. enfin, pour l'instant. mais je pense que je devrais y faire un tour quand il fera plus froid. déjà que là, certaines nuits sont froides, je n'imagine même pas la suite. puis elle me parle des autres. j'en connais quelques uns. je suis pas là depuis longtemps, donc pas vraiment pour l'instant... je regarde autour de moi à la recherche d'un sac de couchage supplémentaire. il devrait y en avoir un dans le coin. je le repère puis je lui lance. réflexe !

elle ne le rattrape pas à temps et ça me fait rire. ça va? elle aurait pu se faire mal. mais c'est comme quand un ami s'étale sur le sol, la seule chose qu'on pense à faire c'est rire aux éclats, parce qu'on a tellement pas envie de penser à la douleur qu'il peut ressentir. c'est ça. des fois on est con. à mon tour, je prends mon sac de couchage. j'entre à l'intérieur puis je remonte la fermeture éclair. je laisse la "capuche" recouvrir mes cheveux, ma tête, et un peu mon visage. parce que c'est un sac de couchage sarcophage, de ceux qui te recouvre la moitié du front et qui te donne un air carrément con. ouais! ce serait cooooool. vous êtes combien dans ta chambre? moi, je veux pas déranger. mais je pourrai essayer d'escalader le mur et de passer par la fenêtre. ce serait drôle, je finirai sûrement par terre mais bon. et ce sera à elle de rire de moi. c'est vrai... tu connais qui? peut-être que je les connais, moi aussi. même si ça me semble peu probable. en tout cas, ça me changerait un peu de rester avec quelqu'un.

elle remonte sa fermeture elle aussi. on doit avoir l'air bête. elle me dit qu'elle est toute seule, et je me dis que parfois, vaut mieux être seule que mal accompagnée. c'est trop gentil! dis-je, le son de ma voix un peu étouffée par le sac de couchage. ça me plaît d'être l'exception. et puis si elle est toute seule je risque encore moins de déranger, et c'est tant mieux. elle me parle de ceux qu'elle connaît. ces deux prénoms ne me disent rien. pourquoi fleur ne t'aime pas? fleur, c'est un prénom étrange pour un garçon. mais en y réfléchissant bien... c'est tout mignon.

elle, elle a trouvé la tactique. elle sort sa bouche pour parler. mouais, j'pourrai le faire. mais j'ai la flemme alors je reste là à parler contre mon sac de couchage. oulala, les embrouilles pour un mec, faut toujours se méfier de ça! et je m'y connais. pour un mec, j'aurai pu assassiner, étrangler, étriper, violer, voler. les mecs, ça fait faire des choses bizarres et dangereuses. peut-être que le mec pour qui elle s'est engueulée avec ce garçon au prénom si doux et original, elle en était pas amoureuse... mais même, faut qu'elle fasse gaffe. sa remarque me fait rire. mon dieu, j'ai honte rien qu'en repensant à ma conduite de tout à l'heure. seule, plantée au milieu d'un lac. non mais quelle conne des fois. je rougis, heureusement que mon sac de couchage me cache. j'avoue! mais comment ça s'est passé avec lui? je suis curieuse moi, je veux tout savoir.

je l'écoute. elle a du mal à me raconter la suite, mais moi ça m’intéresse. ce qu'elle me dit, ça me suffit pas. je plisse les yeux en mode superdétective puis je la vois rire derrière son sac de couchage. on dirait une petite chinoise, alors moi aussi ça me fait rire. et... ? c'est quoi la suite? si elle croit se débarrasser de moi aussi facilement, elle se trompe la petite pom. je veux tout savoir. dans les moindres détails.

T'as vraiment honte de raconter la suite. Vraiment elle va se foutre de ta gueule alors tu la met en garde. "Tu te fous pas de moi hein, c'est pas drôle. et tu pouffes de rire. Non c'est pas drôle c'est gênant d'avoir un caractère comme ça. Alors tu plisses à nouveau les yeux, les seuls qui apparaissent de l'ouverture de ta coquille confortable. "Ben on s'est pris la tête puisqu'il me narguait en fait. Et puis j'sentais une tension sexuelle entre les deux, et j'me sentais de trop. J'aime pas me sentir de trop, alors j'ai demandé à Sid son pull et puis après c'était la "guerre" des approches. J'veux dire, j'suis sure que Fleur il était sur Sid. Moi ca m'a pas plu, j'suis jalouse, j'suis comme ça. D'ailleurs j'me suis barrée après, on me la très explicitement fait comprendre. Et surtout j'veux pas savoir ce qui s'est passé après tu vois." Tu rigoles. Diane doit te prendre pour une folle. De toute façon tu t'dis que Sid était trop beau pour être hétéro.

quand elle me met en garde, je peux pas m'empêcher de rire. c'est comme quand on te dit : ne pense pas à un chien. tu penses à un chien. là, c'est pareil. mais je me dis que peut-être, cachée par mon sac de couchage, ça se voit pas. vas-y. je l'encourage. si elle a honte de ce qu'elle va dire, ça doit être dur pour elle de se livrer. j'écoute attentivement son histoire. ça me fait sourire parce que je la comprends. c'est chiant les situations comme ça. ooooh, il te plaisait hein? il était comment? mais à ce qu'elle dit, "sid" doit être gay. ça aussi c'est chiant, quand les mecs qui te plaisent sont soit déjà pris, soit hyper cons, soit gays. c'est à déprimer et à engloutir des pots de glace entiers pendant trois jours.

Tu tords tes mains entre elles. T'es un peu nerveuse. T'aimes pas trop parler de ça, tu te sens gênée, tu sais même pas pourquoi. "Je sais pas, il est gentil mais bon." Tu marques un temps. Tu sais pas trop quoi dire. Il est comment? Beau? Ca fait superficiel. Mais t'aurais pas eu de coup de coeur si il l'était pas. Alors tu te contentes de dire "il est attirant." et tu souris. Qu'est ce que tu veux dire d'autres? Tu veux pas non plus passer pour une fille facile mais d'habitude tu tombes pas aux pieds de n'importe qui. Il t'en faut plus.

elle est toute mignonne, ça me fait sourire. elle a peut-être eu un coup de cœur. peut-être que ça lui passera. de toute façon, si ledit garçon est avec ce fleur, elle va bien devoir s'y faire. mais bon, ça ira parce que je serai là pour elle. tu le revois quand? question bête, je suis presque sûre de déjà avoir la réponse. mais bon, je pose souvent des questions connes, on m'en veut pas.

Tu rougis. T'as pas l'habitude de rougir. Merde, reprend toi Pom, tu passes pour quoi là. Tu toussotes de gêne, tu vois bien que Diane éprouve de la pitié pour toi. Pourquoi t'aurais un crush sur un gars qu'est attiré par les gars. T'en rigoles intérieurement, qu'est ce que tu peux être conne. "Je sais pas. J'ai son numéro, mais j'sais pas à quoi il me sert en fait. Si je lui avais pas donné, j'aurais même plus eu de nouvelles." C'est vrai que si t'avais pas eu l'idée de lui fourrer ton num dans la poche de son jean tu l'aurais peut-être jamais revu, mais c'est toujours à toi de faire le premier pas. Alors ca te lasse à force.

la vie, c'est vache. surtout dans les histoires comme ça. je veux pas la gêner, le sujet est pas fait pour. mais je pense sérieusement que ce numéro devrait lui servir. tu t'es pas sacrifiée pour rien quand même... ce serait dommage. par sacrifice, j'entends le sacrifice de fierté qu'elle a dû faire en lui donnant son numéro sans qu'il lui ait demandé, je suppose. enfin, après, j'dis ça, j'dis rien. puis, les garçons, c'est chiant. souvent, ça sert à rien. sauf quand c'est amoureux. au pire, on se marie toutes les deux. y'aura plus de problèmes comme ça ! puis je rigole dans mon sac de couchage. j'ai jamais été attirée par les filles, c'est de l'humour. mais je suis sûre qu'entre filles, on est moins embêtée qu'avec la gente masculine. hé ouais.

"Faut plus que j'y pense, c'est tout." Tu lui dis avec un demi-sourire. T'as même plus envie d'en parler, ca t'énerve de penser à lui. Tu veux juste te vider l'esprit, là, tout de suite et ne plus penser à rien. Diane arrive quand même à t'arracher un sourire. Tu peux pas t'empêcher de regarder son petit air derrière son sac de couchage qui te fait rire. On dirait la soeur que tu n'as jamais eu. Tu la fixes un instant, toujours ce sourire au lèvres, et difficilement, en te tortillant comme une chenille, tu t'approches d'elle. Tu sors tes bras de ton sac de couchage et tu la prends dans ceux-ci. T'avais vraiment besoin de quelqu'un à qui parler, et là voilà qui est apparu. Alors tu lui chuchotes dans l'oreille. "Merci." Tu lui as sauvé la vie, elle est désormais là pour toi.

voilà, maintenant je ne parlerai plus de ce gars là. ni de cette petite Fleur, qui a poussée dans le joli champ de la vie de pom, et qui l'embête si fort à présent. c'est la vie. il y a des sujets qui paraissent futiles mais qu'il vaut mieux éviter. puis la jolie blonde rampe vers moi comme un petit ver de terre. ça me fait rire. vraiment, faudrait la filmer pour se la repasser et rire à nouveau aux nez des jours de pluie maussades. puis elle me prend dans ses bras. ça me touche, un sourire naît à nouveau sur mes lèvres. j'aimerai bien nous voir, là. je suis sûre qu'on ressemble à deux pingouins un peu manchots. puis, à mon tour je baisse mon sac de couchage. juste assez pour découvrir mes lèvres que je viens poser contre sa joue. de rien blondie ! je lance, avec un petit sourire mesquin. blondie? ça m'étonnerait que ce surnom lui plaise énormément. mais bon, on peut toujours tenter.

Tu fronces les sourcils en riant. Blondie t'aimes pas bien qu'on t'appelle comme ça, mais venant d'elle bizarrement ca te gène pas plus que ça. Alors tu souris et tu lui fais à ton tour un bisou sur la joue. "Je veux pas partir de cet endroit sans avoir eu ton numéro" tu lui lances en faisant une petite moue boudeuse. Puisque s'il s'avère que tu la revoies pas cette petite Diane tu t'en voudras, c'est peut être ta meilleure rencontre à Banff jusqu'ici.