warm heart.

c'était la première fois que tu voyais de la neige, fauve. tu n'connaissais pas ça, toi, à los angeles. c'était beau. c'était beau, mais c'était chiant. tes roues glissent, ton fauteuil ne t'obéis plus. une belle manière de commencer la journée, dis. mais finalement t'y arrives, au café, tant bien que mal. tu vas y avoir le droit, à ton chocolat chaud. t'enlèves tes gants, ton bonnet, tu commandes, tu sors ton livre, et ton paquet de cigarette. ouais, t'sais bien que c'est interdit de fumer, et c'est bien pour ça qu'tu t'es installée sur la terrasse chauffée.

depuis une bonne semaine déjà, t'as pris l'habitude de prendre ton petit déjeuné au café qui fait face au CIBC. mains dans les poches, capuche sur la tête et bout du nez empourpré par le froid, tu t'engouffres à la hâte donc dans les locaux cosy du welchs' chocolate shop. welchs' chocolate shop où règne d'ailleurs une bonne odeur de viennoiserie. accoudé au bar, tu entreprends de commander la totale, à savoir : cappuccino, deux pains au chocolat, un jus de fruit maison ainsi qu'une dizaine de chouquette. le temps que tout te soit apporté, tu passes le pas de la terrasse chauffée et repères un minois qui te semble familier. intrigué, tu t'avances en direction de ladite personne.
- s'cuze moi, on s'est pas déjà vu ?

tu t'apprêtes à t'allumer une cigarette sauf qu'un mec se poste devant toi pour te parler. tu lèves les yeux, et tu les plisses aussi tôt. t'es sûre de l'avoir déjà vu quelque part, toi aussi. banff, c'n'est pas très grand, c'est sur, mais t'essaies de savoir d'où tu connais cette tête. tu réfléchis, tu réfléchis, et tu crois trouver. « ahhh, t'es le coloc de fleur, non ? » saoud, un truc comme ça. il parlait beaucoup, fleur. il t'avait même montré des photos sur banff.com. ça doit être ça.

tu la détailles de bas en haut sans pour autant réussir à te rappeler le pourquoi du comment son visage te semble familier. fleur. tu hausses un sourcil, interrogateur.
- heu ouais c'est ça, c'est qu'tu connais fleur d'où ? (sourire en coin)
et puis, tu poses ta main sur le dossier de la chaise face à elle.
- ça te dérange si je m'assieds ?

t'as bon, t'es vraiment trop forte dis donc. « on s'est rencontré y'a pas longtemps, mais on a bien accroché. il a passé la nuit chez moi avant hier.» vous vous étiez bien amusés, toi qui te sentais seule sans ami ici. tu hoches la tête à sa question. un peu de compagnie ne faisait jamais de mal. « je m'appelle fauve, au fait. »

ah bah d'accord, normal. tu déglutis et passes vivement le bout de ta langue sur ta lèvre inférieure, prunelles déviées sur ta droite. t'esquisses un léger rictus et t'apprêtes à répondre. cependant, ta commande arrive. la jolie serveuse pose tout sur votre table et tu ne perds pas une minute pour engloutir une chouquette. ça fond au creux de ton palet. tu planes l'espace d'un instant, avant de te reconnecter à la discussion.
- tiens, il m'en a pas parlé, c'était bien ?
et tu lui lances un regard en coin, du genre : "vous avez fait des choses ou pas ?", faussement complice. t'es curieux, et en même temps voilà. elle est mignonne comme tout, donc ça t'embête. c'est con, tu comprends pas pourquoi -du moins, tu te bornes à faire mine de ne pas comprendre-, mais t'es comme ça. et t'es incapable de changer dans ce genre de situation.
- et moi sid ! (sourire)
fauve. sympa, sympa.

tu étais vraiment contente d'avoir trouvé un ami comme fleur. ce garçon était adorable. la gentillesse incarnée. alors forcément, tu souris en parlant de lui. la commande arrive, et tu poses tes mains sur ta tasse de chocolat chaud pour te réchauffer. « ouais on s'est bien marré, tu l'aurais vu avec des petites nattes dans les cheveux, il était canon ! » tu dis en riant. oui bon, peut être que tu n'aurais pas dû déclarer les dossiers comme ça, mais tu ne pouvais pas t'en empêcher. tu t'étais tellement amusée à le coiffer n'importe comment aussi. tu prends une gorgée de ton chocolat chaud, et tu finis par lui sourire. sid. t'y étais presque. saoud, sid, c'est la même. « t'es ici depuis longtemps ? » tu demandes en attrapant finalement ta clope pour enfin l'allumer. « ça te dérange pas si j'fume ? » tu n'fumais pas beaucoup, fauve. juste une clope le matin, et une le soir avant de te coucher. un peu comme un rituel.

bon, si ce n'est que des couettes. tu détournes un instant le regard, nouvelle chouquette dans la bouche.
- genre il s'est laissé faire ?
bon, tu ne le connais pas vraiment fleur, alors c'est vrai que ça t'étonne un peu.
- non pas du tout ! depuis samedi soir, donc ça fait à peine six jours. et toi ?
et plus qu'une semaine. en même temps t'as hâte, car mine de rien la ville te manque, et t'as envie d'en finir vite avec ton année. et d'un autre côté, même si ça te brûle la gorge de l'avouer, tu t'es attaché à quelques personnes.
- non vas-y j't'en prie ! (sourire)

bon, tu avais dû insister un peu pour pouvoir jouer avec ses cheveux, mais au final, ça n'avait pas été si dur de le convaincre. « oh j't'assure qu'on ne peut rien me refuser, à moi ! la prochaine fois, j'lui colore les cheveux et j'lui tatoue les fesses.» tu ris, pour les cheveux c'était l'idée de fleur de toute façon. et le tatouage... tu avais seulement donné l'idée de l'endroit. « un peu plus d'une semaine... mais j'me plais déjà bien ici.» tu avoues dans un sourire. tu avais rencontré gus. tu avais rencontré fleur. ton appartement n'était pas si mal. tu n'avais franchement pas à te plaindre. il t'autorise à fumer devant lui, et tu ne te gênes pas pour le faire. tu bois une nouvelle gorgée de ton chocolat chaud, avant de rajouter :« il m'a dit beaucoup de bien de toi, fleur.» assez pour qu'tu te souviennes de lui, quand même.

c'est une blague ? ton sourire s'estompe violemment. t'as jamais été très doué pour cacher tes sentiments. surtout lorsqu'ils sont aussi violents.
- sérieux ?
non. non. non. ça fait écho dans ta tête. bien sûr que non. qui pourrait sérieusement faire ça ? tu toises la midinette de bas en haut. ok. très bien. tu vas surveiller cette histoire de près. même si vous n'êtes rien, toi et fleur, t'aimes pas beaucoup ça. c'est ton côté possessif, certainement. t'es comme un gamin qui déteste qu'on touche à ses jouets. même si dans le cas présent, fleur n'a rien d'un bout de plastique. enfin.
dans tous les cas, t'as pas envie qu'on y touche. c'est comme ça. t'es comme ça.
et tu défendras ton steak, quoiqu'il en coûte.
- ah bon ? comme quoi ?
ah, la voilà qui titille ta curiosité. ton sourire revient au grand galop.

l'idée du tatouage et des cheveux colorés n'ont pas l'air de lui plaire, au petit sid. qu'est-ce que ça peut lui faire, après tout, ce n'est pas son père, si ? surtout que toi t'es bien emballée par tout ça, ça va être drôle. « c'est lui qui m'a demandé. mais t'inquiète pas va, ça sera un petit tatouage.» avec ton prénom dessus. hm. toi t'arrêtes pas de sourire, en tout cas. tu vois pas le mal là dedans après tout. tu prends une nouvelle gorgée de ton chocolat chaud tandis que le jeune homme en face de toi retrouve le sourire. t'en étais sûre. tu lui lances un regard et un sourire sous entendu. tu sais tout, toi. « si seulement tu savais !» tu le taquines, mais vu son caractère t'es franchement pas sûre qu'il apprécie, pour le coup.

- t'es certaine que c'est pas plutôt pour se faire tripoter les fesses qu'il en veut un, de tatouage ?
même petit, tu ne trouves aucune utilité à se faire gribouiller l'épiderme. d'autant plus que c'est loin d'être agréable. las, tu dérobes donc une cuillerée de chantilly que tu engloutis sans quémander ton reste.
- ouais ouais, c'est c'qu'on dit quand il n'y a rien d'extraordinaire à raconter, ça.
tu hausses un sourcil et agrandis ton sourire. bien sûr que tu aimerais connaître les confidences faites entre fauve et fleur, surtout si elles te concernent, mais plus objectivement tu es quasi-certain qu'il ne lui a rien confié de réellement croustillant. toi-même tu n'es pas vraiment du genre à partager tes petits secrets.

t'hausses les épaules, fauve. tu comprends pas pourquoi ça le gêne tant, après tout. « alors je lui tripoterai les fesses. » bien sûr, tu ne tripoterai rien du tout. mais, tant pis. qu'il croit le contraire, après tout, ça ne faisait rien. toi, tu prenais le tatouage au sérieux. et si tu tatouais quelqu'un, ça n'allait évidemment pas être un prénom gnagna ou quoi que ce soit. bref. tu bois une énième gorgée de ton chocolat chaud, et tu arques un sourcil à ses paroles. tu poses ta tasse sur la table, et tu prends un air sérieux. peut-être trop sérieux, t'en sais rien. « tu lui plais, crétin. » oui, le crétin, c'était gratuit. « et je sais qu'il te plaît aussi. y'a qu'à voir ton regard et ton sourire quand je parle de lui. » vrai. vrai de vrai. le sourire, ça n'pouvait pas mentir. tu connaissais ces signaux là, fauve. « merde pas avec lui. » tu l'connais seulement depuis quelques jours, le fleur, mais tu t'sens obligée de le protéger. tu n'veux pas qu'on lui piétine dessus, à ton ami la pâquerette.

qu'elle fasse bien ce qu'elle veut. tu la détailles du coin de l’œil, t'amarrant sur ses longs cheveux bleus tout en retenant un léger rictus. tu sais que c'est con de penser ainsi. tu sais que tu devrais être plus tolérant. plus gentil. moins individualiste. moins sévère. mais t'y peux rien. quand bien même elle te semble absolument adorable, t'as un problème avec cette dégaine qu'elle prône fièrement. d'un côté tu trouves ça cool. et d'un autre, tu trouves ça absurde. t'as le sentiment d'être le coincé de l'histoire. celui qui est incapable d'être lui-même. celui qui joue le mouton. c'est cette image qu'elle te renvoie, sûrement sans le vouloir. et toi, ça te dérange. parce que la différence, t'aimes pas quand elle se voit. t'aimes quand elle se ressent.
alors tu l'écoutes sans quitter des yeux son enveloppe charnelle, observant chacun de ses faits et gestes d'un regard attentif, comme pour en lister les fautes. t'es insupportable quand t'es comme ça. mais tu le fais tout le temps. même avec ta mère. même avec ton père. et encore plus lorsqu'il s'agit d'inconnus. t'as déjà le tic du recruteur. l'intransigeance du meneur. le détail du gars qui prend un malin plaisir à vouloir faire entrer les gens dans des cases.
parce que c'est ça, la société. et toi, tu veux être en haut.
mais passons. elle est gentille. suffirait juste qu'elle se teigne les cheveux et qu'elle cache ses tatouages.
et qu'elle cesse de te mettre mal à l'aise, à l'avenir.
les joues empourprées, tu détournes le regard et fronces légèrement les sourcils. tu devrais être content. satisfait. et pourtant ça t'énerve. ça t'énerve parce que tu sais que ça n'a aucune valeur si ce n'est pas lui qui te le dit.
et aussi parce que ça sert à rien.
c'est perdu d'avance.
- si tu le dis.
tu hausses les épaules, prenant le ton du gars qui s'en bat trois fois les couilles.
la nonchalance s'entend dans ta voix.
- après, je reste pas sur banff, alors que lui si. donc quoiqu'il arrive ces quatre prochains jours, on finira par se perdre de vue.
et tu souris en coin, engloutissant une nouvelle chouquette.

si tu le dis. c'est tout. si tu le dis. ça te met un peu sur le cul. mais bon, toi tu n'peux pas tomber plus bas que ton fauteuil roulant, petite fauve. il est étrange, sid. t'arrives pas bien à le cerner. il n'a pas l'air bien méchant, mais t'sais pas trop. il s'exprime pas, et c'est peut-être ça qui te dérange. tu dis les choses cash, toi, comme tu les pensais. sans mentir. c'était ce que tu étais, c'était comme ça que tu fonctionnais. mais pas lui. pas sid, apparemment. t'as bien envie de lui dire qu'il est con. de partir. de tout. de nier. ouais, il avait l'air d'un con, un peu. pas d'un con qui est con, mais un con, quoi. bref. « j'suis vraiment désolée d'te dire ça, j'sais bien que je te connais pas, tout ça, mais... mais t'es ridicule. » c'est sorti tout seul. tu t'sens toujours obligée de dire ce que tu penses, toi. et ça te réussit pas toujours. oui, tu l'trouve ridicule. ridicule de faire comme s'il en avait rien à faire, alors que ça crevait les yeux que non. est-ce qu'il aurait rougit, sinon ? est-ce qu'il aurait sourit ? est-ce qu'il aurait même posé une question sur fleur ? « si c'est ton excuse pour abandonner et te dérober, alors... t'aurais pas pu trouver mieux. » trouver mieux comme excuse, et trouver mieux que fleur. c'était valable pour les deux, en fait. c'était lâche, tout de même.

violent haut-le-cœur. il palpite, palpite, palpite à s'en rompre. et tu la fixes, la toises, la déshabilles du regard. la gorge serrée. les muscles tendus.
rictus. tu te penches vers elle.
- attends, tu te prends pour qui ? reste donc dans ton monde et garde tes jugements pour toi. un temps. tes plans foireux j'en veux pas, tu t'les gardes. j'ai autre chose à foutre que de vivre la grande histoire d'amour que t'as certainement jamais eu avec le premier venu sous prétexte que ça te fait kiffer de donner des leçons de vie.
et tu te redresses.

est-ce que c'était censé être une attaque, ça ? est-ce que c'était censé te blesser ? te faire mal au coeur ? parce que ça ne te faisait rien de toi ça. des grandes histoires d'amours, t'en avais eu. des peines de coeur aussi. tu avais vécu, peut-être un peu trop, trop vite, trop intensément, et c'était pour ça que tu te retrouvais dans ce fauteuil. il ne te connaissait pas. il ne savait pas ce que tu faisais, et il ne comprenait vraisemblablement pas. alors ça te fait doucement sourire, tandis que tes yeux bleus ne le quittent pas une seule seconde. tu prends une nouvelle gorgée de ton chocolat chaud, laissant le silence planer pendant quelques secondes. tu es calme, fauve, t'as toujours été calme. et souriante. il n'y a aucune raison pour que ça change. « je fais face à un véritable homme, dis-moi. bave, honnête, courageux. et avec un sens de la répartie, en plus. » tu souris doucement, ironique. évidemment, ce n'est pas méchant. ça te fait rire, toi. tu n'comprends pas pourquoi il sort de ses gonds, t'essaies simplement d'aider. il peut t'attaquer tant qu'il veut, ce n'est pas ça qui va te blesser. tu es quelqu'un de forte, fauve. il en faut beaucoup plus que ça pour t'énerver.

ça t'énerve. ça t'énerve parce qu'elle se mêle de c'qui ne la regarde pas. ça t'énerve parce qu'elle croit bon de vouloir t'aider. t'aiguiller. te conseiller. mais t'as plus quinze ans. et t'es pas son ami. alors tu soupires et détournes le regard. tu veux creuser la distance entre elle et toi. tu veux l'éloigner. l'effacer. parce qu'elle croit tout savoir. parce qu'elle croit que c'est facile. parce qu'elle croit qu'il n'y a qu'à faire comme elle, elle ferait, pour que ça marche.
entre lui et toi.
- écoute fauve, j'crois qu't'as pas compris un truc là. on se connait pas tous les deux. tu m'connais pas, j'te connais pas. et même si fleur t'a parlé de moi, ça te permet pas de me faire la morale. ou encore de me manquer de respect en lâchant, sous tes grands airs, que je suis ridicule. on est pas potes. on est pas en soirée. j'ai pas quinze ans, toi non plus. alors encore une fois, tes conseils, garde-les, j'en veux pas, j'suis bien assez grand pour m'occuper de moi et toi de t'occuper de toi. un temps. et quand bien même il se passerait quelque chose entre fleur et moi, j'te l'dis, t'en sauras rien. parce que ça t'regarde pas.

j'arrive vers le welchs', c'est mon nouvel endroit préféré de banff. vraiment. pis au loin, je vois les beaux cheveux de fauve alors j'ai un grand sourire aux lèvres. d'autant plus grand que je crois reconnaître les cheveux de sid, face à elle, dos à moi. je souris, je souris, jusqu'à ce que je me rapproche assez pour entendre sid parler, sèchement à fauve. je crois que j'arrive en plein milieu de sa phrase avec son 'on est pas potes' pis je fronce les sourcils. je reste derrière lui un certain temps, j'écoute ce qu'il dit. j'aime pas bin comment il parle à fauve. pis en plus, j'vois pas pourquoi fauve elle saurait pas ce qui se passe. je décide d'intervenir, d'un coup. pis surprise, coucou, c'est fleur pis j'ai tout entendu! ou presque. bin si, ça la regarde un peu. j'dis pas ça méchamment, mais pas avec douceur non plus. pis comme y a pas de chaise de libre, je vais m'asseoir sur les genoux de fauve, comme ça je peux fixer sid dans les yeux. pourquoi tu voudrais pas qu'elle sache? j'hausse les épaules et me sors une cigarette. moi, j'y vois pas de soucis.

et vlà qu'il recommence. c'est reparti pour un tour. tu l'écoutes, tu le regardes s'énerver. alors que franchement, y avait-il réellement de quoi s'énerver. c'est un peu blasant, il faut l'avouer. surtout que bon, il disait n'importe quoi le coco. tu n'avais pas de grands airs, ou quoi que ce soit. à vrai dire, tu t'fichais pas mal de sid, tu n'le connaissais pas. toi, tu voulais juste le meilleur pour fleur. c'était normal de la part d'une amie, non ? en parlant de fleur, tu peux distinguer sa frimousse derrière sid. si bien qu'alors que le jeune homme est en train de te gueuler dessus, toi, tu souris. tu souris parce que t'es contente de voir fleur, ton rayon de soleil. ta jolie pâquerette. tu n'fais même plus attention à sid, tu n'l'écoutes même plus. tant pis, hein. de toute manière, son blabla ne t'intéressait pas. tu savais que tu avais raison. tu te retiens d'ailleurs de pouffer de rire lorsque fleur intervient. calme-toi, fauve, garde ton sérieux. ce n'était pas le temps de rire, pas maintenant. fleur vient d'ailleurs s'asseoir sur tes genoux, et t'en profite pour lui déposer un bisou sur la joue. d'ailleurs, comme tu te retrouves derrière fleur, tu en profites également pour lâcher un léger rire, cachant ta tête dans son cou. vous alliez vous faire frapper par sid, là. « il a raison, ça me regarde pas. » tu finis par dire en relevant la tête, avec un sourire radieux. « mais çe ne veut pas dire que je ne serai pas au courant. » tu hausses les épaules. effectivement, fleur te disait tout jusqu'à maintenant. mais est-ce que c'était vraiment une raison pour s'énerver comme ça, hm ?

c'est pas tellement le genre de scène qu'on peut aisément résumer. à dire vrai, tu en es même totalement incapable. ça s'enchaîne à une vitesse folle, là, devant tes prunelles pluvieuses qui ne trahissent que trop bien toutes ces réflexions, tous ces doutes, toutes ces angoisses, toutes ces frustrations qui s'entrechoquent dans ta tête. tu vois fleur, et ton cœur s'arrête. c'était trop con pour arriver. et pourtant. tu ne dis plus rien. tu fonds dans ce mutisme qui a bordé les premières années de ta vie. tu oscilles entre exploser, et te résigner. et au final, c'est lui qui tranche. lui à qui tu as tant de mal à en vouloir, et que pourtant, à cet instant même, tu as envie de frapper. mais tu serres les poings. poings que tu as dissimulé là, sous cette jolie petite table ronde qui te somme de ne pas l'envoyer valser. tu rêves. rêves. rêves les yeux encrés dans cette comédie qui défile. et tu t'dis qu'au fond, tu mérites pas tout ça. tu as raison. tu en es certain. tu as raison certainement pour des raisons qu'ils ignorent. parce qu'à minauder comme ça, devant lui, elle touche certainement du doigt les sentiments que tu peux avoir pour fleur. parce qu'à se tenir là, les bras entouré autour de lui, elle montre certainement toute l'influence qu'elle peut avoir sur lui. et parce que tout ça, tu connais, tu ne peux que la détester. et tu ne peux que souhaiter qu'elle y crève, là, dans sa chaise roulante.
même si tu sais que c'est dégueulasse de penser comme ça.
elle a ce que tu veux. et plus tu la vois. plus tu l'observes. t'as l'sentiment qu'elle te le donneras pas sans que tu ne fasses ce qu'elle te demande en échange. et sans que tu ne lui sois reconnaissant. ça va loin, ouais. mais encore une fois : tu connais.
tu connais ces filles qui parlent. parlent. parlent et parlent. tu connais ces filles qui croient connaître ce qui est bon pour leur amie. tu connais ces filles qui veulent te tenir par les couilles pour que ton couple se passe bien. tu connais ces filles qui peuvent retourner leur veste d'un claquement de doigt. tu connais ces filles qui iront raconter n'importe quoi sur ta gueule si tu oses les contre-dire. tu connais ces filles qui t'inventeront une vie. une personnalité. des défauts. avec un peu de chance des qualités. et ce, juste pour jouer à la poupée avec toi et ta copine.
tu les connais.
et t'en as une. là. juste devant toi.
et ça, fleur, il pige pas.
sûrement parce qu'il croit qu'il suffit d'un sourire pour être quelqu'un de bien.

toi t'es pas dupe.
alors tu abandonnes. tu te lèves, les mains sur le bois ciré de la petite table. et tu te penches vers eux. t'es pas énervé. enfin si. mais tu le caches. t'essayes. péniblement. le ton de ta voix est calme. même gorgé de remord.
tu regardes fauve.
- y'aura rien. j'te laisse le soin de le baiser.
puis fleur.
et tu te redresses, pour mieux partir.

j'comprends pas tout à ce qu'il se passe. au début, fauve rigole, alors je ris un peu aussi. en plus, elle a sa tête dans mon cou, pis moi j'suis chatouilleux. mais d'un coup, j'comprends plus rien. sid se lève, il a l'air pas bien. et ce qu'il dit, moi, ça me pince le cœur. brutalement, violemment. c'est très douloureux. je me retourne vers fauve, pis finalement je me lève. j'attrape sid par la manche de son pull pour l'arrêter, et je fais glisser mes doigts jusqu'aux siens. je le fixe dans les yeux, j'ai le regard triste, un peu brisé, beaucoup déçu. pis dans ton van aussi, c'était rien? t'as fait tout ça pour me baiser comme tu dis? j'ai une petite, toute petite voix. la vérité, c'est que je crois que j'en ai trop attendu. pis encore une fois, je me suis juste laissé emporter dans mes rêves. j'ai trop rêvé et je me suis pris le bitume quand je me suis réveillé, là. pis tu peux le dire, c'est pas grave, je préfère savoir. j'hausse les épaules. non, en fait, j'aurais préféré ne rien savoir du tout, de tout ça, être resté à l'auberge et avoir continué de rêver. en paix.

alors là, tu n'ris plus. plus du tout. voilà qu'tu te sens mal. tu ne voulais pas engendrer ça, toi. tu ne voulais pas engendrer ce merdier. tu ne voulais pas que fleur souffre, mais là, là sid partait en couilles sans que tu comprennes pourquoi. tu restes bouche bée, tu regardes fleur rattraper sid, alors que tu as un bug mental. mais non. non, pas ça. pas à cause de toi. merde. au bout d'un instant, tu roules jusqu'à eux. tu n'souris plus vraiment, fauve. la réaction de sid ne te fait plus rire. eh sid ? tu souffles de ta voix douce. oublie. oublie tout ça, tout c'que j't'ai dit. écoute, j'suis désolée. tu en avais marre de tout détruire sur ton passage. c'était trop, beaucoup trop. j'ai eu tort. tout ce que je sais, c'est qu'vous vous plaisez, et que ça serait dommage de tout gâcher à cause de moi. c'était pas ce que je voulais. évidemment qu'non. tu tournes la tête vers fleur, tu te forces à lui sourire, sans rien dire pour autant. tu n'avais plus ta place entre les deux jeunes hommes. alors tu t'éloignes. loin. loin d'ici. tu pars, tu rentres chez toi. effectivement, ce n'était pas tes affaires.

il y a des choses que tu ne peux pas dire, et d'autre que tu ne peux pas faire. c'est aussi violent qu'une réaction allergique. et aussi incontrôlable qu'une pulsion. alors, quand tu sens les doigts de fleur venir chercher ta main, tu ne peux pas t'empêcher de l'esquiver. de le fuir. de le rejeter. tu veux pas. c'est plus fort que toi. c'est quelque chose comme du dégoût. ça te pique. ça te brûle. ça te blesse. tu ne veux pas qu'il te touche, comme t'as jamais aimé que n'importe qui d'autre le fasse. aujourd'hui. hier. sûrement demain.
et fauve arrive, s'excuse autant qu'elle le peut. autant qu'elle le veut. tu voudrais l'humilier, là, comme elle t'a fait à l'instant en souriant bêtement à fleur et en ignorant ce que tu lui disais. mais t'es pas comme ça. tu t'rabaisses pas à ça. t'as beau être cinglant. t'en demeure pas moins juste.
- raccompagne-la, moi j'dois aller travailler.
non, tu refuses de lui répondre. toi-même tu ne connais pas la réponse. t'as la journée pour y réfléchir. peut-être la nuit. peut-être deux. peut-être jusqu'à la fin de la semaine. c'est toi qui fera le premier pas. peut t'importe s'il t'attend, ou non. tu veux pas faire passer ça avant tout le reste. tu veux pas parce que ta tête te défend de le faire.
mais ça bombarde, là-dedans.

je veux juste qu'il me réponde. qu'il me dise si j'ai raison ou non. au lieu de ça, il retire sa main de la mienne et mon bras retombe lourdement. j'ai un nouveau pincement au cœur. il n'veut pas de moi, il n'veut pas de mes doigts. fauve revient, elle s'excuse. on se regarde un instant, un faux sourire aux lèvres, pour elle comme pour moi. j'ai plus envie de sourire. moi j'souris tout le temps, pis là, j'en ai plus envie. c'est triste, c'est un soleil qui s'éteint. elle s'en va, j'attends que sid me réponde. j'attends toujours. je t'attends, sid. à la place, il s'en va, lui aussi. aïouille. c'est mon cœur qui se serre comme ça. il n'a pas répondu, finalement. c'est que j'avais raison. c'était rien. rien du tout. je soupire longuement, j'expire toute ma joie, tout mon bonheur. je le regarde partir d'un côté, fauve de l'autre. pis moi j'suis seul. tout seul. j'veux pas rester seul, j'veux pas. je rejoins fauve, le pas un peu trop pressé, le cœur lourd, comme un enfant qui a perdu sa maman dans les rayons du magasin. j'me suis fait des idées, fauve. des fausses idées, et ça fait mal. t'as de la crème glacée chez toi, dis? moi j'aimerais bien aller m'installer dans son canapé, avec de la crème glacée et une couverture. pis rien d'autre. juste fauve. j'peux pas me faire d'idées avec fauve, je sais que c'est vrai.

» Cold Heart
» heart to find
» «your beating heart...»

warm heart.

warm heart.

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