T’as pas dormi la nuit dernière, t’as côtoyé les ombres au belvédère.  Et ce soir, entouré de tous ces inconnus, t’as l’impression ne plus avoir assez d’air. Les insomnies qui ponctuent tes nuits, t’as de plus en plus de mal à t’en accommoder. Tes yeux sont fatigués, c’est à peine si tu peux marcher sans trébucher. Mais comme dans un cercle vicieux, tu peux pas t’en passer. C’est ta came, le seul moyen que t’as trouvé pour pouvoir continuer à la fréquenter. Elle. La seule que t’as aimé. Ce fantôme du passé qui te rend visite quand t’es au bord du fossé. Tu bois ton verre d’une traite, et tu traînes tes pieds jusqu’à l’entrée. Faut que tu sortes, voir son visage te donne envie de pleurer.

Tu sens une main se poser sur toi. Est-ce que c’est elle ? Est-ce qu’elle te suit comme le fait ton ombre ? T’as presque peur de te retourner, mais tu le fais. C’est pas elle. T’es à la fois soulagé et blessé. Tu comprends pas ce qui se passe dans ta tête, y a tout qui est en train d’exploser, comme des milliers d’étoiles dans la voie lactée. Tu sais pas quoi lui dire à la belle étrangère, alors tu balances tout simplement la vérité. « Je vois des fantômes. » Tu te frottes les yeux comme un nouveau né, ils sont un peu abîmés par la fumée. Elle va te prendre pour un cinglé. Le pire, c’est que t’es même pas bourré, juste complètement crevé. Et sur toi ça a un peu le même effet. Est-ce que tu vas bien Côme, c’est ça qu’elle vient de te demander. « Et non je vais pas bien. Je suis fatigué. » T’es dans un état pitoyable. Tu le sais parce qu’ordinairement jamais t’en viens à te confier aussi rapidement. T’es dépassé par les événements, et tu sais plus quoi faire pour te raccrocher à la réalité. Les fantômes ça n’existent pas, alors pourquoi tu la vois ? Qu’est-ce qui tourne pas rond chez toi ?