Poussez-vous, excusez-moi ! Poussez-moi excusez-vous !
j'ai faim. pire que faim. j'ai plus d'appétit que quatre éléphants, un singe et deux girafes réunies au même endroit. je viens de foncer dans cette pizzeria mais évidemment il y a cent-soixante-mille clients qui espèrent poser leur cul sur une chaise. laissez-moi leur tronçonner les jambes et marcher sur leur cadavre pour arriver en première place de la file d'attente. une âme charitable pour partager sa table avec la jolie demoiselle que voilà ? venez servir votre princesse. j'ai le visage en déconfiture. mais grouillez-vous le cul putain. et cette serveuse nonchalante !  j'ai pas trop trop trop l'habitude d'attendre. non non non non. je suis sur le point d'hurler. de râler. et de griffer le dos de la personne qui se tient devant moi. je ne sais pas trop si ça pourrait m'aider à faire bouger les choses. mais il faut que j'évacue d'une façon ou d'une autre les dernières emmerdantes heures de conduites. laissez-moi manger. laissez-moiii. laissez moi manger, chanter en liberté.   

dix minutes que t’es là. dix putain de minutes.
t’en as marre d’attendre comme une conne pour une pauvre pizza qui sera bien dégueulasse. tu l’sais d’avance, ouais. comment ? tu t’en fous pas mal à dire vrai. c’est p’t’être ton impatience qui parle là. tu fulmines. t’as envie de péter un câble. c’est trop long pour toi et tu commences à taper du pied. devant toi, une dizaine de personne. derrière toi, une dizaine de personne.
sérieusement ? ils se sont tous donnés le mot ou bien ? tu veux juste pouvoir bouffer, pas t’faire chier à attendre.
tu soupires, sans aucune retenu.
alors, tu fais un pas de côté, histoire de voir la tête de la serveuse.
- tu comptes bouger ton cul ou bien.  j’vais pas attendre dix ans non plus !?  que tu balances à la serveuse dans l’espoir qu’elle trouve un élan de rapidité.
espoir vain.
le mec qui est devant se retourne vers toi et te balance un regard noir. ça doit te faire peur ? tu hausses les épaules. t’en as strictement rien à foutre.

il y a cette fille là-bas devant qui vient de s’écarter un peu de la file pour dire tout haut ce que je pense tout bas. ça ne fait effectivement aucun effet sur la serveuse qui semble prendre plaisir à réduire davantage la cadence.   je suis sur le point de mourir. je vais. je vais.. je vais.. m'évanouir. mais oui bordel c'est ça. je m'écarte à mon tour, use de mes talents d'actrice caché et simule être sur le point de m'écraser sous mon poids. j'interpelle la jeune fille qui semble être, comme moi, totalement blasé par le service offert à la clientèle. "excusez-moi mademoiselle, pou.. pouvez-vous me soutenir, je ne me sens pas très bien". j'essaye de l’enrôler dans ma machination grotesque. cette grognasse de serveuse constate les faits. mon visage pâle - un don du ciel - et ma position ridicule indique je suis sur le point de m'écrouler. "est-ce que ça va madame ?" ça fonctionne. si la jeune femme un peu plus loin veut bien se donner la peine de m'aider, de m'appuyer, peut-être ce petit jeu pourrait-il devenir un peu plus concluant. accélérons les choses. je ferais tout et n'importe quoi quand il s'agit de manger. la bouffe, c'est la vie. si la meuf mécontente ne se décide pas, j'obtiendrais une table pour moi et pour moi seule dans les plus bref délais. au fait, pourquoi j'essaye de l'enrôler là-dedans déjà. si ça se trouve, elle va m'envoyer un gros fuck à la gueule et m'hurler d'aller me faire mettre.  [/list]

Pizza, tu voulais de la pizza, alors que tu arrivais la file d'attente était assez petite, mais en quelques minutes une quinzaine de personnes étaient là derrière toi. Une fille alors s'énerve sur une serveuse, tu vois un mec qui se retourne et qui lui lance un regard noir, tu aurais pu lui en coller une si ça avait été toi,mais là tu es quand même dans un lieu public et puis tu n'es pas un serveur juste un touriste qui veut manger et qui fera tout pour manger. Une fille redouble d'ingéniosité en faisant croire qu'elle n'est pas bien, si tu n'aurais pas faim tu l'aurais sans doute cru, mais là il ne fallait pas y croire une seconde. La fille qui est devant moi est celle qui gueulait sur une serveuse. A ce que je vois je ne suis pas le seul à avoir tellement faim que je pourrais tuer une personne. D'ailleurs je suis sûr que tu aurais l'amabilité de me laisser ta place gentille demoiselle. dis-tu en souriant. Tu avais faim et tu ne pouvais plus attendre, encore au moins dix client devant toi,mais qu'est-ce que tu allais bien pouvoir faire !

Bon ce qui était sûr c'est qu'elle n'avait pas l'air très joyeuse, levant les yeux au ciel, tu décidais de réagir, non pas en jouant la comédie. Tu ne savais pas mentir et tu ferais un piètre comédien, mais tu avais plus d'un tour dans ton sac. Comment vider une pizzeria, enfonçant deux petites boules de papiers dans tes narines tu regardas dans ton sac si tu avais toujours ce que tu cherchais. Ah voilà elles étaient là une ferait l'affaire, tu avais une boule puante. Et bim elle explosa dans la pièce, l'odeur devint vite horrible et les personnes qui étaient dans la pizzéria partaient rapidement, les plus courageux n'arrivaient plus au bout de cinq minutes à respirer, désormais tu allais avoir ta pizza, il y avait encore cette fille devant toi, la file d'attente ne contenait plus qu'elle moi et trois autres personnes ainsi que la pseudo malade. Je crois que c'est à toi, donc tu vas avancer ou non ? dis-tu en souriant. Elle devait te prendre pour un idiot,peu importe tu n'en avais rien à faire, tu voulais manger une bonne pizza et là tu sentais qu'elle était proche. L'odeur était horrible et même toi avec tes narines bouchées tu la sentais, les serveurs devaient rester là, mais grâce à toi ils avaient des clients en moins.

oh mais trop cool. plutôt que d'être gratifié d'un vilain mais va te faire foutre grognasse, la fille - une vraie bombasse - ne se fit pas attendre pour entrer dans ma combine. elle faisait jouer son foutu vocabulaire pour donner un coup de fouet à la situation.  j'étais sûr qu'elle avait calculée mon petit manège, elle profitait de la situation et le chemin vers la victoire était proche. jusqu'à ce qu'un gros boulet nous lâche sa putain de boule puante. non mais je vous jure. quand je vous disais que j'étais prête à tout pour m'engrosser, j'étais loin d'imaginer qu'il y avait plus cassos que moi prêt à tout pour parvenir à ses fins. la comédie s'acheva plus rapidement que prévue. je me redressais, adoptant une posture simple et portait le foulard rouge que je portais autour du cou devant mes cavités nasales. au moins, avec le ventre vide, l'odeur nauséabonde ne risquait pas de me faire déglutir. je regardais l'autre fille. j'étais écœurée par l'odeur mais je ne pouvais pas résister à l'appelle de la pizza. finalement, elle n'avait plus qu'à passer commande. je soupçonnais le mec derrière la bonasse d'être le responsable de l'évacuation précoce du restaurant. je laissais tomber mon petit manège, j'allais prendre la place qui me revenait derrière-lui et je déclarai sans quitter le foulard de mon nez. "tu sais que t'es un gros dégueulasse quand même ?"   

sans vraiment que tu t’y attendes (parce que t’es en train de regarder l’asiatique dans l’espoir d’avancer plus vite), une odeur nauséabonde s’élève jusqu’à tes narines dans un ballet aérien qui te fait presque tirer au cœur. putain. magnifique. il y a des débiles, partout. Instinctivement, tu rebats la capuche de ton sweet sur ta tête (sans trop savoir pourquoi à dire vrai) et portes tes deux mains à ton nez. pourtant, l’odeur te touche de plein fouet. ouais, okay, vous avez faim, mais il faut quand même être assez taré pour envoyer valser une boule puante dans une pizzeria dans l’espoir d’avancer plus vite.
tu te retrouves finalement, première dans la file d’attente. ce que le mec ne manque pas de te rappeler. les gens ont tous décampé certes, mais au final, tu as plus envie de vomir qu’autre chose. ton estomac monte et descend à mesure que le parfum délicat s’insinue en toi.
- ouais j’ai vu, c’est bon.  t’es vraiment un pauvre gars.
t'aurais pu le remercier pour avoir fait vider la pizzeria, mais c'est pas ton genre. t’as juste envie de lui demander son âge, mais là encore, t’es sûre qu’il n’excède pas dix ans. c’est à cet âge que les mecs sont aussi idiots, non ? toujours caché sous ta capuche, t’avances donc vers la serveuse qui bien évidemment, te reconnait aussitôt. tu es la chieuse de la file, celle qui dit tout haut ce que les autres pensent, même si ça doit choquer. au pire, tant pis. c’est pas comme si, ça t’importait. t'as depuis longtemps arrêté de donner de l'importance au regard des gens.
- une végétarienne.
pas de bonjour. pas de merci. politesse où es-tu ? pas ici, c’est certain. il n’y en a pas besoin pour les serveuses comme elle. ou, c’est toi qui est trop gonflé pour t’abaisser à user de courtoisie pour une meuf que tu peux pas encadrer.
tu payes ce que tu dois et dis adieu à la file. t’as plus qu’à attendre que ta pizza arrive devant tes yeux qui explosent déjà de joie et rejoindre une table pas trop loin d’une fenêtre. tu vas enfin pouvoir t’empiffrer, chose que tu n’as pas fait depuis la veille et autant dire, que ça commence sérieusement à peser.

Les filles ne sont jamais contentes penses-tu. En vérité tu voulais tout faire pour manger et par la même occasion tu faisais avancer la jeune fille devant, mais non elle n'était pas contente. Tout comme l'asiatique derrière toi qui avait cessé son petit manège, soupirant tu te demandais si tu étais vraiment tombé sur la bonne ville. Tu avais affaire à deux folles ! Bon tu étais aussi un peu bizarre pour envoyer une bulle puante dans la pièce. Mais tu étais fier de toi, très fier même. L'asiatique se pencha pour te dire que tu n'étais pas normal ou un truc dans ce genre là. Comme ça tu dois me comprendre, à vrai dire je ne savais pas que les asiatiques avaient des talents pour la comédie, ton numéro était serte horrible, mais très amusant dis-tu en riant. L'autre commanda alors sa pizza, elle ne te dis même pas merci, mais elle n'allait pas s'en tirer comme ça. Chieur était parfois ton troisième prénom, le premier sympathique, le deuxième droit et le troisième chieur. J'attends et j'attendrais toujours tes remerciements, tu vas voir je pourrais t'harceler jusqu'à ce que tu me dises merci, après tout je suis un garçon, puis comme tu viens de le voir je n'ai pas toute ma tête, bien que je me demande qui d'entre toi et moi est le plus sain d'esprit. dis-tu en riant. Elle était froide et jubilait,elle voulait absolument cette pizza elle aussi, mais c'était tout de même grâce à toi.