la vérité, c'est que la vie est un jeu où l'on s'ennuie, parfois. où la meilleure solution est de venir s'installer là, sur cette petite chaise d'enfant où des gamins de quinze ans de moins viennent s’asseoir pour attendre leurs parents, malades imaginaires. et moi j'essaye désespérément de faire passer cette putain de perle dans ce foutu trou.

la jolie pharmacienne me tend ma boite de cachets pour le mal de tête, je souris. l'air de banff m'a provoqué des migraines douloureuses, alors aux grands maux les grands moyens, même si je n'aime pas plus que ça prendre des médicaments. je me retourne pour me diriger vers la sortie et vois une fille, sans doute de mon âge ou presque, assise au coin 'enfants'. perdue, ou peut-être juste fatiguée. ou que sais-je. je m'assieds face à elle et en profite pour prendre un de mes cachets. le truc pour passer la perle, c'est de passer de l'autre côté, là. je lui montre l'autre trou du bout du doigt. t'attends papa ou maman dans la file ? je lui souris. pas un sourire moqueur, juste un sourire sincère, pas méchant.

franchement, soit je suis débile soit l'inventeur de ses jeux pour enfants est tordu. ça fait bien dix minutes que je suis assise là, et ça fait autant de fois que j'essaye de passer cette maudite perle à l'intérieur de ce trou. j'essaye de comprendre, mais mon cerveau veut pas. ça fait longtemps qu'il veut plus. quelqu'un vient s'asseoir en face de moi. je lève les yeux vers l'inconnu. enfin de la compagnie ! et puis en plus, il vient de résoudre mon problème. suivant ses instructions, je passe la perle dans le trou indiqué. miracle, ça marche. merci ! tu me sauves la vie. il prend un truc dans une boîte. il doit être malade, le pauvre... oui... en fait, je les attend depuis des années. ils sont pas encore revenu, c'est bête... j'essaye de faire ma tête de chien battu. en général, j'réussis assez bien.

elle s'en sort enfin avec sa petite perle avec mes indications et visiblement ça la soulage. ça devait être la plus grosse énigme de sa vie, sans doute. oh ça me fait plaisir alors si ça t'aide tant ! vraiment, oui. mais la voir seule comme ça m'attriste. son regard me fend même le cœur. elle est mignonne, j'ai envie de la prendre dans mes bras. ooooh mais c'est triste ça, très très triste, ça me rend triste pour toi. mais oui, pour de vrai. mais moi je suis là regarde, je n'pars nulle part si tu veux, je peux rester là looooongtemps, personne ne m'attend. nouveau sourire.

il a l'air gentil. pas comme les gens qui prétendent l'être mais qui ne le sont pas. là, il a l'air vraiment gentil. profondément. peut-être que j'me trompe. ça m'étonnerait pas, j'me suis toujours trompée sur les gens de toute façon. heureusement qu'il est là, sinon je serai restée là, seule en train d'essayer de résoudre le mystère du jeudelapharmacie. c'est vrai? je laisse mon expression de chat potté durer encore quelques secondes avant de redevenir normale puis je dis d'une voix toute douce: alors, adopte-moi, je veux plus rester seule...

en fait je crois qu'elle me rappelle ma sœur. pas physiquement, oh ça non, elles sont bien différentes physiquement. elles n'en ont pas l'air mentalement non plus, ceci-dit. pourtant elle me la rappelle. peut-être juste parce qu'elle est jeune, aussi. ou peut-être parce que ma sœur me manque, qui sait. c'est vrai de vrai, très vrai, plus vrai tu meurs, même. oui, oui, croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer. rien que ça. un petit chat. voilà ce qu'elle est en vérité, un petit chat. et moi j'aime les petits chats. d'accooooord, je t'adopte ! c'est promis, tu n'seras plus seule, jamais tant que je serais là, mais pas toujours toujours dans cette pharmacie hein ? la vérité c'est que je n'aime pas les pharmacies tu sais, j'y reste un peu beaucoup pour toi, en fait, mais c'est.. morbide ? oh, non, non, morbide, c'est pas ça le mot. enfin, je n'sais plus, mais j'aime pas du touuuuuut.

je reprends une nouvelle petite perle sur la table puis j'essaye à nouveau de la faire passer dans le bon trou. j'y arrive toute seule cette fois. j'aime pas trop les pharmacies non plus. en fait, j'aime bien l'odeur... pas toi?je souris. y'a toujours la même odeur dans les pharmacies. une odeur de plante, un truc spécial, un je ne sais quoi... qui fait qu'on se sent bien. ça doit être psychologique. effet placebo. tu veux sortir? fais pas une crise d'angoisse hein! on serait dans de beaux draps, tiens. remarque, on est dans une pharmacie alors... il serait vite pris en charge.

l'odeur, elle aime l'odeur.. mon dieu, c'est incompréhensible pour moi, ça. oh non, c'est tout ce qui fait que je déteste les pharmacies, cette odeur, comme dans les hôpitaux, mais en moins fort. je crois que c'est l'antiseptique qui sent comme ça. les hôpitaux non plus j'aime pas tu sais, c'est beauuuucoup trop triste. trop triste et morbide, lugubre, horrible, affreux, et plein d'autres encore. j'aime pas ça. du tout, du tout, du tout. oh non on peut rester si tu veux, j'ferais pas une crise d'angoisse pour si peu. je crois. quoi que.. j'ai peut-être bien une très forte prédisposition aux crises d'angoisse sans raison, je crois. auuuu pire, tu n'as qu'à emprunter leur jouet pour une durée indéterminée ? mais pas le voler, hein, faudra leur rendre ensuite. remaaaarque, ils n'verraient même pas la disparition du jouet, je suis sûr. en bref, oui, j'aimerais bien sortir s'il-te-plaît.

je regarde autour de moi. y'a encore une longue file d'attente. et dire que les enfants se contentent de rester vers leurs parents, attendant bien sagement leurs tours... ça m'attriste. un si beau jouet ! on a qu'à le prendre, je l'offrirai à un enfant triste dans la rue. y'a pleins d'enfants tristes dans les rues. j'en trouverai bien un. alors je me lève puis je prends le jouet d'une main. et puis si on se fait prendre, tant pis. j'inventerai une excuse bidon genre mon chien a mangé mon devoir. et puis finalement, personne ne remarque notre sortie. tant mieux. je respire le grand air, je réalise qu'il a raison. c'est vrai, ça pue à l'intérieur. on est mieux là !

un enfant triste, ça n'est pas ce qui manque, les enfants tristes, y en a partout, c'est à se demander s'il y a encore des enfants heureux, si ça existe encore ou si c'est vraiment une espèce en voie d'extinction. t'es drôlement gentille. t'es un enfant triste toi, dis ? je tiens à savoir, si je dois m'occuper d'elle, puisque je ne l'abandonnerais pas. même si, avec moi, elle ne risquera plus d'être triste. plus jamais. on sort, j'inspire un grand coup, mon sourire réapparait vraiment vraiment naturellement pour de vrai. puisque je te le disais ! c'est quand même bien mieux l'air pur, surtout celui de banff hein ?

il est marrant, c'est lui qui est gentil. c'est genre, mère thérésa mais en mieux. à côté de lui, j'ai l'impression d'être le diable. mais il est mignon. je sais pas... des fois oui, des fois non. ça dépend des jours en fait. et toi, t'es comment? ça dépend de l'humeur du moment. si j'suis triste au réveil, la tristesse me colle aux basques jusqu'à ce que mon esprit sombre dans les méandres du sommeil. idem pour la joie. ouais ! c'est le mieux de tous. mais faut pas le dire, c'est un secret. si tout le monde le sait, il deviendra pollué. chut... secret bien gardé. en attendant qu'il soit souillé, je m'applique à en remplir mes poumons, le jeu à la main. juste au cas où.

oh, ça dépend, je vois.. mais là, tout de suite, tu es triste ? nononononnnn, dis-moi non, tu n'as pas le droit d'être triste abec moi, c'est interdit. moi ? moi je suis touuuuujours toujours heureux, même quand je suis triste, je suis heureux. c'est bien mieux d'être heureux, tu n'crois pas ? enfin, sauf quand j'ai faim, je peux être triste, là. ou coléreux. mais ça reste des cas exceptionnels quand même. d'accord, je dirais rien, chut ! je tourne la tête vers elle pour la détailler. je souris. tu t'appelles comment ? oh non, ne me dis pas, je vais deviner ! je diraaaaais.. lilou ? non, je sais pas, mais lilou ça t'irait bien, je vais t'appeler lilou !

non, là, je suis pas triste ! avec toi, on peut pas être triste. en plus, je viens de retrouver une famille, alors ça me rend heureuse. je lui souris, la vérité, rien que la vérité. bien sûr que c'est mieux d'être heureux tout le temps. moi aussi j'essaye d'être tout le temps heureuse, mais des fois, ça marche pas. c'est comme sur un ordi, y'a des bugs qu'on peut pas contrôler, enfin, je pense. et puis, je me dis que si on est tout le temps heureux, à la fin, on reconnaît plus le goût du bonheur. c'est ce que je me dis, pour me consoler. comment tu fais, pour être toujours heureux même quand t'es triste? hein? je m'appelle lilou maintenant. ça fait poupée, ça fait enfant... mais je m'en fiche, ça me plaît quand même. même si je suis bien loin de m’appeler lilou, c'est mignon. et toi, je suis sûre que tu t'appelles evan, ou théo? ouais théo, ça t'irait bien!

je souris, encore et toujours. un peu plus qu'il y a deux minutes, un peu moins que dans deux minutes. on devrait fêter ça tu sais, faire quelque chose en l'honneur de la nouvelle famille qu'on forme, je pense ! mais.. mais pas une trop grosse fête quand même non plus, faudrait pas te briser, t'es une petite poupée de porcelaine. petite, fragile. douce. douce et heureuse, et c'est ça qui compte, c'est ça le plus important ; le bonheur, pas vrai ? mais si, mais si, bien sûr que ça l'est. oh ça, ça c'est facile tu sais, je vois toujours le positif et, le secret c'est de sourire, tout le temps, ça aide beaucoup tu sais, et si tu souris, les gens sourient, et ça, ça rend très heureux. comme toi. t'es heureuse alors je n'peux pas être triste, tu vois ? ça tient bien la route, ma logique est implacable. c'est évident, le bonheur est bien facile à atteindre, ça, oui. oh. théo. théo ça me plait assez. mes parents auraient pu y penser, eux aussi, à théo. mais fleur. fleur c'est original, pas vrai ? sid et asher l'ont dit, au moins, les gens se souviennent de moi. moi, théo, ça me va. lilou et théo. on est beaux, pas vrai ? une belle fausse famille, aux faux prénoms, mais au vrai bonheur.

je regarde autour de moi. je recherche la tristesse, un petit enfant à qui je pourrai donner ce que j'ai dérobé dans cette pharmacie. ce serait une bonne action, et on dit que quand on aide les autres, ça nous rend heureux. t'as raison, il faut le fêter... mais si je me brise, tu me recolleras? j'espère. c'est bien d'être fragile, tout le monde nous protège. je l'écoute attentivement tout en essayant de retenir ses mots, pour les utiliser plus tard, dans mes soirs d'angoisse. merci, j'essaierai de m'en souvenir pour plus tard, quand tu seras plus là! théo, moi j'trouve ça classe, et puis ça lui va comme un gant. j'pense que rien d'autre ne pourrait lui aller mieux que théo. plus que beaux! on est parfaits. lilou et théo, ça va bien ensemble en plus.

bien sûr que je te recollerais, autant de fois qu'il le faudra, et ça tiendra, c'est promis, mais je ferais attention que tu ne te brises pas d'abord. parce que c'est ça, le plus important. fragile comme elle est, je vais surtout faire attention qu'elle ne se brise pas. petite poupée de porcelaine. je la mettrais bien dans du papier bulles pour la protéger, tiens, si seulement ça pouvait marcher. je prend sa main dans la mienne. je suis là, je suis là, je serais toujours là. je peux te laisser mon numéro de téléphone si tu veux ? comme ça, je pourrais te répéter ça moi même, quand tu en auras besoin. lilou et théo. théo et lilou. ça, c'est un bon duo, un parfait duo. elle a raison, on est parfaits, et ça va bien ensemble. je garde sa main dans la mienne pour commencer à avancer un peu, doucement, tout doucement. pourquoi t'es ici, lilou ?

ouf, je suis rassurée. si lui ne me recolle pas, qui le fera? j'me le demande bien. je lui souris lorsqu'il prend ma main dans la sienne. en fait non, je souriais déjà. oh oui! tu peux l'écrire sur ma main si tu veux. j'ai pas de papier. et puis comme ça, je m'en souviendrai encore plus. je me dis aussi que si j'ai son numéro, je suis sûre de ne plus être triste. parce que non, c'est vraiment pas possible de pleurer à ses côtés. je le suis, je sais même pas où on va. mais en même temps, c'est pas très important. nos pas nous mèneront toujours quelque part. il me pose une question, mais le problème, c'est que la réponse, je l'ai pas vraiment. j'essaye quand même de répondre quelque chose de bien, pour lui. je suis là parce qu'un jour, j'en ai eu marre et je suis partie comme ça. j'avais peur, mais finalement, je regrette pas! les gens devraient faire ça plus souvent. et toi théo? dis-moi pourquoi tu es là.

oh elle peut, elle peut être rassurée, bien sûr que oui. elle n'a pas de raison d'être angoissée à mes côtés. jamais. je prends un stylo dans le fond de ma poche et le brandis fièrement pour toute réponse à sa proposition, puis je le note sur le dos de sa main que je tiens tout en le récitant. 542-8579. là, comme ça, tu ne m'oublieras pas, tu m'auras toujours toujours toujouuuurs avec toi. un nouveau sourire large étire mes lèvres alors que je l'emmène avec moi. destination inconnue, le vent nous portera. alors, alors elle est comme ça, lilou. ma fragile lilou est du genre à tout plaquer du jour au lendemain. alors, elle pourrait plaquer banff du jour au lendemain. elle pourrait me plaquer du jour au lendemain. moment de panique, je serre un peu plus fort sa main dans la mienne. je suis pétrifié de son abandon et choqué de l'effet que celui-ci a sur moi, alors que ça ne fait que très peu de temps. je suis choqué de la façon dont je me suis accroché si fort à elle, alors que je viens de la rencontrer. moi, oh, moi.. ce n'est pas très intéressant, tu sais, je fais ça simplement pour aider quelqu'un. ce quelqu'un qui n'est autre que ma petite sœur, ma vie entière. mais je ne me résouds pas à lui dire. lui dire quoi ? 'tu ressembles énormément à ma sœur, c'est peut-être même pour ça que je reste avec toi, que je te prends sous mon aile'. pourquoi, pourquoi je lui dirais ça, après tout, à part pour essayer de lui faire mal ? ce n'est pas ce que je veux, lui faire mal. et, si ça se trouve, je ne reste même pas avec elle à cause de ma sœur, même pas un peu, mais peut-être à cent pourcents pour elle. sans doute, même. tu viens d'où, lilou ? ma curiosité me démange les lèvres. je veux savoir à quel point elle est étrangère. je veux savoir à quel point elle a quitté de monde si aisément. je veux juste la connaître.

j'observe les chiffres noirs s'imprimer sans douleur sur ma peau. et j'me dis qu'il faut surtout pas que l'encre parte avant que j'ai entré ces sept précieux petits numéros à l'intérieur de mon vieux portable. sinon, je suis perdue. merciiiii! je suis contente, ça veut dire que je ne le perdrai pas. j'aime pas vraiment raconter ma vie. non, c'est vrai, c'est pas vraiment intéressant. c'est juste l'histoire d'une fille qui est partie un beau matin. et puis voilà. mais si, c'est très intéressant. c'est qui cette personne? après avoir dit ça, je me rends compte que je suis peut-être un peu trop indiscrète. j'aime pas l'indiscrétion, l'indiscrétion met mal à l'aise. je suis peut-être indiscrète. mais moi, je veux savoir... il est encore plus gentil que je le pensais s'il est parti pour aider quelqu'un. c'est rare les gens avec un grand cœur comme ça. moi j'habitais à los angeles avant, et toi théo? avant, parce que j'ai aussi habité ailleurs. mais ce ne sont que des détails. moi, je le vois pas venir de quelque part en particulier. il est un peu intemporel, sans frontières. et c'est ce qui me plaît chez lui.

je lui souris. c'est drôle la façon qu'elle a de réagir à mon pauvre numéro de téléphone simplement noté sur sa main. c'est drôle la joie que ça peut lui procurer. moi, ça me fait plaisir que ça la rende heureuse à ce point. ça me fait très plaisir, même. et le fait qu'elle soit persuadée que ma vie est intéressante avant de l'avoir entendue me fait sourire, aussi. en fait, depuis ces quelques minutes en sa compagnie, je n'ai pas arrêté de sourire. ça fait du bien autant que ça fait mal à la mâchoire. pourtant, j'ai l'habitude de sourire, de rire. pour un oui, pour un non. pour un rien, pour un tout. ça oui, j'ai l'habitude. mais lilou me fait sourire différemment. plus sincèrement, peut-être. plus niaisement, sans doute, de par sa naïveté et son innocence. oh ça, c'est certain. j'ouvre la bouche pour lui répondre, elle se rattrape. je presse légèrement sa main et lui offre un sourire pour la rassurer, un peu. non, non, ça va, t'es pas indiscrète. c'est ma sœur. j'hausse les épaules. que ce soit ma sœur ou quelqu'un d'autre ne change pas grand chose. je l'aurais fait aussi pour un ami. seulement, je suis encore plus déterminé pour ma sœur. los angeles. oh, elle en a, de la chance, lilou. los angeles ça doit être si beau. si frais, coloré, vivant. ça doit être l'été tous les jours, non ? j'ai des étoiles dans les yeux, rien que d'en parler. j'en rêverais. et moi. ah, moi. moi je viens de gatineau, mais, tu ne connais sûrement même pas. enfin, j'en viens, mais ma tête, elle n'y est jamais vraiment. j'aime énormément gatineau, mais je crois que je rêve trop pour y être pleinement. c'est aussi triste que joyeux. aussi beau que moche. c'est la façon que j'ai d'être.

finalement, je suis soulagée qu'il ne prenne pas mes questions pour une sorte d'intrusion dans sa vie personnelle. c'est vrai, on se connaît depuis peu et j'ai toujours des tas de questions à poser. que ce soit à quelqu'un que je connais depuis dix ans ou à quelqu'un que je connais depuis dix minutes. elle va bien? je demande ça parce qu'il me dit qu'il est ici pour l'aider. j'espère qu'elle va bien. si je savais qu'elle avait quelque chose de grave, je serais triste pour lui. hé oui, maintenant, il fait partie de ma famille. donc elle aussi, techniquement, non? los angeles, c'est le rêve! faut y aller au moins une fois dans sa vie mais... faut pas y vivre tout le temps. au bout d'un moment, ça tue et on a envie de voir autre chose. en gros, c'est ça. los angeles, j'y suis depuis quelques années seulement. mais c'est le genre de ville qui, quand t'y passes trop de temps, tu fais une overdose et si tu veux pas en crever, t'es obligé de mettre les voiles. théo vient de gatineau. non, je ne connais même pas. et j'en ai presque honte. j'aimerai connaître tous les endroits du monde pour savoir d'où viennent les personnes que je croise. gatineau, ça me fait penser à gâteau. c'est où gatineau? ça se voit qu'il rêve, autant la nuit que le jour. oui, parce que c'est inscrit dans ses yeux.

si elle va bien ? oh non, non elle ne va pas très bien, en vérité. elle s'en sort, disons plutôt qu'elle tente de garder la tête hors de l'eau. ce n'est pas facile tous les jours. mais, lilou ne comprendrait pas, ça. lilou ne pourrait pas comprendre, parce qu'elle ne la connaît pas. oui, elle va bien, ne t'en fais pas, elle a juste quelques soucis, mais je m'en occupe. à distance. à très longue distance, même. oh, ça non plus, lilou ne le comprendrait pas. j'en suis persuadé. alors j'irais à los angeles un jour, je te fais confiance, je te crois, j'irais en vacances là-bas. tu viendras avec moi ? tu m'accompagneras ? allez lilou, allez, dis oui. j'aime partir seul, mais j'aime encore mieux partir à deux. et lilou et théo, on est un bon duo, tu l'as dit. dis-moi que tu accepteras. gatineau, c'est le pays des rêves. le québec. il y fait toujours beau. même quand il pleut, même quand il neige, même quand il vente. gatineau c'est toujours magnifique. mais gatineau, contrairement à los angeles, on ne s'en lasse pas, tu sais. tu devrais venir. peut-être qu'après, tu ne repartirais pas. oh, évidemment, elle ne connait pas gatineau. je m'y attendais. rares sont ceux qui connaissent, bien que ça ne soit pas perdu, loin de là. mais peut-être qu'elle pourrait venir et connaître gatineau, pour de vrai. alors en attendant qu'elle le voie pour de vrai, je sors mon téléphone pour lui montrer des photos.

elle va bien. tant mieux, je suis rassurée. je suis loin de me douter que ce n'est pas la vérité, pourtant, d'habitude et si ça avait été quelqu'un d'autre, j'aurai douter de la véracité de ses propos. mais là, je lui fais confiance, à théo. peut-être un peu trop. peut-être que je ne devrai pas? peut-être. à vrai dire, je m'en fiche pour une fois. peut-être bien qu'il pourrait me raconter toutes sortes d'histoires, je le croirai sur parole. tu lui feras un bisou pour moi? les bisous et les câlins, ça réchauffe les cœurs et apaise les peines, je l'ai toujours cru et je le croirai toujours. oui, je viendrai avec toi. en fait, t'as même pas le droit d'y aller sans moi, d'accord? je te montrerai tous les petits endroits cachés, ce sont les plus beaux de la ville. loin de la foule et du regard des touristes. c'est vrai, c'est toujours les endroits peu connus d'une ville connue qui sont les plus beaux. comme les chansons. je le regarde, il sort son portable pour me montrer les photos de sa ville, celle qui me fait penser à un gâteau. c'est beau... il y a de l'eau partout j'ai l'impression, j'aime bien. un jour, je voudrais y aller. tu sais quoi, on n'a qu'à faire une sorte d'échange? toi, tu viens chez moi et puis après moi je viens chez toi. ce serait bien... je le pense vraiment. j'ai un peu l'impression d'être une gamine qui découvre le monde mais au fond, c'est ça qui rend un moment si spécial.

oh, si elle savait, lilou. je suis sûr que ça lui ferait mal, peut-être même que ça lui briserait le cœur. oh, je ne veux pas lui briser le cœur, moi, à lilou. bien sûr, autant de bisous que tu voudras que je lui ferais. j'aime bien faire des bisous, c'est important de faire des bisous, pas vrai ? je crois, oui, je crois bien. c'est agréable, les bisous. à faire et à recevoir. et rien qu'à penser à mon futur voyage à los angeles, je suis tout excité. je serre sa main, mon sourire s'étend, et je croyais que c'était impossible, que j'étais déjà à mon maximum de sourire. visiblement, non. suuuuuuuuper, t'es trop gentille, c'est génial, j'ai hâte d'y aller avec toi ! tu sais surfer ? tu m'apprendrais à surfer ? s'il te plaiiiiit, y a des supers spots de surf à los angeles alors si j'y vais, je veux surfer au moins une fois, d'accord ? c'est que, au canada, on ne surfe pas beaucoup, alors, quitte à aller en californie, autant en profiter pour surfer. ça serait bête d'y aller et de ne pas le faire. ça serait comme aller à la montagne en hiver et ne pas skier. ça serait bête, très bête. c'est beau, hein ? oh oui, ça serait très bien ça, comme idée, on n'aura qu'à faire ça comme échange, moi, ça me va, et puis on commencera dans l'ordre que tu voudras, tu viens d'abord chez moi si tu veux, ça m'est égal, et puis si ça se trouve quand tu viendras ma soeur sera rentrée alors tu pourras la rencontrer, oh ça serait bieeeen. vraiment, vraiment bien, hein. je finis par la prendre dans mes bras dans un élan de trop plein d'amour, de hâte et d'excitation. un trop plein de joie. un peu comme un enfant. je crois que je ressemble trop souvent à un enfant.

et puis je me demande comment sa sœur peut bien s'appeler. théa, moi je la vois bien s'appeler théa. théo et théa. ça sonne plutôt bien, non? oui, c'est très très important les bisous dans une vie ! comment elle s'appelle, ta sœur? intérieurement, je prie pour qu'elle s'appelle théa. si c'est vraiment la vérité, c'est que le bon dieu existe, et qu'il a finalement décidé de m'envoyer un signe, là-haut, depuis sa tour d'ivoire. puis il me parle de surf et des tas de souvenirs se bousculent dans ma tête. mes yeux s'illuminent. l'odeur du sel dans la brise, l'eau glissant comme une plume sur ma peau humide, les yeux rouge tomate parce que j'arrive vraiment pas à rester les yeux ouverts sous l'eau, la mer qui décide de faire de moi sa prisonnière. oui je sais surfer ! c'est la seule chose que j'arrive à faire sans maladresse. je t'apprendrai, on ira tous les jours et après tu seras le meilleur de touuus, j'en suis sûr ! moi j'ai mis des années à apprendre à surfer sans plonger la tête sous l'eau au bout de quelques secondes. c'est dur, mais quand on y arrive, on est très fier. mais moi, je sais que théo y arrivera plus vite que moi, parce que théo n'est pas comme les autres. ça aussi j'en suis persuadée. oui, c'est mon rêve de venir chez toi. et puis après, on recommencera encore pleins de fois, jusqu'à ce qu'on puisse plus marcher parce qu'on sera vraiment trop vieux pour se déplacer ! ça te va? moi, en tout cas, ça me va. j'espère vraiment que lui aussi. puis je suis encore plus contente quand il me prend dans ses bras comme ça. c'est là que je me sens bien. alors je lui fais un bisou sur la joue. puis peut-être deux. ou trois. ou quatre? en fait, je ne sais plus. quand on aime, on ne compte pas.