Tu traines dans Banff comme une âme en peine. Le froid te gèle les doigts et tes joues sont toutes roses, foutu hiver. Tu pousses une porte au hasard et tu te retrouves dans un café ou un bar tu ne sais pas trop. Tu fais pas attention aux gens, la seule chose que tu sens c'est cette chaleur qui réchauche tes os glacés. Tes yeux océans parcourent rapidement l'endroit. Tu te glisses dans la file d'attente comme une petite souris. Tu sens des regards sur ton dos, les gens te prennent pour une pauvre gamine perdue. C'est ce que tu es, complétement paumée dans un monde qui ne te ressemble pas ou qui ne veut pas de toi. Tu commandes une pâtisserie que tu payes avec tes dernières pièces. Il va falloir travailler demoiselle, encore quelque chose de nouveau pour toi. Tu veux sortir à présent, retrouver le grand air mais quelqu'un se met dans le passage et tu te retrouves recouverte de café. C'est chaud, tu grimaces et tu lèves les yeux sur l'homme qui te dépasse d'au moins deux têtes. Tes grands yeux bleus le fixent. Je, euh, désolée. Il t'intimide, lui et son regard farouche. Tu ne sais pas pourquoi tu t'excuses, tu bafouilles, t'es nulle Shae.

Tu baisses les yeux. Bien sur que c'est sa faute, c'est lui qui tenait cette foutue tasse de café et c'est lui qui t'est rentré dedans. T'aurais du rien dire, mais tu ne sais pas pourquoi, faut toujours que t'ouvres ta bouche, t'aimes pas le silence. Au fond tu te sens un peu gêné, si t'avais été moins dans ton monde tu l'aurais vu, t'aurais pu l'esquiver et à cette heure tu serais déjà dehors en train de déguster ta pâtisserie qui elle aussi a pris le café. D'ailleurs tu l'abandonnes sur le comptoir, ton estomac attendra. Lorsque tu relèves la tête l'homme s'éloigne vers les toilettes alors tu le suis même si tes jambes te disent de faire demi-tour et de courir. Si c'est pas bizarre, tu vas te retrouver avec un inconnu dans les toilettes, t'as pas envie qu'il vienne. Tu n'as pas besoin de son aide. Tu passes alors devant lui et tu lui fais face, ton dos est presque collé à la porte des fameuses toilettes. Ca va, j'peux l'essuyer avec une serviette, c'est pas grave. C'est pas comme si ta veste était entièrement trempé et de toute façon il ne va pas te forcer à aller te nettoyer.

Ses yeux bruns te fixent, son regard devient froid et dur. Il n'a pas apprécié que tu te mettes dans son chemin et il te le fait bien comprendre. Tu pourrais sourire, t'aurais l'air moins con. Voilà, c'est sorti. Tu pousses la porte et tu t'engouffres dans les toilettes. T'es toute seule avec un inconnu, il y a quelque temps de ça, tu lui aurais sauté dessus pour lui retirer son pantalon. Mais t'es plus comme ça maintenant. Tu retires ta veste et tu prends la serviette que tu mouilles un peu pour frotter la tache de café. Le mieux ça aurait été une machine à lavé, faut vraiment que tu trouves un appartement où squatter, un endroit pour poser tes affaires et surtout te poser toi. Puis tu regardes l'inconnu, il est beau, dommage qu'il a l'air con. Cette foutue tâche part, un peu. T'arrêtes de frotter et tu te rinces les mains à l'eau chaude, ça fait du bien. Tu me dois une pâtisserie. Tu t'adosses au mur et tu le regardes, un sourire au coins des lèvres. Aller Shae, titille le un peu, qu'il ne te prenne pas pour une fille docile et naïve.

P'être que finalement venir ici pour chasser tes démons n'était pas une si bonne idée que ça, p'être qu'au final tu vas les laisser sortir et redevenir la Shae d'avant. T'en a envie, surtout quand tu te retrouves seule avec un mec pareil, mais c'est pas bon du tout pour toi et pour tes prochaines rencontres. Il s'approche de toi avec son petit sourire et son regard provocateur. Reste dans le droit chemin Shae, ne cède pas au démon qui se tient devant toi. Rien du tout, j'te rappelle que tu viens de bousiller ma veste. C'est pas grave, tu ne l'aimais pas cette veste de toute façon. C'est juste une façon de lui dire non. Car tu connais ce genre de mec, ce genre de mec qui détestent qu'on leur dise non, qui détestent quand quelqu'un se met en travers de leur chemin ou de leurs pensées. Ton cœur s'affole dans ta poitrine, c'est frustrant d'être tenté à ce point mais de rien pouvoir faire. Alors au lieu de t'avancer, de le toucher, tu restes silencieuse et tu te contentes de le regarder, droit dans les yeux histoire que lui aussi il soit tenté, rien qu'un peu.

Il trépigne, il est impatient, tu le sens. Il n'a pas compris que t'es pas ce genre de fille qui saute sur tout ce qui bouge, du moins tu ne l'es plus, ou presque. Non, maintenant tu préfères prendre ton temps, profiter et surtout t'amuser. Parce que au fond tu es une grande joueuse, tu l'as toujours été. Tu regardes son visage, tu l'étudies soigneusement. Il a cette fierté dans le regard, t'es presque certaine du genre de mec que tu as en face de toi. Le genre fier et sûr de lui, le genre à se taper les plus belles filles de la ville sans jamais se prendre un 'non' au visage. C'est vrai qu'il est beau. Pendant un instant tu te perds dans son regard, mais tu reprends vite tes esprits. Ne cède pas Shae, ne le laisse pas gagner. Euh, non. Il croit quoi, que tu vas te déshabiller aussi facilement devant lui ? Il s'approche et tu te retrouves coincé entre lui et le mur. T'essayes de contrôler tes pulsions, de les retenir bien au fond de toi. Doucement, tu lèves ta main et tu caresses sa joue du bout des doigts en le regardant dans les yeux. T'as ce petit sourire aux lèvres, ce petit sourire énervant et craquant à la fois. Pendant un instant ton visage est proche du siens, vos souffles se mélangent et ta respiration s'accélère. Tu aurais pu craquer, faire le premier pas, attraper ses lèvres et mordre doucement dedans. Mais tu ne le fais pas non. Tu le pousses, t'es pas sûre d'avoir assez de forces pour le faire bouger, et tu le contournes. Tu t'échappes vers la porte qui mène à la sortie des toilettes en rigolant. Aller vient, vient jouer.

La poignet de la porte est là, a quelques centimètres de tes doigts. Sauf qu'il apparait dans ton champ de vision et te bloque en quelques secondes. Tu fronces les sourcils, aucune chance que tu arrives à lui passer sur le corps, quoi que. Tu le vois te sourire après t'avoir parlé. Il est fier de son coup, ça se voit dans son regard. Tu fais la moue, un peu comme une gamine privée de son jouet et tu le fixes.Tu comptes me violer maintenant ? Te voilà prise au piège, tu ne peux pas faire grand chose, surtout face à lui qui doit faire au moins vingt kilos et deux têtes de plus que toi. Il pourrait te soulever et te briser en deux s'il le voulait. Sauf que ce n'est pas ce qu'il veut et heureusement pour toi. Tu crois que si je crie des gens vont venir ? Tu souris, tu n'aurais pas dû lui poser la question et agir directement. Il t'aurait prise pour une folle, mais tant pis, ça aurait pu être drôle, ou pas. Alors tu restes là, adosser contre la porte à le regarder. Tes mains sont cachées derrière ton dos, tu le ne toucheras pas. Pas encore. Tu veux voir jusqu'où vont ses limites, jusqu'à quel point il va tenir avant céder.

Ton corps n'a qu'une envie, c'est d'être collé contre le sien, de ne faire plus qu'un avec celui qui plaque sa main contre ta bouche. P'être que finalement il a un peu peur, un peu peur de ce que tu pourrais faire. Il a raison, ton sourire ce voit dans ton regard. Il te fixe, tu le fixes. À présent t'es presque muette. Une fille normale serait partie en courant, mais toi la violence ça t'excite. T'es pas sado ou un truc du genre, c'est juste que tu as eu tellement de douceur dans ta vie que maintenant il te faut autre chose. Dans tes veines ton sang est chaud bouillant comme la lave d'un volcan. Tes muscles te disent de faire des choses, des choses pas catholiques. Mais tu résistes, encore et encore car tu ne feras pas le premier pas, jamais. Tu plaques l'une de tes mains sur son torse tandis que tes dents se plantent dans sa main et tu t'échappes, encore une fois. Pas très loin heureusement, juste derrière lui. Tu veux le pousser à bout vraiment, voir quelles sont ses réactions, voir combien de temps il va encore tenir. T'as un prénom ? Tu ne le connais pas, pas même son prénom et regarde ce que tu fais avec lui. T'es venu à Banff pour quitter tout ça, quitter toutes tes mauvaises fréquentations, mais si le destin te met un mec comme lui sur ton chemin ce n'est peut-être pas par hasard.

Côme. T'aurais plutôt pensé à un truc plus viril, plus long. Tu sais pas trop enfaite, mais pas ce genre de prénom en tout cas. Tu le regardes, pas de question en retour. T'es un peu déçue, t'aurais voulu qu'il s'intéresse un peu à toi. Mais non, il veut juste ton corps, ou plutôt fourrer son machin entre tes cuisses. T'es partagée entre continuer ton petit jeu ou lui mettre un gros stop. Ouais t'es un peu vexée, mais d'un côté tu savais à quoi t'attendre quand t'a posé tes yeux sur ce mec. Avant c'était mieux au moins quand un mec te voulait il faisait semblant de s'intéresser à toi, au moins un minimum. Il s'approche, il revient à la charge. T'as qu'une envie c'est de le pousser, de le rembarrer bien correctement mais t'a pas le temps car il t'attrape par la nuque et colle ses lèvres aux tiennes. Pendant quelques secondes tu te laisses emporter, tu fermes tes yeux et tes doigts s'agrippent à son tee-shirt. Vous êtes interrompu par une dame qui entre dans les toilettes, tu te détaches de lui et tu recules loin. Faut pas céder, tu te l'es promis. Ne le laisse te traiter comme une poupée sans vie, comme une fille de plus dans laquelle il aura fourré la seule chose qui fait de lui un mâle. Tu croises le regard de l'inconnue, elle hésite, puis referme la porte. T'as cas aller pisser ailleurs, connasse. T'auras rien. Tu boudes, une vraie gamine.

T'es blessée, de l'intérieur. Tu l'as toujours été mais là tu le sens, ça brûle au fond de toi. Pourtant ce mec tu ne le connais pas, des fois tu ne comprends pas les réactions de ton cerveau, de ton corps. Il ne revient pas à la charge, tant mieux. T'en a marre. Au lieu de ça tu le vois sortir un billet et le jeter à tes pieds. Tu le regardes, sérieusement ? La t'as qu'une envie c'est d'lui mettre une baffe, de lui exploser la tête contre le mur, le seul truc qui te retient de le faire c'est que t'as la force d'une mouche. Alors tu le contournes, tu récupères ta veste et tu l'enfiles. Qu'il aille se faire foutre, bien profondément. T'aimes bien les cons, du moins t'as l'habitude d'en fréquenter mais il ne faut pas non plus abusé, jamais tu te laisseras marcher sur les pieds et encore moins par un mec. Garde ton argent pour tes putes. Il pensait que tu allais lui manger dans la main, bah il s'est lourdement trompé. T'es pas une fille facile, du moins faut un minimum. Et oui t'es lunatique, tu changes d'avis tout le temps, un coup c'est oui, un coup c'est non. Tu restes là, planté devant lui, p'être parce que t'as pas envie de te retrouver seule dans cette ville, p'être parce que t'as pas envie de partir la première.

Tout est de sa faute, c'est jamais la tienne de toute façon. C'est lui qui a tout foutu en l'air, ou p'être que c'est ta faute. Ou mieux, c'est la faute à vous deux. Tu remontes la fermeture de ta veste jusqu'en haut. Tu te prépares à retourner dehors, à errer seule dans cette foutue ville que tu détestes. P'être que tu vas récupérer tes affaires et tu vas partir loin, au sud. Là où il faut beau et chaud. Il ramasse le billet et le glisse dans sa poche, toi tu le regardes parce que tu ne sais pas où poser ton regard. Tu te diriges vers la porte, finalement c'est toi qui vas partir en première. Mais il te pose une question. Alors tu te retournes, t'hésites, tu te mords les lèvres. Shae. T'es pas certaine qu'il mérite de savoir ton prénom, mais d'un côté t'avais envie qu'il le sache. T'es compliquée ouais. Tu le regardes, encore une fois puis tu sors des toilettes. Dans la salle, tu repères une table où est posé un croissant, alors tu l'attrapes et tu mords dedans avant de sortir du café. Tu te retrouves dans la rue, dans le froid. Tu frisonnes et tu décides de continuer de marcher jusqu'à que tes jambes ne veulent plus avancer, jusqu'à ce que le sourire de Côme et ses airs supérieurs disparaissent de ta tête.