eh, stranger.

j'entre au beaujolais, sans trop m'soucier de mon apparence. j'sais, j'ai l'air con, j'ai l'air d'un enfant, surtout. j'suis affamé, en fait. plus que jamais. affamé de bouffe, affamé de social, surtout. j'pourrais mourir de faim, puis ressusciter, pour ensuite mourir de solitude. j'pourrais mourir beaucoup d'fois, pour beaucoup de choses, depuis que j'suis ici. ou plutôt, depuis que j'ai décidé de partir de chez moi. j'regarde autour de moi, puis j'vois une personne seule assise à une table qui regarde le menu. j'me demande pendant quelques secondes si j'vais réellement faire ça. puis, j'le fais. j'vais m'assoir à sa table, puis je l'observe. « bonsoir. moi, c'est vannie. j'peux manger avec toi? » parce que manger seul, ce serait trop triste, pas vrai? j'souris, mais j'crois que j'ai l'air franchement plus psychopathe que sympa. tant pis, hein. « j'sais. c'est étrange. mais j't'assure que j'suis pas dérangé. » quelle idée, aussi. tant pis.

Débile. Ici, en ce lieu chic, il détonne un peu avec son jean et ses baskets. De l'extérieur il avait cru à un restaurant familial où il pourrait se goinfrer de frites et de poulet. Hors, apparemment la spécialité à déguster -il se penche sur la carte- est le foie de canard accompagné de brocolis. Il plisse le nez. Pas fameux. Entre le moment où il est entré, celui où une serveuse s'est littéralement jetée sur lui pour le conduire à sa table et lui a tendu la carte il n'avait pas réellement pu contempler son erreur. Alors bon, à présent, il tente de déchiffrer le menu, écrit en français, langue qu'il ne parle pas. Il cherche la définition de "crue" quand un jeune homme s'assoit sur la chaise qui lui fait face. Bien sûr qu'il peut manger à cette table. Il hausse les épaules, lui sourit. “Pourquoi pas.” Le garçon l'informe de sa santé mentale, Asher rit. “Tant mieux alors.”

il est étonné, vannie. oui, il s'attendait à un regard louche ou quelque chose du genre. pas un « pourquoi pas. » néanmoins, il est agréablement surpris. il pourra parler sans trop s'faire dévisager. la serveuse dépose un menu devant lui, qu'il ouvre sans plus attendre. c'est du français, ou bien du chinois, tout ça? il fronce les sourcils, n'ayant aucune, mais alors auuucune base en français. heureusement, vannie n'est pas difficile. « tu t'appelles comment, toi? » il continue à tenter de distinguer les mots dans le menu, mais rien à faire, alors il le dépose sur la table. il n'aura qu'à demander à la serveuse de lui servir ce qu'elle préfère, point barre.

Plus il lit la carte, plus il s’embrouille. Les lettres et les mots se mélangent dans tête, l'abrutissant complètement et lui offrant une petite migraine. Plutôt de s'attarder sur de pareilles sottises, il observe son compagnon de table. Il a un côté légèrement voyou rétro, du genre à fumer des cigarettes en bande, appuyé sur une Cadillac. Il pose une question toute simple, sans fioriture pour cacher sa curiosité. Pas de discours inutile sur la météo, avant de s'interroger sur son identité. “Asher.” Il lui demande le sien, de la même manière, cash.

voilà qui est bref. asher, donc. il lui retourne la question, puis vannie aurait aimé avoir un prénom un peu plus homme à l'instant présent. si, parce que avouons-le, vannie.. ça aurait pu l'faire, pour une fille. asher, c'était mâle. très mâle. « vannie. » il ne l'avait jamais assumé, son prénom, mais il faisait avec. la serveuse se pointe, vannie choisit un truc au hasard, attend que le type au prénom mâle fasse même, puis apprivoise le silence. c'est que ça devient gênant, là. « donc, donnc.. asher. tu fais quoi d'ta vie? »

Il accorde quelques seconde à son prénom. Vannie, comme il pensait, le type semble bien tout droit sortit des années 50. Il commande à la suite, avec cette même technique du "benjecomprendpasletitredonconvabienvoiràquoiçaressemble" et appose ses coudes sur la table, observant la nappe, brodée. Son interlocuteur vient à rompre le silence, curieux. Il répond simplement. “Architecte. J'ai terminé mes études il y a peu. Et toi, tu étudies peut être ?”

Nouvelle vie, voulait dire que tu devais trouver un boulot pour financer tes études. On t'avais pris à l'essai comme serveuse, et franchement, ça devait être pour ton corps parce que tu t'en sortais pas super bien. Mais bon, il fallait persévérer, peut-être que dans 10 ans, t'auras un award pour la meilleure serveuse de l'univers. Tu retournas à la table que tu avais visité une vingtaine de minutes plus tôt. « J'ai un filets de rouget saisis, et un tian tous légumes ! » Maintenant, tu attendais que chacun se désigne, en espérant ne pas te tromper de plat, ou pire, de table.

Avant que Vannie ne puisse répondre à la question posé, la serveuse arrive avec leurs commandes. Sa voix, joviale, annonce des termes dont Asher a du mal a saisir le sens. Euhh les rougets c'est moi. Il pense, croit. Hésitant, il écarte ses coudes de la table pour que la jolie blonde puisse poser l'assiette sur la nappe froissée par ses bras.

L'un écarte les coudes quand tu évoques les rougets, ça devrait être le sien. Alors sans réfléchir une seconde de plus, tu poses la première assiette, puis la seconde. Te voilà les mains libres, t'es fière, parce que t'as réussi, mais ce n'est pas fini. « Avec ceci, puis-je vous proposer un vin rouge ? » Il n'avait pas parlé de vin, et c'était ton boulot d'en proposer parce que c'était de bons crus, d'après le patron, et qu'une bouteille vendue, était un extra pour toi.