ils ont l'air heureux. la demoiselle tient son bouquet dans sa main gauche et le bras de son mari de la main droite. le jeune homme sourit à en faire pleurer les étoiles. ils me regardent, ils me scrutent. ils cherchent l'amour en moi. ils se demande comment elle va, ma vie. mais surtout, ils se demandent comment la leur sera. j'ai envie de leur en inventer une, maintenant. le garçon terminera ses études de médecine, la jeune femme portera leur enfant qu'elle nommera papillon. ils vivront vieux et en santé (bien que l'homme aille les poumons encrassés par la nicotine). ils auront une jolie maison en campagne et leur garçon deviendra musicien dans un groupe de rock.
fin.
signé, velours.
bien sûr, ce n'est pas réel. je ne saurais jamais comment ils auront vécu l'usure du temps. ils sont là, devant moi, sur un papier photo, en sépia. et moi, je m'émerveille devant cette image à en avoir les yeux constellations.

Moi je suis juste là pour passer le balai, à la base de tout. Donner un coup de main, c’est gratuit, je suis un bon gars, dans le fond. J’ai surtout pas besoin d’argent de poche et j’ai du temps à perdre. Alors je suis là à faire la poussière dans une collection d’objets-poussières. Y’a pas grand monde, des connaisseurs, des émerveillés, pas tant de chahuteurs que ça, c’est plutôt calme. Depuis mon poste, je balaye du regard la boutique, le dépôt, whatever. Y’a que cette fille qui reste là, devant cette photo ancienne. Le vieux roupille, c’est l’heure calme, il pose son débris de vieux corps et se repose à cette heure là. Je traverse la pièce et je me plante avec elle devant l’image. « tu crois que bonnie and clyde ils avaient leur photo comme ça eux aussi ? genre amoureux fleuris, genre jeunes mariés, genre avenir prometteur ? » je dis. C’est ce que je pense depuis toujours quand je regarde cette photo. Je pense aussi qu’ils sont pas Courtney and Kurt cools. Ils sont un peu ennuyeux là-dessus, pas vrai ? pis faut se dire que même les couples pas ennuyeux ils avaient des photos ennuyeuses.