T'as passé une sale journée. T'as rien trouvé à manger et tes économies partent en fumée parce que tu t'achètes des paquets de clopes. T'en as marre, t'es essouflée, tu rentres. De toute façon tu vas bientôt avoir un chez-toi avec des colocataires, tu seras bien tiens. Alors tu rentres à l'auberge, mains dans les poches, tu vas te jeter sur ton lit et écouter de la musique, te vider l'esprit.
Tu rentres, t'avances dans les couloirs, il fait chaud. Tu te diriges vers ta chambre et là tu croises une silhouette qui ne t'es pas inconnue. Sid. Alors tu t'approches, tu le vois, un peu dépité le garçon. Tu t'avances encore. "Hé Sid, ça va?!" Tu lui lances avec un grand sourire. Ca t'fait plaisir de le voir.

Tu le sens triste le Sid. D'habitude il est plus enthousiaste, plus rieur. Mais t'oses rien dire sauf qu'il dit qu'il doit dire au revoir. T'es pas sure de comprendre. Ton coeur loupe un battement. "Au revoir, au revoir pour quoi? Tu pars où?" T'es soudainement prise d'une sueur froide, tu sais pas ce qui t'arrive, réellement, cette sensation est bizarre. T'as très bien compris en réalité, il est sur le point de partir mais tu préfères mettre les choses au clair, t'espères juste que comme toi il va se trouver un appart avec des coloc sympa, alors tu lui en parles. "Moi aussi j'compte partir de l'auberge, j'me suis trouvée des gens sympa." Tu souris. Un sourire angoissé, tu sais qu'il ne parle pas de ça. T'as mal au coeur.

Tu sais pas comment réagir. Aucun son ne sort de ta bouche. T'aurais jamais pu imaginer le départ de Sid. Ca peut paraître con, mais tu t'es attaché à ce garçon, même si votre première rencontre n'a pas été propice, tu tiens à lui. T'essayes de sourire. Alors oui tu souris, mais c'est pour mieux cacher ta tristesse. "Tu déconnes là?" Tu dis avec un sourire qui trahit ta pensée contraire. "C'est quoi cette décision précipitée, pourquoi maintenant?" T'as pas envie qu'il parte, pas maintenant, pas sur un coup de tête. Peut être qu'il s'est trompé, peut être qu'il te fait marcher ou peut être que c'est une façon de te faire comprendre qu'il veut plus te revoir. T'en sais rien, mais la seule chose que tu comprends pas c'est son départ.

je suis épuisé par ma journée et j'ai prévu un chouette programme pour ce soir. comme pour tous les soirs. j'essaye d'éviter le plus possible l'auberge depuis quelques temps, sinon éviter les heures de pointes, je paye pour presque rien, pis je devrais peut-être rendre mon lit, ça serait mieux. j'entre dans la chambre et vois sid, et pom. oh. salut. j'suis pas froid, je crois. ni très content. juste un peu triste, encore. peut-être amer aussi, j'y peux trop rien. pis je me tourne vers pom et lui souris. salut, pom. tu vas bien? pis j'attrape mon sac à dos pour y mettre quelques affaires ; des vêtements pour demain, mon chargeur de téléphone, ce genre de choses.

T'as la gorge nouée. Tu sais que t'es un peu impuissante face à ses désirs. "Ecoute" tu commences la voix quelque peu tremblante. "Tu peux peut-être te trouver un travail ici, je sais pas mais merde Sid tu peux pas partir comme un voleur, mais si c'était prémédité. T'as le choix de rester ou de partir, fais le bon." Et puis là, Fleur arrive. Comme ca ne t'étonne pas. Il arrive, il sait pas de quoi vous parlez, il est joyeux. Quelque part ca te fait sourire cette naïveté, mais d'un autre côté d'aimerait le gifler et lui ordonner de partir, c'est pas le moment. Mais tu te dis qu'après tout, ils sont proches Fleur et Sid, et t'as pas le droit de gâcher leurs "adieux". Alors tu te contentes d'esquisser un mince sourire en direction de Fleur. "Salut, oui ça va."

j'arrive pis il dit rien, il s'en fiche. bien sûr qu'il s'en fiche, j'ai bien compris. il me l'a dit. ou plutôt il l'a pas dit, pis c'est pire. je mets mets dernières affaires dans mon sac, en silence. tant mieux. pis on devrait se voir à l'occasion. pis pourquoi pas, je l'aime bien moi pom. il me fixe, pis mon sourire tombe. je reste muet un petit moment, immobile, mes yeux dans les siens. j'ai mal au cœur, mal à mon cœur. bon. bonne soirée. j'hausse les épaules, attrape mon sac et sors. je veux plus le voir, moi.

Tandis qu'il te répète pour la énième fois qu'il part tu sens de l'agacement dans son ton. Bon dieu mais tu le comprends pas ce gars, t'as l'impression d'être insignifiante, un grin de poussière parce qu'il suffise que Fleur décide de se barrer pour qu'il n'est d'yeux que pour lui. Il oublie que t'es là, toi aussi, accessoirement. Et c'est peut être la goutte d'eau qui fait déborder le vase. T'en as marre d'être la potiche, celle qui console, qui conforte, alors que t'es même pas sure qu'il ferait ca pour toi.
A présent ta gorge n'est plus nouée de tristesse mais de haine. De haine pour toi-même, pour Fleur, pour Sid, pour la terre entière. T'en veux à Sid de partir, t'en veux à Fleur d'être là, t'en veux à toi-même parce que tu te l'avoues pas qu'il te plait Sid, et que ca te déchire la poitrine de passer au second plan. T'étouffes là dedans. T'en peux plus. Alors t'exploses. "Tu sais quoi Sid?" Tu commences avec un ton empli d'énervement et d'amertume. "T'es qu'un putain d'égoïste." Peu importe les mots qui sortent, t'en a marre de te contenir. "T'oublie les gens qui sont la pour toi. Va pas me faire croire que y aurait personne pour te retenir ici. Pas moi, peut être mais lui (tu pointes du doigt Fleur) si." Tu prends une longue inspiration, tes yeux gonflés de larmes prêtes à tomber. "Alors au lieu de tourner constamment autour du pot, au lieu de te mentir à toi même, avoue le toi que tu l'aimes, cesse de vivre sur des regrets. Assume. Merde." Les larmes sont sur le point de jaillir. T'es en colère, t'es épuisée, fatiguée. T'as envie d'hurler, d'évacuer cette frustration qui te hante. Cette jalousie, cette déception. Tu cumules les émotions plus fortes les unes que les autres. Tu te laisses emporter par ta colère, alors que t'as toujours contrôlé ça jusqu'à présent.

il m'attrape le bras. je serre les dents. je n'me retourne même pas. j'veux pas le voir, j'veux pas voir son visage. je lève les yeux au ciel. bin c'est trop tard pour me parler maintenant, j'veux plus. pis moi j'ai rien à te dire. je tire un coup sec sur mon bras pour qu'il me lâche. je m'apprête à partir, je me motive, pis pom prend la parole et je me retourne. je me sens mal qu'elle me pointe comme ça. qu'elle m'accuse. elle m'accuse d'être mal, c'est un peu ma faute si on l'écoute. pis moi, j'me sens mal. je l'aime bien pom, pis j'veux pas qu'elle me déteste. y a rien entre nous pom, c'était rien, rien du tout. je la lâche pas des yeux, je lâche pas sa colère des yeux, j'voudrais bien effacer sa tristesse. j'le pense, y a rien. en fait, non, j'le pense pas. lui, il le pense. alors j'ai qu'à faire comme si je le pensais aussi, pis pom n'sera plus triste. elle a raison. y a des gens qui sont là pour toi, sid. elle est là pour toi. pis c'est pas vrai. moi aussi j'voudrais bien être là. mais faut pas, hein, faut pas. j'dois arrêter de rêver, j'dois sortir ma tête de mes nuages et avoir les pieds sur terre un peu. c'est pas bon de trop rêver.

Tu passes ta main dans tes cheveux, les agrippes. T'es essoufflée. Fleur te défend. T'es touchée. Tu l'as jamais apprécié Fleur, jusqu'à présent il t'a toujours énervé mais là, t'arrives pas à le détester, à ne pas l'aimer, il est doux, il a de la compassion alors ca te détend. Ca t'apaise. T'as pas envie qu'il souffre lui, il y est pour rien. "Très bien." Tu lâches sèchement à Sid. "Et tu penses à Fleur? Qui doit subir ton caractère lunatique? Tu sais pas c'que tu veux et lui? Tu penses à lui?" Première fois que tu prends ca défense, mais t'es tellement énervée que tu pourrais faire n'importe quoi. T'as la gorge sèche, les joues en feu, le coeur palpitant. Tu t'arrêtes plus. "J'men fous que tu me mentes, mais arrête de lui mentir, à lui." Tu articules froidement. Il faut que chacune de tes paroles s'impriment dans sa tête, qu'elles soient marquées. Tu vois bien qu'il s'en fout de te laisser toi, ce qui l'importe c'est Fleur, le reste n'a pas d'importance. Et ça, ça te tue.