Ton idée, c’est que les choses rares et fragiles sont belles sous prétexte qu’elles sont rares et fragiles. Mais c’est un mensonge, et tu le sais très bien.

▬ the fault in our stars (John Green)

Planté à 10 mètres, tu la fixes en silence, tes doigts jouant machinalement avec un briquet que tu as retrouvé dans ta poche. T'es tellement plongé dans ton truc que tu ne sens même pas la bague métallique, cette connasse qui devient brulante, appuyée contre ta peau, prête à laisser une trace qui se voudra aussi permanente que tes tatouages. Tu t'en fous, tu t'es pris une gifle, frappé en pleine tronche par le fait que t'es pas encore mort, que t'as pas tout vu, pas tout vécu, pas rencontré tous les gens qui changeront et marqueront ta vie. T'as une sorte d'épiphanie, c'est beau, c'est niais, tu t'en moques, tu tentes juste de réapprendre à respirer. Dans la lumière, il y a de l'or qui coule sur sa tête, le soleil s'emmêlant dans ses cheveux comme autant de morceaux de cristal, comme autant de particules de galaxie égarées. Tu sais pas pourquoi, tu sais pas qui c'est mais ça te serre la gorge, parce que c'est presque trop pour ta conscience foireuse et tes sens abimés. C'est surement parce que ça sort de nulle part, surement parce que ça n'aurait pas de sens ailleurs qu'ici et maintenant, surement parce que ça te prend de court, comme un coup de poing dans l'estomac. Tu la fixes sans réaliser qu'elle pourrait se sentir observé, sans réaliser qu'elle pourrait se retourner et capter que t'es là, à décortiquer chacun de ses traits, à mémoriser la grâce insolente qui émane de cette fille penchée sur son bouquin, offerte au monde. C'est beau. Elle est belle. Et toi t'es planté comme un con, à te bruler avec ton briquet, des éclairs dans le regard et un goût étrange dans la bouche.