pieds amochés par les kilomètres marchés, c'est un genre de repos que t'as trouvé à banff. le vent est frais, mais le soleil est chaud. dans une boutique, t'as piqué des lunettes de soleil en forme de coeur et des bonbons. t'es une lolita des temps modernes, whisky. une lolita alcool qui fait brûler sa peau au soleil. c'est silence de mort, cet aprem. c'est silence de solitude à la piscine.
et, franchement, ça te va.
louve solitaire.

la piscine. jamais t'aurais pensé y retourner, et si quand t'étais gamine tu supportais pas cette odeur chlorée, aujourd'hui tu la sens avec plaisir, te rappelant cette époque jusqu'alors oubliée. une époque d'aisance de vie, une époque révolue par la maladie. tu peux pas nager non. sans personne pour venir te secourir, ce serait du suicide. mais t'as juste envie de te poser sur le bord de l'étendue bleu-javel et d'apprécier, dans un petit maillot de bain à froufrous.
tu la vois, la belle brune au loin qui s'approche. mais si elle ne vient pas vers toi, t'ignores si t'iras vers elle. tu remarques dans son attitude que peut-être, il s'agit d'une louve solitaire. de quelqu'un qui cherche un quelconque réconfort en venant ici. tes béquilles tintent lorsque tu les rapproches de toi. voilà ce que t'es devenue : une infirme, une bonne à rien.

Spoiler:

t'arrives sans prêter attention aux gens qui sont là. y'a qu'une fille, près de l'eau, qui rêve. toi, tu rêves plus, c'est finit, ça s'est effacé comme les espoirs d'un avenir normal. t'es pas normale, t'es whisky, t'es un alcool fort qui brûle l'œsophage. tu l'observes nonchalamment à travers les coeurs de ces lunettes de soleil bon marché et tu laisses tomber ta serviette vieillit par le temps sur une des chaises longues. t'as la sucette dans ta bouche, le goût du sucré qui semble adoucir ton âme de dure à cuir.
alors, tu t'approches d'elle ou pas ?
ouais, tu fais quelques pas.
t'oses.
- t'as envie de faire trempette ?
il fait frais, c'est pas le temps idéal, t'as envie d'ajouter. tu vas choper un rhume, tu dirais. mais tu restes silencieuse, tu restes douce comme le sucre. enfin, t'essaie.
- il est mignon, ton maillot.
compliment marmonné.

t'as envie de tremper tes pieds dans l'eau fraîche, mais tu le fais pas. tu sais que t'auras envie d'y plonger le reste de ton corps meurtri et tu veux pas prendre le risque d'assujettir ton myocarde, de le déchiqueter devant ton impuissance indécente. tu remarques la belle brune avec ses lunettes de soleil en forme de coeur, et ça te fait sourire. tu repousses tes idées noires, comme t'en as l'habitude, préférant que tes démons viennent t'assaillir lorsque tu es seule et que tu peux te laisser aller à une incommensurable tristesse. vilénie. « oui. » tu murmures, des regrets dans la voix. puis tu fais un signe du menton en direction de tes béquilles qui ne te quittent plus. t'en peux plus. « mais je ne peux pas. » t'ajoutes, dépitée. « à moins que tu acceptes de me servir de bouée. » tu ris, jaune. t'as pas peur d'être jugée par les inconnus pour tes demandes abracadabrantes. tu sais même pas si t'y arriverais : tes jambes semblent bloquées. mais tu souris suite à son compliment. « et moi, j'adore tes lunettes ! » tu dis, tout un coup enjouée. tu tapotes à côté de toi, comme pour l'inviter à rester.