the bad touch

Tu traînais dans le bloc des appartements car dehors il faisait trop froid pour ton pauvre corps. Tu fais des allers-retours dans ces couloirs froids et sans vie, il n'y à personne et tu sens carrément seule. T'as juste envie d'un peu de chaleur, d'un petit coin pour poser tes affaires mais surtout te poser toi. Parce que t'en a marre de vadrouiller et tu te demandes comment tes jambes font pour te porter. Et soudain tu vois une porte ouverte, tu regardes autour de toi, toujours personne alors tu entres dans l'appartement. Tu fais le tour des pièces qui sont vides. Dans le salon trône un vieux canapé et tu t'allonges dessus. Un peu de confort ne peut te faire que du bien. Tu t'allumes une clope et tu fermes les yeux, t'espères que le proprio ne va pas venir te foutre dehors. Et puis vu l'état de l'appartement, il te semble que personne ne vis dedans.

Le sol est froid.
A l'entrée de l'immeuble, j'ai retiré mes chaussures, laissant mes pieds vagabonder sur le carrelage glacé. Et à chaque pas, mon cœur rate un battement, comme si les basses températures le terrifient. Mon corps est endormi, mon esprit n'est qu'à moitié éveillé. Je vacille ainsi entre les murs de cette bâtissent affable. Avec moi, je n'ai rien. Rien d'autre que la valise et la veste qui m'ont suivies à Baff. Banff. Deux syllabes qui glissent sur le bout de ma langue, cinq lettres qui tordent mes lèvres en un rictus. On dit que le ridicule ne tue pas ; le temps n'est pas à la moquerie, mes paupières bien trop lourdes me rappellent à l'ordre. Je monte les marches de l'appartement, arpente les couloirs à la recherche de la couche tant espérée. La clé en main, j'observe sans cesse les deux nombres gravés sur son fer, tachant de retrouver sur l'une des portes leurs jumeaux. J'hésite, je tâtonne ; puis fini par trouver. Devant moi, une porte grande ouverte et une brune bien à son aise. « Qu'est-ce que tu fous ? »

Peu à peu la chaleur engourdit tes membres, ça fait du bien. Tu es dehors depuis trop longtemps, faut vraiment que tu gagnes un peu d'argent pour pouvoir louer un appartement. T'observes la fumée qui sort de ta bouche, tu t'amuses même à faire des ronds et tu souris, comme une enfant. Tu pourrais rester là toute la journée, toute la nuit. Tu te sens à l'aise, au chaud, sans personne pour t'embêter, ou presque. Car soudain une voix te sort de tes songes et tu te redresses sur le canapé. Un inconnu se tient un peu plus loin, il a l'air contrarié et toi tu dois être chez lui. T'affiches un petit sourire, t'es un peu gênée tu l'avoues. Désolée, j'ai vu la porte ouverte. J'pensais que personne n'habiter ici. Tu te lèves et t'ouvres la fenêtre pour jeter ta cigarette, l'air froid te vient au visage, tu grimaces. T'as aucune envie de retourner dehors. J'voulais juste me réchauffer un peu. Tu le regardes, t'espères qu'il sera conciliant et qu'il ne te mettra pas dehors.

Des mots, des piètres excuses s'échappent de ses lèvres pincées. « Maintenant j'y habite. » Elle ouvre la fenêtre, je ferme la porte. Les courants d'air froids continuent leurs va-et-vient entre les murs blancs de mon chez moi. Je vacille jusqu'au canapé ; m'affaisse et, mime à l'identique les gestes de la brune en allumant à mon tour ma -dernière- cigarette. Le voyage a eu raison de ses sœurs. songeai-je. « Tu comptes squatter longtemps ? » Mes poumons avides de tabac aspirent et recrachent les vapeurs grisâtres ; le regard vitreux, je scrute la brune. Mes prunelles font le contour de sa silhouette, svelte et peu charnue ; elle a l'air d'une brindille sombre que l'on pourrait briser par un simple souffle.

Il ferme la porte d'entrée et s'installe sur le canapé, comme toi juste avant. Tu l'observes sans trop vraiment savoir quoi faire, t'es pas très à l'aise. Tu t'attendais pas à ce que quelqu'un arrive, du moins pas assez vite. Et celui qui est affalé sur le canapé ne semble pas très commode, normal, tu aurais réagi de la même manière en voyant une inconnue chez toi. Jusqu'à que tu me mettes dehors. Un petit sourire étire tes lèvres. Il t'observe alors tu fais de même. T'es pas du genre à fuir sous le regard des autres, encore moins sous celui des hommes. Et celui qui est en face de toi a l'air un peu sauvage, il a quelque chose de dur dans le regard. Il a un charme, tu ne vas pas te mentir. Tu refermes la fenêtre et tu t'assois sur le rebord. Au fond de toi tu savoures d'être ici, au chaud.

Je peux l'envoyer paître ; la mettre à la porte et, lui lancer un bonne nuit et à jamais. Pourtant, je ne fais rien, peut-être par bonté d'âme, surement par fainéantise. Si elle désire prendre racine, qu'il en soit ainsi. Je ne pipe plus un mot et, me délecte de la fumer qui descend le long de mon œsophage pour venir se nicher dans mes poumons. Au bout d'une minute -peut-être plus- mon regard finit par se détacher de son visage. Comme marqués au fer rouge dans mon esprit, je vois encore ses traits fins les paupières closes. « Tu sais qu'il n'est pas prudent de s'installer comme ça chez un étranger ? Je suis peut-être dangereux. » Au dernier mot, un piètre ricanement s’échappant du fin fond de ma gorge, comme bagnard on ne peut faire plus ridicule que ma personne.

T'es là, assise sur le bord de la fenêtre. Tu sens les courants d'air passer à travers les carreaux et tu frissonnes. Les appartements sont vieux alors l'isolation n'est pas top, ça te change de ton ancien chez toi, de ton ancienne maison. Tu poses tes yeux sur l'inconnu lorsqu'il te parle. Sa phrase se termine par un rire et toi tu souris puis tu le rejoins sur le canapé, sans gênes. J'ai pas peur, et puis t'as pas l'air d'un psychopathe ou quelqu'un dans ce genre. Tu t'installes comme si cet appartement était le tien. Tu sors une cigarette de ton paquet et tu l'allumes. Y'a des jours comme ça où tu passes ton temps à fumer, où ton corps demande une dose de nicotine plus importante que normalement. Tu revois encore ta mère te dire que ce n'est pas bien, que tu devrais arrêter. Mais peu importe, il faut bien mourir de quelque chose de toute façon. Tu tires une ou deux lattes puis tu reposes ton regard sur l'inconnu. Shae, et toi ? T'es curieuse de savoir son prénom, de savoir quelle histoire il va te raconter.