j'me gare en patron de bordel, ouvre la portière, pose doucement les louboutins sur le sol et glisse mes pieds à l'intérieur. non, j'conduis pas avec des louboutins, je conduis pieds nus, ça vaut plus le coup. j'place une vogue entre mes lèvres, l'allume en deux secondes. je prends mon sac sur la banquette passager, expire la fumée et me décide à lever les fesses de mon siège. « j'préfère à moitié à poil. » que je balance en me plantant devant lui. j'passe une main sur ma jupe en cuir, un poil provocatrice et lance un sourire qui se veut faux, et qui l'est. « alors, il est cool c't'appart' ? ou c'est le taudit canadien classique ? » en fait, je connais pas de taudit canadien classique, mais j'fais genre c'est le cas.

cette pic à peine arrivée ne m'atteint pas. j'lui balance un sourire encore plus hypocrite, et sans me décontenancer, j'réponds rapidement. « t'es trop bien foutu pour les boudins, j'te ferai changer d'avis bientôt. », la phrase est accompagnée d'un petit clin d'oeil, évidemment. c'est vrai, faut dire que quand un mec se retrouve avec une nana dans un appartement, seuls... y'a pas dix mille scénarios possibles, alors évidemment, que ça m'a traversé l'esprit. « au vu de tes chaussettes dépareillées, excuse-moi d'en douter. » non, aucun détail ne m'échappe, encore moins au niveau des fautes de goût. et puis on entre, j'éteins pas ma clope, j'la garde entre mes lèvres et j'me contente d'expirer la fumée dans l'entrée. tiens, une marche. « j'suis une pro des louboutins, c'est pas la première marche que je rencontre. » oui, un merci m'aurait arraché la gueule.

il a trop d'espoirs ce mec, le plus beau mec que j'ai eu à rencontrer... eh bien certes, je m'en souviens pas, mais non, c'est pas lui. il est beau hein, mais y'a quand même beaucoup mieux. du coup, j'hausse un sourcil et me contente d'un signe de la main du style "c'est ça, c'est ça, parle". et puis finalement, j'arrive dans un studio, plutôt grand. j'passe mon regard dans la pièce, je m'arrête pas sur Adrix parce que ce serait lui donner trop d'importance et puis finalement, il demande c'que j'en dis. « j'imaginais pas ça. » une phrase pouvant être aussi positive que négative. « tu veux quelle chambre ? » critère presque déterminant, j'avoue. quoi qu'on risque de s'retrouver souvent dans la même, en fin de compte. j'souris à cette pensée, j'trouve ça drôle.

hm hm, mauvaise réponse. j'suis pas contente pour une vulgaire salle de bain. « si tu m'autorises à y passer une nuit sur deux au minimum, c'est d'accord. si non, on va avoir un problème. » ouais, un gros problème. j'le regarde, hausse un sourcil. et puis oui, c'est clair, qu'on a meilleur gout que n'importe qui d'autre, de toute façon. « j'te préviens, on appelle un décorateur d'intérieur. » ça nous empêche pas de faire en fonction de nos gouts exceptionnels, et au moins, ce sera presque fen chui.

hm, non. fausse bonne idée. « l'idée n'était en aucun cas de me retrouvée harcelée par cinq adolescents en chaleur fan de world of warcraft, en mode "eh, eh madame, t'es bonne". » j'le regard, genre c'est évident. et ça l'est, j'sais pas. « mais comme toi, t'es presque aussi stylé que moi, l'option sexfriend peut potentiellement être ajoutée. » et puis finalement, il accepte. hein ? quoi ? pour le coup, j'suis surprise, il a réussi à me surprendre. il veut sa part du marché, pouvoir accéder à la salle de bain en tous temps. j'acquiesce à mon tour, de toutes façons, une fois qu'il m'aura vu nue, ce serait inutile de chercher à se cacher dans la salle de bain. et puis si je veux, au pire, y'a bien un loquet, non ? « évidemment que j'ai de quoi payer... » en fait, j'ai les moyens de payer pas mal de trucs et d'avoir une très belle vie, même sans vivre en colocation. seulement colocation égal plus de shopping.

un quoi ? un elfe de quoi ? hein ? sérieux, j'mets au moins 3 secondes à enfin capter qu'il parle de WoW. et quand j'comprends, mes yeux se ferment, j'expire tout l'air qu'il y a dans mes poumons. sérieux ? sérieusement ? j'rouvre les yeux, le regarde d'un air totalement blasé. « non mais... sérieusement ? » non parce que j'ai toujours trouvé ça bizarre. je suis curieuse hein, du coup j'ai déjà tenté c'machin, mais j'ai vraiment rien compris. c'est même pas une question de mauvaise volonté. j'suis diplomée de Stanford, on peut pas me dire que je suis pas intelligente, non plus. enfin, il finit par s'auto-complimenter, et j'peux le comprendre. étant une adepte de ce genre de pratiques également. il finit par me donner des papiers et en profite pour me balancer une pic. « non, c'est la fin du monde, regarde j'en tremble. » que je dis, en agitant ma main tout près de son visage, au niveau de ses yeux. avant de finalement signer après avoir survolé un petit peu le contenu. non parce que j'ai pas un master en droit pour ne pas lire les contrats qui risquent d'être bizarres ou quoi. « adjugé. j'peux emménager dans deux heures ? » ce sera fait, j'aurai plus qu'à poser mes 7 valises dans ma chambre à mi-temps et voilà.

il s'marre comme un con parce que je prends un air choqué. j'le fusille du regard un instant, avant de lui lancer : « tu serais capable, avec ton bâton magique bizarre. » et non, j'parle pas de sa bite. j'imagine juste son bâton de sorcier là. il a dit qu'il était quoi déjà ? sorcier non ? j'sais pas, j'm'en fous à vrai dire. c'est à peine quelques minutes après être rentrée dans le studio que j'lui demande quand j'peux m'installer, il me dit que j'peux m'installer quand ça me chante, en gros. que lui, il est déjà installé depuis hier soir. j'lève les yeux au ciel, quel enfoiré quand même. et puis, il essaie de me vendre ma propre chambre, genre j'ai un dressing dedans. « ça suffira sans doute pas, mais j'ai tout ce qu'il faut. » j'ai tout prévu, pour mes fringues et mes chaussures, par dizaines de milliers dans ma chambre d'hôtel, tout ranger soigneusement, soit dans des boites, soit dans des sachets plastiques histoire que rien ne s'abime. moi et mes vêtements, la plus belle des histoires d'amour. « bon, bah j'reviens plus tard alors ! » que je balance, prête à tourner les talons.