Elle ressemble à ces filles dont on tombe amoureux sans se poser de questions.

Le vent caresse tes cheveux, recouvrant une partie de ton visage. T'as les mains dans les poches arrières de ton jean, et tu regardes au loin, silencieuse, immobile. Tu es seule au monde, libre . . enfin.

Ses cheveux se mêlent au vent exprès pour me charmer. Elle a un visage trop beau pour ce soit permis par celui qui dirige le monde, et pourtant, je ne vois que des morceaux d'elle. Entrecoupés par des cheveux venteux. Intermittences. Alors j'approche, je l'approche.
- Salut.
C'est comme ça qu'on commence une histoire d'amour avec une fille ?

Un son attire ton attention. Tu détournes le regard, le posant sur ton interlocuteur mais ta vue est faussée par ces cheveux qui recouvrent la moitié de ton visage. De tes doigts fins, tu passes une mèche rebelle derrière ton oreille. « Salut. » répondais-tu en lui accordant un sourire.

- Salut
elle dit. Elle a une voix ... Je pourrais pas dire ce que ça fait. Les autres ils te diraient, elle a une voix claire, sincère, ou je sais pas trop quoi. Moi je suis pas capable de te dire quoi que ce soit sur sa voix, sur son salut balancé comme ça entre nous. J'ai pas les mots.
Ses cheveux font toujours barrage entre nous, ça suffit. Je m'impatiente et je balaie son visage de mes mains, j'offre ses traits au monde. Et je dis
- Bonjour.
Enfin à visage découvert.

T'es comme une âme perdue, tu flottes dans ce vent. Et puis des doigts viennent dégager ton visage, éclaircir ton regard. Tu le regardes, amusée, les traits marqués. Il n'est pas comme les autres, penses-tu en restant un moment silencieuse. Ton regard croise le sien, scrute son âme, tenté de dévoiler ses intentions. Sont-elles pures ou noires ?

Soudain il n'y a plus que son silence qui la caractérise. Peut-être que j'ai mal fait. Peut-être que je m'y suis mal pris, à la saluer deux fois de suite, à déblayer son visage des envahissements capillaires, peut-être que je ne sais pas faire avec les filles depuis le temps, et puis celle-là, elle est pas comme les autres parce que la dernière fois que j'ai abordé une fille j'avais pas le même regard.
Un enfant ça vous change un homme, pour de vrai.
- Pourquoi tu me regardes comme ça ?
J'aimerais qu'elle me dise « t'es beau ».
Parce qu'on me l'a jamais dit en fait.

Non Sura, non tu n'étais plus la même. Il n'y avait Plus cette innocence dans ton regard, cette petite étincelle. Peut-être avait-il compris, deviné, puisqu'il te demandait pourquoi tu le regardais de la sorte. C'est vrai, pourquoi avais-tu ton regard plongé dans le sien. Tu haussais les épaules. Il était déroutant, ou peut être es-tu simplement déroutée pat la vie, tout simplement. Et toi, pourquoi me regardes-tu comme ça ?, à vrai dire tu ne savais pas quoi répondre d'autre. Tu pinçais tes lèvres, nerveuse à l'idée qu'il puisse t'avoir reconnue.

On m'a dit pleins de choses. On m'a dit que j'étais mignon, on m'a dit que j'étais attirant, on m'a dit que j'étais un bon coup, on m'a aussi dit que j'étais un connard, un salaud, un enfoiré de merde. Mais pas beau, jamais beau. Je sais pas ce que ça donne, Tom et puis beau dans une même phrase.
- Et toi, pourquoi me regardes-tu comme ça ?
Ce sera pour une autre fois, une autre fille.
Elle me pique le cœur, sa question, je m'y attendais pas et puis j'ai rien à répondre. Je la regarde parce qu'elle est belle mais je peux pas lui dire, ça bloque dans mon cœur, ça bloque dans ma gorge.
Putain.
J'ai les mots noués.
- Bah, je ... J'sais pas, en-enfin ...
Minable.

Tu l'as pris de court, et sa réaction n'est pas celle que tu redoutais. Soulagée, tu te laisses aller à sourire, à rigoler. Laisses tomber, va. Non Sura, tu ne voulais pas l'enfoncer, ou le mettre d'avantage mal à l'aise. Posant tes mains dans les poches arrières de ton jean, tu haussais les épaules. On va dire qu'on admirait la beauté l'un de l'autre pis c'est tout.

Pauvre moi, à peine les mots pour dire à une fille qu'elle est jolie, sauf si c'est pour s'en aller en courant après, rentrer à la maison comme un enfant. Elle sourit, c'est que ça doit être drôle de me voir patauger dans mes auxiliaires et mes pronoms.
- Laisse tomber, va.
Oui, je laisse, ça tombe.
- On va dire qu'on admirait la beauté l'un de l'autre pis c'est tout.
Mes hésitations et autres balbutiements se transforment en un sourire pour la faire rire. Ou pas trop. J'ai perdu de mon talent.
- Ah tiens tu m'trouves beau, maintenant ?
Mode drague on, j'ai l'impression. J'ai retrouvé le bouton.