|| PAPER TOWNS.

le supermarché est désert, c'est bizarre. le fait qu'il soit presque vingt-trois heures doit y être pour quelque chose. il fait tout noir dehors. et dedans, tout est inondé d'une lumière blanche dégueulasse. art a pas envie de rentrer mais il crève de faim et sam aussi. ils doivent bouffer s'ils veulent continuer à voyager sans problème. il soupire. il est sur le parking, comme un fou, tout droit, ose pas entrer. il prend son courage à deux mains. entre dans le chuintement - pfffff - des portes coulissantes. le caissier le regarde en coin. “ bonsoir. ” dit-il machinalement avant de disparaître dans les rayons. cinq minutes plus tard, il est à la caisse et regarde les chips, les biscuits et la bouffe pour chien passer sous le laser. bip, bip, bip. pas un sourire du caissier. onze dollars cinquante-six. pas de problème. art fouille dans ses poches, sort un vieux dollar et une pièce d'un. il trouve six cents, pas les cinquante restants. merde. il devient rouge. il panique. il tremble. y'a des gens derrière lui qui font la queue. ils vont s'impatienter. et le tuer parce qu'il est tard et qu'ils sont fatigués. il va mourir de honte. putain art, sont où tes cinquante cents ? le caissier reste impassible mais il voit sur sa lippe un sourire moqueur. salaud. art regarde par-dessus son épaule. articule un sourire difficile. “ vous auriez pas cinquante cents pour moi ? ” finit-il par marmonner, bougon.

il est vingt-trois heures. et j'ai faim. si faim. faim comme si j'allais crever la dalle, comme si j'avais pas mangé depuis trois jours. j'suis un estomac sur pattes, j'ai toujours faim. alors dans la nuit noire, je sors de ma tente. je prends pas la peine de m'habiller décemment parce que j'me dis qu'à cette heure là, les gens biens sont endormis et les gens bizarres ne feront pas attention à moi. ils passent pas leur temps dans les supermarchés, eux. un vieux short et un pull pris à l'aveugle dans mon sac, et je suis en déroute dans les rues de banff. les étoiles éclairent presque plus que les lampadaires. et je me rends compte que j'ai pris un pull bariolé de couleurs.
oh et puis j'm'en fous.
j'entre dans le magasin puis je me dirige instinctivement jusqu'au rayon gâteaux. des dizaines de paquets se profilent devant moi. j'en ai déjà l'eau à la bouche. j'en prends trois, ayant pris soin de vérifier qu'ils contenaient du chocolat.
le chocolat, c'est toute ma vie.
après mes clopes.
j'arrive à la caisse. au début, j'fais pas gaffe. je regarde autour de moi, j'observe. les gens fulminent derrière moi, je comprends pas vraiment pourquoi et je cherche pas à savoir. puis je capte, l'inconnu devant moi ne va pas assez vite pour eux. j'ai envie de leur dire qu'il faut qu'ils se calment, que c'est pas cinq minutes dans leurs putain de vies qui vont les achever. mais j'me tais, et j'observe le gars.
il demande cinquante cents.
de toute façon, j'avais déjà la main dans ma poche pour en tirer la monnaie nécessaire. tiens. je dis avec un sourire aux creux des lèvres, espérant qu'il fera disparaître sa gêne.

putain, putain, putain, ils le regardent tous. art a envie de leur dire que c'est bon putain, ça arrive. c'est des conneries qui arrivent. la fille derrière lui doit aussi penser ça, vu le léger sourire qu'elle lui accorde en lui filant une pièce. les pomettes d'art s'enflamment de plus belle. “ merci. ” mâchonne-t-il en lui tournant brusquement le dos, lançant la monnaie sur le comptoir. le caissier ricane légèrement, encaisse, lui tend un ticket. art le froisse et lui lance à la tête. “ va te faire foutre. ” grince-t-il. il est tard. il a conduit toute la journée. et il sent les regards qui lui brûlent la nuque. ça l'énerve. en partant, il jette un regard à la jolie fille. il est sur le point de s'en aller sans demander son reste mais au final, il l'attend devant le supermarché, sous la lumière glauque d'un réverbère. jeez art, sois poli pour une fois, se dit-il. elle va le prendre pour un creep. quand les portes coulissent - pfffff - et qu'elle sort, il s'avance d'un pas. il manque de faire tomber les trucs qu'il a dans les bras. “ merci beaucoup. j'voulais pas vous déranger mais... err. ” grimace. “ merci. ” on dirait un disque rayé.

non... finalement, mon sourire n'a pas l'air de l'aider. bon, pour la bonne action du jour, on repassera. d'ailleurs, c'est à peine si j'entends le mot qu'il me lance en guise de remerciement avant qu'il ne se retourne pour s'adresser au caissier.
il est peut-être de mauvaise humeur.
mon hypothèse se confirme lorsqu'il lance impunément son ticket de caisse à la figure du caissier doublé d'une insulte. je lâche un petit rire.
lui, je sens qu'il va me plaire.
les gens derrière moi commencent à s'indigner d'un tel comportement, "ce brave homme se sacrifie à faire un travail de nuit, il mérite le respect, c'est la moindre des choses tout de même!". ta gueule. je leur lance un bref regard avant de payer mes quelques articles. les gens sont graves. je sors du magasin, ruminant la situation passée. une voix m'interpelle et je tourne la tête en sa direction. tiens. t'inquiète, c'est rien. t'as fait fureur, je suis prête à parier que tu seras la vedette de la ville pendant au moins 48 heures. faut plus que tu sortes seul. je coince mon sachet de provisions sous le bras afin de sortir mon paquet de cigarettes et mon paquet d'allumettes. ouais, on fait avec les moyens du bords. je décoche le petit couvercle pour pouvoir retirer le précieux sésame, puis je pose mes yeux sur lui. t'en veux peut-être? j'ai pas l'habitude de partager. mais là, j'veux bien faire un effort.

il espère qu'elle va pas s'enfuir en courant, sinon il est mal. il doit faire vachement peur. grands cernes noirs, sous ses yeux noirs, cachés par ses cheveux noirs dans le noir de la nuit. pourtant, sa voix, elle, est blanche. retenue. hésitante. presque... presque timide. en entendant la jeune femme, un sourire vient tordre sa lippe et il ne peut pas s'empêcher d'arquer un sourcil vaguement provocateur : “ faut plus que je sois seul ? serait-ce une proposition ? ” le sourire, arqué en coin comme un rictus, redevient plus doux. la honte est loin derrière lui maintenant. il la regarde ouvrir le paquet de cigarettes, se dit qu'il aurait dû prendre les siennes dans sa voiture. il est sur le point de prendre congé quand elle lui propose une clope. nickel. “ avec plaisir. ” marmonne-t-il en se rapprochant lentement, après une légère et légitime hésitation. nouveau sourire en coin quand il voit les alumettes, il tapote ses poches jusqu'à en extirper son briquet. “ mais laisse moi allumer. ”

les allumettes cognent contre leur prison de carton. ce son me calme et m'apaise dans l'hostilité de la nuit. je m'assois contre le mur près de moi, celui qui soutient le bâtiment où la consommation règne en maître. mon paquet de cigarettes, mon sac et ma boîte d'allumettes à côté de moi, je lui tend une clope. peut-être. qui sait? ça me fait sourire. j'ai pas vraiment réfléchi à mes paroles mais si il veut y trouver un sens... ça me gêne pas le moins du monde, moi. il sort son briquet de sa poche et je me sens sauvée. parce que d'une, allumer une cigarette avec une allumette, c'est pas pratique pour une fille qui a deux mains gauches comme moi, et de deux, ça fait vraiment con. un nouveau sourire vient illuminer mon visage. ah, merci ! puis je lui tend à nouveau ce qui me fera crever un jour ou l'autre pour qu'il allume ce qui encensera mes poumons et me fera sentir encore plus vivante.

art ne peut s'empêcher de ricaner discrètement en l'entendant, la rejoignant à côté du mur, ayant un temps d'hésitation avant de se laisser glisser à son tour, assis en tailleur sur le sol sale. il fait rouler la molette du briquet. ptt. claquement sec. la flamme jaillit, éclaire le visage de l'inconnue alors qu'il allume sa cigarette. elle lui en file une, il la glisse entre ses lèvres et l'allume elle aussi. il prend la peine de tirer une longue latte, de celles qui te brûlent la gorge indéfiniment, de celles qui te donnent envie de tousser même si ça fait des années que tu fumes, et il expire tranquillement la fumée. la regarde s'élever lentement. “ c'est sympa ? ” il se tourne vers elle. “ banff. les gens, la nuit, ils sont jamais sympas donc j'peux pas me faire d'idée maintenant. ”

je laisse la fumée s'échapper lentement d'entre mes lèvres tout en réfléchissant à sa question. ça veut dire que j'suis pas sympa alors? je dis tout en faisant la mine d'une fille choquée. au fond, ça m'étonnerait pas qu'il me trouve antipathique. et si c'est le cas, tout à l'heure je pourrai inscrire son prénom à la suite d'un tas d'autres. mais il faudrait encore que je sache comme il s'appelle.
banff, c'est compliqué. autant la nuit que le jour. c'est un casse-tête permanent qui ne te lâche que quand tu l'as quittée. mais c'est comme une femme à la beauté fatale. on y résiste pas longtemps. mais ouais, c'est sympa ! c'est même plus que ça. les moindres recoins de cette ville respire la vie. mais ça, je n'ai pas besoin de lui dire. il le sentira tôt ou tard. y'a pleins d'endroits cachés, tu vas t'y plaire. c'est sûr. comme tout le monde. c'est un mythe, personne n'est jamais parti déçu de banff. enfin, je crois. en tout cas, je tire une nouvelle fois sur ma cigarette, appuyant ma tête contre le mur et livrant mon visage au spectacle des cieux.

ses traits se plissent, il grogne et se corrige, précipitamment : “ si, si, t'es sympa, oh mon dieu, t'es même adorable. je voulais pas dire ça. je parle des gens ordinaires, tu vois. qui te regardent mal quand il te manque cinquante centimes. ” puis elle lui parle de banff. art est plutôt sceptique. il est arrivé il y a une poignée d'heures, sans savoir par où, sans savoir comment. juste sa voiture, son bicot, qui roulait, roulait, roulait et là paf, panneau : bienvenue à banff. la fille lui en vante les mérites. “ moi j'aime pas les endroits cachés. c'est fourbe. ” proteste-t-il avec une grimace (un peu peureux, il sursaute pour un rien, très supersitieux, il n'aime pas les endroits dans l'ombre et cachés). “ enfin, j'sais pas. il y a l'air d'y avoir un sens de la mode bizarre, à banff, aussi. ” finit-il par sourire en coin, désignant d'un coup de menton négligent la tenue de la jeune femme, qu'il imagine sans peine inhabituelle. enfin... il espère.

un petit sourire s'affiche sur mon visage lorsqu'il se reprend. après tout, j'ai sacrifié cinquante centimes pour lui ainsi que dit adieu à ma réputation de gentille fille en lui portant secours. mais pour tout dire, c'est bien le dernier de mes soucis. oh. oui, je vois... mais tu as très bien réagi. vraiment. parfaitement même. ces gens ont parfois besoin qu'on les remette à leur place et cet inconnu a très bien joué le rôle. ça m'a fait rire. c'est quelque chose dont je me souviendrai.
mais peut-être que tu apprendras à les aimer, un jour. il le faut. j'arrive pas à me dire que certains endroits sont fourbes. ni à me dire qu'il ne les aime pas. si tel est le cas, je me complais dans la fourberie et ça serait mauvais pour moi. puis je baisse les yeux sur ce que je porte actuellement et lâche un petit rire. j'avais oublié que je ressemblais à un arc-en-ciel mal accordé. oui. j'avoue, c'est moche. mais j'étais pas censée rencontrer quelqu'un aussi. j'ai l'impression d'être un clown. mais au moins, on me voit dans le noir et je risque pas de mourir écrabouillée par une voiture... c'est un point positif, non? t'aimes pas? c'est moi qui l'ai tricoté. c'est pas vrai, je sais même pas comment tenir une aiguille. sois pas jaloux, je t'en ferai un aussi ! il va sauter de joie, j'en suis sûre.

art ne peut s'empêcher de grimacer, quand il repense à sa réaction - vive et spontanée, malheureusement incontrôlable - devant la moue méprisante du caissier et puis les sifflements énervés des autres clients, oh, et la tension qui allait crescendo et puis le stress, bon dieu, le stress de commencer une nouvelle vie, d'en abandonner une autre. “ ouais... c'est pas mon genre, tu sais. j'suis un gentil garçon. ” il glisse un sourire vers elle timidement, comme on glisse sa mise au poker quand on bluffe : sans regarder dans les yeux et avec une nervosité grandissante.
il hausse les épaules à sa seconde remarque. sa phrase a un allure de définitive qui le dérange, car elle veut peut-être dire qu'il est coincé à banff ? merde, il était pas au courant qu'on pouvait pas quitter la ville. il est que de passage, art. anxieté. anxieté qui disparaît dans un éclat, en l'entendant dire qu'elle a elle-même tricoté son pull. mon oeil. “ si si, j'adore. ” dit-il d'un ton si mielleux et moqueur, qu'il ne peut être qu'hypocrite - et ça s'entend. “ oh, ça. faudrait qu'on se revoie. ” petit clin d'oeil en coin. il sursaute, finit par lui tendre une main ouverte. “ d'ailleurs, moi, c'est art. et toi, c'est quoi ton nom, ma sauveuse ? ”

je repense à tout ça. il me dit que d'ordinaire, il est plutôt gentil garçon. et je pense qu'on aurait vraiment pas dit. non, vraiment pas. ça me dérange pas... cette attitude t'allait plutôt bien. il avait l'air plutôt sauvage, ça lui donnait un certain charme, une aura bienveillante. mais après tout, ce n'est que mon avis. d'ailleurs, les gens qui attendaient derrière nous ne devaient pas penser la même chose. aaah, je me disais bien. qui peut ne pas aimer un tel chef-d'oeuvre? note à moi-même : donner ce pull à une organisation caritative une fois rentrée. ou le jeter dans le feu, au choix. oui mais ça c'est obligé. si tu crois que tu vas te tirer avec mes cinquante cents, tu te mets le doigt dans l’œil mon petit. encore une fois, c'est faux. je m'en fiche de ces cinquante cents, moi. qu'il les garde. de toute manière, s'il me les rendait, je ne les accepterai pas. et j'espère qu'il l'entend à mon ton, parce que plus ironique que ça, y'a pas. la sauveuse s'appelle diane. art, c'est beau comme prénom. c'est pas commun. c'est artistique, au moins. alors je pose la main dans la sienne. ravie!

il est plus andrew clark que john bender, en vrai, vraiment pas rebelle cet art. il a le coeur qui bat à cent à l'heure dans sa poitrine, rien qu'à repenser à son culot d'il y a une dizaine, une vingtaine de minutes maintenant. “ tout pour assurer le spectacle. ” sourit-il en coin. il penche la tête vers elle, genre confession. “ en vrai, j'ai encore des palpitations. ” il grimace légèrement. petit coeur mal accroché, grand rêveur trop impulsif. ne peut s'empêcher de ricaner jaune, en l'entendant. plus piteux qu'autre chose : il ne sait pas trop si elle rigole. il n'a jamais été bon avec le second degré, alors le troisième... “ haha, oui... mais tu sais, normalement, ça m'arrive jamais. c'est la première fois que ça m'arrive en fait. vraiment. je voulais pas t'embarasser et tout. ” on dirait qu'il va se mettre à pleurer, tant il stresse, tant il parle vite. diane. diane, c'est magnifique. diane, elle se perd dans les étoiles et elle chasse jusqu'à ce que son frère lui succède. diane. il lui serre fermement la main, genre viril, genre bad boy, genre pas naturel du tout. “ diane, c'est un prénom trop beau, ça, diane. c'est trop mythologique. ” il a des étoiles dans les yeux. il joue pensivement avec les paquets de bouffe pour chien et de gâteaux qu'il a posé à côté de lui, avant d'ouvrir ses p'tit lu et de lui en proposer un ou deux. “ tu savais que genre y'avait un mec, il a surpris diane toute nue un jour, tu vois, genre gros vicelard. et elle l'a transformée en cerf avant de lancer ses propres chiens de chasse contre lui. ” soupir énamouré. “ t'as le meilleur prénom du monde. félicitations. ”

tout à l'heure, il m'a dit qu'il était plus gentil garçon que le contraire et en fait, maintenant, je le crois. il a encore l'air bouleversé par ses déboires passés. néanmoins, je reste persuadée qu'il a ça dans le sang : la répartie, l'impulsivité. il l'a tellement bien fait. oh mon petit chou... dis-je avant de lui ébouriffer les cheveux. je déteste ces mots "petit chou" ou "chou" tout court. c'est moche. ça devrait pas exister. mais j'aime bien le dire aux autres, en plus là, je suis sincère. j'ai quitté quelques instants l'ironie des mots. et puis non, il ne m'a pas embarrassée, j'ai été ravie de participer à son petit spectacle. tu sais, comme celle qui monte sur scène lorsqu'un chanteur lui fait signe de venir avec un petit clin d’œil, discretos. ouais, c'est un peu ça !
ensuite, il me parle de mon prénom. il a l'air d'aimer. il faut bien que quelqu'un aime à ma place parce que clairement, mon nom, c'est pas l'amour de ma vie. enfin, j'm'en plains pas. mouais... j'aime pas vraiment. j'ai dit ça d'une petite voix, pas trop sûre de moi. j'aime pas dire ça. pourquoi je le dis, d'ailleurs? il me propose un gâteau. vraiment, je peux pas refuser. j'en prends un, je voudrais pas aller trop loin en en prenant un deuxième. de toute façon, j'en ai pleins dans mon sac aussi, faudra qu'on partage. merchi, c'est bon! je dis, tentant d'articuler le mieux possible sans en mettre de partout. il me fait rire quand il me raconte le mythe de diane. de diane la déesse. ouais, pauvre actéon... cf. le mec qui s'est fait bouffer par les chiens. et tu sais quoi? il m'est arrivé la même chose qu'elle. mais chut hein. bon, à quelques exceptions près. je me suis déjà retrouvée toute nue dans la nature, mais c'était pas vraiment voulu. et j'ai pas fait tuer ceux qui m'ont vue non plus. dans ma phrase, c'est censé être plus glorieux. m'enfin, ce ne sont que des détails. détails que j'omets quand je sens ma main se serrer dans la sienne. il est peut-être sensible mais il a une sacré force! merci. et toi, on pourrait faire des poèmes et des livres sur ton prénom. j'essaierai un jour! genre poème de CE2. je lui en ferai juste pour lui prouver que art, c'est mieux que diane.

elle lui ébouriffe les cheveux en l'appelant son petit chou et il grogne audiblement, gêné et amusé à la fois, en faisant mine de se reculer. une fois qu'elle a retiré son insolente main, les paumes moites d'art se mêlent à ses mèches brunes pour les arranger tel qu'il l'entend. “ ne m'appelle plus jamais comme ça. ” finit-il par gémir, plaintif, après avoir ébouriffé un mieux ses cheveux avec une science inexacte vue l'absence totale de miroir. il espère qu'il ressemble pas à un épouvantail. ou à un petit chou.
il est en train de grignoter son petit biscuit quand elle lui révèle qu'il lui est arrivé la même chose qu'à la déesse. il est à moitié en train de s'étouffer de rire et ne doit son salut qu'à une énorme toux très peu sexy et très beaucoup handicapante. il imagine vainement la scène. “ va falloir que tu m'expliques, là. ” lâche-t-il entre deux hoquets. “ comment, pourquoi, et où. ” il glisse un regard vers elle, amusé et plissé, en déposant les gâteaux entre eux. il en reprend un. il ne peut s'empêcher de rire doucement en l'entendant. diane, c'est le genre de fille trop spontanée qui l'adore, décrète-t-il. “ ouais, et des haïkus. j'ai hâte de voir ça. tu me tiens au courant, hein ? ” il ne peut pas s'empêcher d'être un peu moqueur. “ te sens pas obligée, hein. art, ça rime qu'avec heart et smart. ” silence. “ et... bah, fart. ” il lève les yeux au ciel vers les étoiles. art the fart. “ vas-y, improvise moi un truc là. ” la défie-t-il.

apparemment, mon petit surnom affectif ne lui a pas plu. j'ai atteint mon but et ça me fait un peu rire. pardon. je m'excuse, telle une petite ingénue qui ne pensait pas mal faire mais au fond, ça continue de me faire sourire. puis il essaye de se recoiffer, et ça m'amuse encore plus. ça me rappelle un ami que j'avais avant, qui se recoiffait en voyant son ombre sur le mur. mais ouiii, t'es beau, t'inquiète pas ! puis je réalise que j'aurai pas dû parler de ma petite aventure digne de diane la déesse. il veut en savoir plus. bon, j'aurai dû m'en douter mais sur le coup, j'ai pas trop réfléchi. en plus, il s'étouffe à moitié avec son petit lu alors ça me fait encore plus rire et ça m'incite à lui raconter la suite. je sais pas, j'étais pas dans mon état normal... je crois qu'on campait dans un coin paumé et le matin, je me suis retrouvée toute seule sans rien. mes amis étaient plus là... et ils avaient mis tous mes vêtements en haut d'un arbre. mon dieu, rien qu'en revoyant la scène, je me sens conne. mais en même temps, c'était drôle. un peu moins quand je me suis fait surprendre, mais bon... pour me rassurer, je lui demande ça t'ait jamais arrivé des trucs comme ça? ça me rassurerait vraiment. puis pour les poèmes, j'suis pas très douée. pfff, ok... je vais essayer. mais c'est bien parce que c'es toi. ça va être un carnage. je vais encore plus me ridiculiser mais bon, au point où j'en suis, on peut pas faire pire. pour me donner du courage, je finis de manger mon gâteau puis je réfléchis, plissant les yeux. art aime aller à walmart, pour acheter des dart, il les met dans son cart sauf qu'après il a plus de monart (mélange money+art) alors il en prend à un cat (moi) et se fait pardonner en donnant une tart parce qu'il est smart et qu'il a un grand heart no comment, le pire c'est que je rigole. je me moque de moi même. dans quelques années, ce poème sera célèbre, j'en suis sûre ! hé oui, trop de talent en moi, que veux-tu.

il savait pas trop à quoi il s'attendait. en tout cas, certainement pas à ça. sans grande surprise, l'anecdote de diane eut le don de le faire rire encore plus, si bien qu'il ne pouvait plus s'arrêter et prit rapidement la jolie teinte rouge d'une tomate. si ce n'était le sourire dément qu'il avait accroché aux lèvres, on aurait pu penser qu'il était au supplice. ses côtes lui faisaient mal. “ quoi, à moi ? non. je suis un mec véritablement ennuyant. la chose la plus folle qui me soit jamais arrivée, euh... j'ai dîné à côté de sharon stone un jour. voilà. ” il lève les yeux au ciel. il menait véritablement une vie trépidante avant de prendre la route.
il sourit, presque compatissant, quand elle lui révèle qu'elle va lui improviser son poème là en direct - et ne peut s'empêcher de glousser nerveusement sous sa respiration quand elle cherche, et trouve, ses vers. art fait de son mieux pour ne pas prendre une expression méchante ou franchement sardonique, de peur de la vexer. c'est incroyablement attendrissant et hilarant. vraiment. “ j'en doute pas, t'es trop talentueuse, diane. je vais l'écrire partout, ton poème, tu verras. succès immédiat. ” il ne peut pas s'empêcher de rire entre chaque mot, il n'a pas l'air très sérieux. “ t'es née avec ce don de la rime ou... ? ”

il a un rire communicatif. j'aime bien son rire. du coup, ça me fait rire aussi. je suis en train de me foutre de moi-même, mais ça me gêne pas. ça m'arrive souvent, c'est ce qu'il faut faire si on veut pas déprimer dans ce bas monde. sérieux? on dirait pas. tu caches bien ton jeu dis donc... t'as d'autres secrets comme ça? primo, le coup du garçon rebelle. deuzio, le coup du garçon ennuyeux. j'en viens à me demander si c'est pas un coup monté. les apparences sont parfois trompeuses, à l'écouter. dans ma tête, je me dis que si on vient à se revoir, je lui ferai des coups comme ça. au moins, il saura ce que j'ai ressenti. c'est une sorte de partage, c'est ça, non, le but des relations entre êtres humains? ah ouais?! à ton tour de raconter. sharon stone. rien qu'en entendant son nom, je pense à une vieille femme toute siliconée. lèvres et seins refaits. rides comblées. peau liftée. si c'est le cas, j'espère qu'il lui a vomi dessus. comme je suis gentille, je te filerai la moitié des bénéfices... oui, tellement qu'il va faire vendre, ce poème va nous faire amasser des millions. il aura plus besoin de demander 50 cents à la caisse, et on sera plus là, assis par terre comme des clochards. mais quand même, la pauvreté, ça a du bon. sinon, j'aurai pas connu art. c'est un don de la nature. il coule dans mes veine, tu peux pas test. c'est bien connu. j'ai même un don pour le rap.

art adresse à diane un petit clin d'oeil qui se veut aussi mutin que mystérieux. “ oh, diane, tu ne connaîtras jamais toutes mes facettes. je suis un homme très ténébreux et mystérieux. ” susurre-t-il, en arquant un sourcil presque provocateur, avant de lâcher un énième rire nerveux. “ bah écoute. elle était pas très belle, les seins presque dans l'assiette et le botox qui débordait de partout. ” il hausse les épaules. il était vraiment nul pour raconter les histoires, de toutes manières. ou pour faire des rimes. et, honnêtement, diane l'avait vraiment soufflé. c'était juste que son propos lui semblait... délirant. art éclate de rire quand elle parle déjà de bénéfices, puis il hoche sérieusement la tête en se redressant sur son séant. “ écoute, tu sais quoi, on fait un pacte. ” il se déplace pour se mettre face à elle, assis en tailleur dans un rayon pâle d'une lune timide. un sourire éclaire mieu son visage que tous les astres de la galaxie. il tend la paume vers elle, pour qu'elle en fasse autant, avec un air presque cérémonieux. “ je vends ton poème partout où je peux et on partage le tout. je deviens ton agent et tout. serious business, hein. pas de connerie, faut que tu sois prête à assumer ça : ta prochaine célébrité et tout. hein ? ”

je fais la moue. moi, j'aimerai bien connaître toutes les facettes de sa personnalité. moi, je veux toujours tout connaître, tout savoir. voler trop près du soleil quitte à me brûler les ailes. mais euh... je dis, à l'image d'une gamine capricieuse qui n'aurait pas ce qu'elle veut. puis il me décrit la femme renommée à côté de laquelle il a dîné. et j'y pense, il devait avoir de l'argent, art, pour manger dans un restaurant digne du porte-monnaie et de la célébrité de sharon stone. la description qu'il m'en fait n'est pas très réjouissante. beurkkk... je grimace. j'aurais aussi pu faire mine de vomir mais je me retiens. je me contente de le faire dans ma tête. j'ai toujours détesté ce genre de femme. c'est pas parce qu'elles ont de la thune qu'elles doivent abuser des avancées de la science. je repense à ce que j'avais vu, un jour, sur internet : une femme qui ne s'était nourri que de légumes et d'eau de pluie pendant la plus grande partie de sa vie. résultat : elle paraissait avoir 30 ans alors qu'elle en avait 70. je n'ai jamais su si c'était une info bidon. en tout cas, si c'était vrai, sharon stone et toutes ses semblables devraient adopter le même mode de vie. ce serait mieux pour elle.
art se pose devant moi. un pacte? j'adore les pactes, alors je ne peux pas le lui refuser. je me redresse pour jouer la femme d'affaire sérieuse et hautaine lorsqu'il m'annonce les termes du contrat, puis je lui serre la main, d'une poigne de fer. marché conclu. vous promettez de ne jamais me trahir, mon agent? bah oui, s'il me trahit, c'est même pas la peine qu'on travaille ensemble. faut que j'en sois sûre.

son rictus est presque moqueur quand il la voit se redresser devant lui, la lueur dans ses yeux changeant très légèrement pour devenir comme... sérieuse. sérieuse et responsable. même s'il n'a échangé que quelques poignées dérisoires de mots avec diane, art se doute qu'elle est pas trop trop le genre de fille à être sérieuse et responsable. sauf, peut-être, quand elle fait un pacte. il n'y a rien de plus important qu'un pacte, après tout. “ si vous ne me donnez jamais de raison de le faire... madame diane. madiane. diane. ” il sait pas encore comment l'appeler. fronce les sourcils. “ il faut vous trouvez un nom de scène. ”

Spoiler:

on va passer un pacte. j'me dis que ça doit être la première fois de ma vie, que j'fais ça avec quelqu'un... hormis les promesses d'enfance que je n'ai jamais tenues. je rigole. madame diane? j'ai l'impression d'avoir cinquante ans de plus. si tu le fais, tu mourras ! bon, s'il me trahit, j'aurai aucun moyen de lui ôter la vie mais on peut toujours dire que je lui lancerai mes chiens à sa poursuite. un nom de scène? d'accord. je souris. quel nom m'irait le mieux, à ton avis? après tout, la décision lui revient. c'est mon agent. mon précieux agent.

Spoiler:

“ argh, et me voilà maudit ! ” c'est son petit côté acteur excentrique qui ressort, alors qu'il fait mine de s'étrangler dans son argh, alors qu'il prend un air désolé pour le reste de la phrase. un vrai clown, ce art. “ diane c'est pas mal. ou diane tout-court, ça peut être un concept. ou... ou juste dee dee. ouais, dee dee, c'est pas mal. dee dee. ça donne un petit air soft grunge vintage chic, tu vois ? ” on serait bien incapable de dire s'il rigole, tant il est sérieux, presque sévère tandis que son regard croise celui de l'improvisée poète.

» PAPER DOLLS

|| PAPER TOWNS.

|| PAPER TOWNS.

Sujets similaires

Sujets similaires