Tu venais de bouger pour venir t'installer à Banff. Une envie, une folie, une erreur, ça seul l'avenir te le dira. Pour le moment, tu étais à l'hôtel et tu ne sais pas pourquoi, mais quand tu t'es arrêtée la nuit dernière pour dormir là, tu as su que tu pouvais y vivre. Alors quitte à y vivre, il fallait maintenant faire le tour de la ville, qui au passage, avait un belvédère. Tu avais toujours rêvé d'en voir un, alors là, tu fonçais sans te poser de questions. Tellement obnubilée par la structure, que tu bouscules quelqu'un et que tu ne t'excuses pas. Ce n'était pas le meilleur moyen de commencer une nouvelle vie.

Clairement, tu ne laissais pas une bonne image, tu étais pourtant à cheval sur la politesse parce que sinon, le monde serait chaotique, enfin c'était ta vision. Alors tu t'arrêtes, et tu tournes la tête vers le jeune homme. Il te faisait face mais ne disait rien, tu le détailla un instant sans comprendre pourquoi il ne râlait pas, peut-être pensait-il cela inutile, que ça ne changerait rien. Qu'est-ce que tu pouvais en savoir. Tu hausses les épaules, tout en continuant de le fixer, avant de briser le silence. « Je suis désolée, je peux être maladroite quand je suis ailleurs. » Tu tente un petit sourire, pensant que ça suffirait.

Son ton était froid. Tu n'étais pas sur qu'il te croit, il ne devait pas apprécier que tu mettes autant de temps à t'excuser, et à sa place, tu aurais déjà menacé la personne qui se serait tenue en face toi. Mais que veux-tu, tu ne peux pas plaire à tout le monde. « Sincèrement, c'est juste que.. » Tu tournes la tête et marques une pause. Le belvédère était toujours là, et il ne risquait pas de disparaître. Tu lui fait face à nouveau, cherchant la meilleur manière pour lui expliquer ton comportement, sans passer pour une folle. « Le belvédère, il est si beau, et j'ai toujours rêvé en voir un, alors j'ai foncé, et j'voyais rien d'autre que ça. » Mais c'était trop tard, à tous les coups.

Tu attends, en baissant un peu le regard, parce que tu te sentais stupide à présent. Mais tu étais comme ça, très maladroite et contrairement à la règle, tu n'étais capable que de te préoccuper d'une chose à la fois. Mais rien, rien ne se passe, il ne répond rien, il lâche un soupir exaspéré. Tu ne sais plus quoi dire, et si tu pouvais, tu aurais bien fait l'autruche, mais tu n'avais pas cette capacité. Tu le regardais, te jeter le caillou sur tes pieds, peut-être volontairement - ou pas - tu ne sais pas, mais tu ne fais rien. Après tout, tu l'avais mérité.

Impassible, tu le regardais toujours, son ton froid se fit entendre quand il s'excusa pour le caillou, mais tu haussas les épaules parce que ce n'était rien, tu n'allais pas en mourir après tout. Encore un long silence, tu as l'impression que les secondes sont longues, et tu ne sais pas pourquoi tu te tiens toujours face à lui, qu'est-ce qui t'empêche de partir ? Tu aurais pu réflechir aux raisons, mais il t'adressa la parole. « Justement, c'est un belvédère, je vais fermer les yeux et un million d'images, de ce qui s'est probablement passé, ce qui pourrait arriver ou non, me passera par la tête. C'est un nouveau décor pour moi. » Tu entendais la voix de ta mère dans ta tête, qui racontait la rencontre avec ton père, sous un belvédère.

Tu l'écoutas, lui, n'avait pas l'air emballé par ce que tu venais de dire, en même temps, tu connaissais peu de gens qui aimait les belvédères, m'enfin bon, vous n'alliez pas vous disputez à ce propos, les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas. « A chacun ses émotions, ses rêves, moi j'ai toujours voulu aller sur un belvédère ! » Tout ne pouvait pas plaire à tout le monde, chacun avait ses rêves et ses envies, elle était peut-être étrange, mais elle était comme ça.

Tu attends encore un instant, si ce qu'il te dit, t'agace, tu n'auras qu'à tourner les talons et partir. Après tout, il n'était qu'un inconnu dans cette nouvelle vie, un inconnu qui ne semblait pas partager tes goûts, il ne serait probablement jamais un de tes amis. Mais sa réponse te surprend. Il a envie de tenter, de t'écouter, lui raconter une histoire, sur un belvédère. Alors sans hésiter tu attrapes sa main et tu le tires doucement en direction du belvédère. Tu fermes les yeux, et tu prends une profonde respiration. « Je vois un orchestre, et un prêtre, un homme, sur le point de se marier. C'est le printemps, et le belvédère est décoré de fleurs, partout, et c'est magnifique, c'est coloré. Le ciel est bleu, mais il y a une légère brise. » Tu t'arrêtas là, dans ta tête, tu voyais parfaitement la scène, et tu te demandais, si lui, il la visualisait.

Il te demande la suite, tu ne sais pas si c'est parce qu'il visualise, ou parce qu'il veut connaître la suite. Mais tu ouvres les yeux, et le détailles rapidement, il a fermé les siens, comme pour t'imiter. Tu souris, parce que tu entraînes à inconnu à visualiser un mariage sur un belvédère. « Ensuite, l'orchestre se met à jouer, le son est doux, et mélodieux. Les têtes ses tournes et une mariée fait son apparition. Mais ce que je vois moi, c'est la tête du marié, même s'il est crispé, il sourit, parce que la femme qu'il va épouser se trouve devant lui, et qu'il est heureux. » Tu aimais le marié, la mariée, tu aurais tout le temps de la voir, et puis si elle marchait le long de l'allée, c'est qu'elle le voulait bien, sinon elle pouvait s'enfuir, tout simplement. Tu t'arrêtes à nouveau, mais cette fois, c'est parce que l'histoire est finie.

Sa question, comment lui répondre ? Tu ouvris les yeux et lâcha sa main, tu ne t'étais même pas rendu compte que tu la tenais toujours. Tu fis quelques pas pour t'approcher du bord du belvédère et admira la vue que tu pouvais avoir. De là, tu pouvais voir les montagnes, comme il te l'avait dit, et tu avais le sentiment d'être grande. Après quelques minutes de silence, tu lui fasses à nouveau. « C'était mes parents. » lâchas-tu de but en blanc.

Instant de silence, encore, il ne sait pas quoi te dire, tu ne sais pas quoi faire. Si tu avais pu, ce sujet serait resté tabou, mais il fallait qu'il sorte, il fallait que tu en parles, maintenant, c'était fait. Quoiqu'il en soit, tu aimes ce belvédère, et cette ville, parce qu'elle en possède un. « A chacun ses choix, je trouve que c'est une drôle d'idée de se marier tout court. » Ton point de vue, et ce qui était amusant dans le fait que tu penses ça, c'est que t'es une fille, et que t'es censé en rêver, mais pas toi.

Tu l'écoutais, tu ne voyais rien de pratique, mais puisqu'il venait de lancer le sujet, autant en savoir plus. « Qu'y a-t-il de pratique à un mariage ? » C'est après avoir posé ta question, que tu te mis à réfléchir. Tu venais de débarquer en ville, et tu parlais avec un parfait inconnu de mariage. Tu ne connaissais toujours pas son prénom, et dans le fond, tu ne savais pas si tu avais envie de le connaître, sa mauvaise humeur avait peut-être disparue, mais il ne te donnait toujours pas bonne impression.

Tu te tenais, coude posés, sur le belvédère, en faisant face à ton inconnu. Et il te fit une belle réponse, pour ce que pouvait être un mariage pratique, en l'écoutant, tu hochais la tête, parce qu'il avait raison, tu n'avais pas vu les choses sous cet angle, et de ce point de vue, tu avais une impression de mariage arrangé. Tu n'aurais pas aimé vivre à l'époque où cela était à la mode. Bon, ça existait encore, mais toi, t'étais libre. Et maintenant ? Tu ne savais pas quoi dire, tu pourrais te présenter, mais ça faisait presque 20 minutes que vous parliez, sans vous connaître, et ça n'avait pas l'air de vous gêner. Tu avais vu ton belvédère, peut-être pouvais-tu visiter le rete de la ville. « Eh bien, je crois que je vais vous laisser, mais ce fut un plaisir, de vous rencontrer ! » Tu lui adressas un sourire en tendant ta main, pour le saluer.

Sa remarque sur tes rêves te fit sourire, il devait être comme ça, un peu cynique, un peu plus terre à terre que toi, bien que toi, t'avais bien tes deux pieds sur terre. Tu visais juste pas haut, pour être sûre d'atteindre tes rêves, tes objectifs. « Je ne sais pas encore, on verra bien ! » A nouveau, tu souris, en t'éloignant, secouant un peu la main dans le vide, comme si tu disais au revoir à quelqu'un que tu connaissais, tu ne sais pas pourquoi, mais c'est fait. Tu finis par lui tourner le dos, et t'enfoncer dans une rue.