looking for something.

LOOKING FOR SOMETHING - KEN ++ toi & toi.

Tu cherches, tu cherches, mais tu n'trouves rien. Des boutiques, partout des boutiques, qui vendent des tas de conneries qui ne t'intéressent pas. T'en as que faire, des robes pour midinettes et de jeux vidéos de tarés. Les bouquins, t'as passé l'âge de t'y intéresser, passé ta majorité, lorsque tu avais compris que la vie n'était pas qu'un long fleuve tranquille et que pour la financer, il fallait trimer comme un forcené. Ce que tu oublies, dans tout ça, c'est que tu détestes travailler. T'as toujours détesté ça, en fait. Suer à grosses gouttes, c'était pas ton truc. Du moins, pas s'il n'y avait pas jouissance charnelle à la clé. Même quand t'étais allongé entre les quatre roues de ces belles bagnoles neuves qu'on t'emmenait sans cesse, t'étais pas satisfait. Parce que t'avais envie de vivre, de rire, de jouir et de pleurer. Que le boulot, au final, c'était qu'une occupation fastidieuse qui t'empêchait de te concentrer. Sur quoi ? Sur l'essentiel, pardi ! Et t'es découragé de te rendre compte que maintenant, il va falloir tout recommencer. C'est dommage, non, que la vie, il faille la gagner. Ouais, t'es bien d'accord avec ça. Debout en plein milieu du centre commercial de ce village paumé, tu soupires. Parce qu'au final ... T'es toujours aussi seul et incompris qu'avant. La seule nuance, maintenant, c'est que tu n'sais même pas comment tu vas faire pour bouffer. Et ça ... C'est une idée qui t'effraie.

tu marches sans trop savoir où tu vas, perdue. heureusement que t'as ce qu'il te faut pour vivre sinon tu serais a la rue. remercie papa et maman au moins, pour une fois. tu éteins ta clope, l'ecrase sur le sol avec ressentiment avant d'entrer dans le grand hall. t'es prête a trouver un boulot. après tout tu dois bien finir par gagner ta vie, même si t'as encore des réserves.
au pire on t'a toujours dit que t'étais jolie.
jusqu'à ce que tu tombes sur un mec. tiens il peut peut-être t'aider.
hey, toi ! t'as pas une idée d'où je pourrais trouver du boulot ? tu lui souris timidement. parfois tu manques cruellement de délicatesse. oh désolée je pensais que vous étiez quelqu'un d'autre.. tu mens pour te rattraper, comme toujours.

Une voix s'élève alors parmi le brouhaha de tes pensées. Tu l'entends ? Elle est féminine, cette voix. Douce comme le velours, fluide comme le vin. Elle te glisse calmement dans les oreilles et relaxe immédiatement tes muscles crispés par le stress et la peur d'échouer. Lentement, tu relèves de la tête en direction de sa provenance, curieux. Tu te demandes qui pourrait bien avoir envie de parler à un pauvre bougre comme toi ... Et c'est d'un regard incertain que tu dévisages cette nana. T'as l'impression de n'attirer que des gamines, depuis ton arrivée. Toutes fraichement sorties de la puberté, elles te sont insupportables, ces nanas ... Probablement parce qu'elles lui ressemblent toutes. Tu méprises son sourire timide, parce que c'est le même que celui qu'elle te balançait en coin, lorsqu'elle sentait que t'étais pas de bonne humeur et qu'elle ferait mieux de te laisser. Ton regard est sec. Dur. Ta voix, elle, est stérile et froide. Parce que par politesse, tu lui réponds quand même.

- Non. Cherche un peu, tu trouveras bien ... T'es sûr qu'elle, ça la dérangerait pas de conseiller des vieilles obèses sur quelle robe acheter, après tout. Mais toi, c'était pas ton trip. Loin de là, même. Lorsqu'elle prétend t'avoir confondu avec quelqu'un d'autre, t'y prête guère attention, tes pensées occupées par autre chose, d'à tes yeux plus important. Tes doigts fouillent instinctivement dans les poches de ton pantalon mais ne trouvent pas satisfaction. Un sourcil réhaussé, voilà donc que tu te permets de lui demander, à elle aussi, comme tu sembles si souvent le faire, ces derniers jours :

- Je suppose que toi non plus, tu n'fumes pas ? Les gamines aux gueules d'ange, ça ne fumait jamais. Sans doute étaient-elles toutes trop prudes pour savoir le faire. Sans doute n'aimaient elles pas le goût de la clope logée entre leurs becs de pies. Toi, au contraire, t'adores ça. Ça te définit, même, jusqu'à en être devenu ton second parfum. Ta marque de fabrique.

t'as soudainement envie de lui rire au nez. qui croit encore aux apparences de nos jours ? tout le monde, en fait. manque d'originalité cruel, tu dois l'avouer. c'est affligeant. ton sourire timide, tes fossettes innocentes et ton regard triste te font ressembler à un oiseau égaré. c'est ce qu'il disait en tout cas. t'as jamais pu oublier cette manière qu'il avait de te décrire avec une poésie un peu plate mais à se damner, juste parce que c'était lui et que tout ce qu'il touchait se transformait soudainement en or. t'avais presque oublié à quel point il comptait pour toi depuis que t'étais arrivée. mais là, c'est comme si tout te revenait en mémoire.
surement parce que c'est la première fois que tu parles à un homme de banff.
surement parce qu'il a cette manière de te mépriser subtilement du regard.
comme si t'étais inférieure à lui, comme s'il se fichait royalement de toi et de ta présence.
tu l'emmerdes, c'est très clair.
et puis son interprétation à deux balles, là !
tu croises les bras bien fort sur ta poitrine et penches légèrement ta tête sur le côté.
mensonge ou vérité ? personne n'a jamais su que tu fumais, par chez toi... chez toi, douce appellation bien erronée.
tu serais surpris t'as juste envie de partir, parce qu'il te donne l'impression de déjà te haïr.
pourquoi ?
tu n'sais pas, tu t'en fous comme de ta première clope.
fumée chez ta meilleure amie, officiellement la première et la dernière.
si c'est pour me dire que je précipite ma mort, c'est pas la peine, merci bien.
sans pouvoir dire pourquoi, il te gonfle déjà, avec son air distant. il doit vendre ses sourires pour des milliers seulement. alors tu esquisses un sourire. t'es pas la méchante de l'histoire. en fait, t'aimes plutôt bien le rôle de victime.

Tu comprends pas pourquoi elle était venue te parler, à toi, parmi tous les autres mecs qu'elle avait sans nul doute passé sur son chemin en arrivant ici. Toi, tu lui avais rien demandé ... Et pourtant, voilà qu'elle était là. À attendre. À entamer un dialogue que tu ne veux pas réellement entamer. Elle n'a pas envie de s'en aller, là ? Non, visiblement non. Et tu comprends. Tu comprends que c'est sans doute parce que ce serait trop facile. Alors tu te décides à jouer le jeu. Elle l'agneau et toi le loup, t'entres en course, sans te soucier des conséquences. Prêt à attaquer. À la dévorer, même, si nécessaire. Elle croise les bras et tu fais de même. Sa tête s'incline ? Voilà que la tienne la suit. Dans le même sens, évidemment. Tout est dans le détail, après tout. C'est là qu'elle te dit que tu serais surpris de connaitre la réponse à ta question et, si cette réponse t'intrigue, tu ne sourcilles pas. Impassible, tes yeux restent figés, logés dans les siens, occupés à la dévisager avec attention et minutie. Elle parle à nouveau, et tu comprends alors que non, c'n'est pas une de ces sainte-nitouches, pures pucelles préservées pour leur prince charmant, le jour où il arrivera. C'est une fille normale, celle là. Et déjà, ton dédain d'elle commence légèrement à se dissiper. Mais ce n'est pas suffisant. Ce n'était qu'un test parmi tant d'autres. Tu ne sais pas encore si t'as envie de l'apprécier. Il te faut faire d'autres tests, pour cela. Voir si vos caractères peuvent coller.

- Oh, calmos. J'voulais simplement savoir si t'avais pas une clope à épargner.

Tu sais bien qu'il ne faut pas fumer dans les lieux publics, encore moins lorsqu'il s'agit d'un espace enfermé, mais tu ne peux pas t'en empêcher. T'es comme ça, toi. T'as toujours été parmi les rebelles de la vie ; ceux qui défient les lois de la gravité elle même. Qui dénigrent l'autorité. Elle sourit, innocente ... Et tu te demandes si elle va craquer ou si comme une vorace, elle va s'y accrocher, à son paquet. Jusqu'à son dernier souffle. T'espère bien que non, parce que tu serais sans doute prêt à tuer pour pouvoir avoir une dernière bouffée. Bon, quand même pas ... Mais t'aimerais bien pouvoir fumer, malgré tout.

t'arrives au centre commercial, parce que t'es rien de plus qu'une acheteuse compulsive. quand ça va pas, et même quand ça va bien, t'as besoin d'acheter. t'as besoin de dépenser. je dépense donc je suis. ton crédo, ta vie. tu devrais pas, t'as pas de moyens tant que t'as pas reprit le mannequinat. mais tu peux pas t'en empêcher ; t'as besoin d'aller voir les vêtements, de les frôler de tes doigts amoureux. tu les effleures comme les courbes d'un homme, comme tu toucherais ses abdominaux. comme tu toucherais la peau fine de son ventre. parce que les vêtements, c'est ta vie ; c'est ce qui te donne de l'argent. c'est ton métier de poser pour donner envie aux autres. mais t'es aussi faible que ces autres dont tu parles. mais quand t'arrives, tu tombes sur un mec et une nana en train de s'embrouiller. t'es pas du genre à t'incruster, ça non. alors tu commences par passer à côté, les prunelles s'attardant néanmoins dans leur direction. et la fille, elle te hèle. elle parle de toi, et tu te sens obligée de t'arrêter. tu comprends pas tout, mais t'aimes pas la façon dont elle te regarde. puis elle part. et tu restes seule à quelques mètres du beau gosse. le genre de mecs que t'évites. qui te rappellent Action Man ou Ken. t'aimerais bien être sa barbie, au fond... tu te mordilles la lèvre et tu demandes timidement : « euh... ça va ? » tu passes une main nerveuse dans ta chevelure dorée. t'es effrayée. par lui, par tout ce qui l'ennuie. t'as peur d'être non désirée. qu'il t'envoie bouler. « je... je sais pas ce que j'ai fait, mais si j'ai créé une dispute entre vous et la demoiselle... » tu déclares, la voix prenant des accents suppliants, emplis de culpabilité. tu veux qu'il te pardonne, d'un méfait que t'as pas commis ou que t'as pas fait exprès de commettre. t'hésites à t'en aller, mais tu bouges pas. tes pieds, ils t'obéissent pas. ils t'obéissent plus.