all this bad blood here.

« t'éloignes pas. » T'as le coeur léger, aujourd'hui. Des semaines que ça ne t'est plus arrivé. Des mois, des années, des siècles. Des années lumières que le poids qui te tient courbé ne s'est pas révélé si léger. Pas disparu. Il est toujours là. À guetter le moment où tu flancheras. Mais aujourd'hui, t'as décidé d'aller promener Kira. Même elle, t'arrives à l'aimer un peu plus. Elle court dans tous les sens. Elle danse. Toi, tu penses. Pas à n'importe qui, et pour une fois, y a un drôle de sourire naïf sur tes lèvres. Un sourire qu'on ne te connaissait plus. Tu t'assois sur un banc, surveillant ton chien des yeux. Ils ont beau être toujours aussi sombre, on y voit quelques étoiles tombées d'un ciel où il ne fait jamais nuit.

Je me balade encore avec ma moto. Un jour, je me prendrai sûrement un promeneur, mais ça ne m'est pas encore arrivé. Je dévale les sentiers. J'expérimente la vitesse et la secousse. Je me mets probablement en danger à chaque seconde. Je n'y pense même pas. Et je débouche soudain au milieu de nulle part. Je m'arrête précipitamment, surpris par la beauté des lieux. Je descends du bolide, dans une attitude presque respectueuse. C'est un parc, un parc magnifique. Je laisse mon engin là, abandonné à l'orée de cette sphère de sérénité, et j'entre dans ce microcosme. Je ne suis pas le seul à profiter de cet instant paisible. J'hésite à aller déranger cet homme qui semble si calme. Mais j'abandonne le dilemme et m'installe sur le même banc que lui. Silencieux.

Puis d'un coup, quelqu'un s'assoit à côté. Tu ne tournes pas la tête de suite. Tu regardes Kira, qui court dans l'herbe. Si légère, si en vie. Toi aussi, tu te sens revivre. Tes yeux tumultueux viennent s'accrocher à la silhouette du jeune homme qui est venu s'asseoir à l'autre bout du banc. Tu le détailles, brièvement. C'est plus fort que toi. Tu sais pas trop si c'est ton instinct d'homme ou ton instinct de flic, mais c'est ainsi. Et tu lui souris. Merde, Mae, t'es malade en fait ? Qu'est-ce qu'il te prend ? T'es pas si joyeux d'habitude. Renfrogné, renfermé. Et là si ouvert. « bonjour. » que tu lui lances même, en passant une main dans tes cheveux désorganisés. Raphaëlle disait que t'étais pas le même homme, avec un sourire sur le visage. Que ça l'éclairait, que ça le changeait presque du tout au tout. « c'est beau, n'est-ce pas ? » Question rhétorique peut-être, mais toi d'ordinaire si silencieux, t'as envie de parler. De lui crier qu'il fait beau, qu'le ciel est bleu, que l'orage est en train de passer. C'est formidable. Tu le détailles de nouveau rapidement. C'est qu'il est plutôt beau garçon. « maevan. »

J'ai bien fait de m'asseoir ici, finalement. Je n'ai pas l'impression de briser le moment de béatitude de l'autre, ce qui m'aurait quand même fait culpabiliser. Il a l'air de bien s'adapter à ma présence. Une bonne chose, je n'ai plus envie de bouger d'ici, je suis trop bien. Je regarde droit devant moi. Un peu trop fixement peut-être. Mais il me sort de mon immobilité angoissante en me saluant. Je réponds un faible "bonjour", qui se perd dans un souffle. Cependant, je tourne tout de même mon regard vers lui. Je lui rends son sourire. Après tout, je suis quelqu'un de civilisé, peut-être même trop. J'hoche doucement de la tête face à son commentaire qui ne peut être que partagé. C'est même plus que beau. Ca, ça ne peut qu'être tombé du ciel. A se demander si ma mère n'a finalement pas raison de croire en dieu. " Enchanté, Maevan. Axel. " Ca me fait toujours quelque chose de rencontrer quelqu'un de nouveau. Alors que j'en ai fait des rencontres depuis mon départ de Boston. Mille et une, et chacune totalement différente. Je retourne à la contemplation du paysage. " C'est ton chien ? " Question probablement stupide, mais il faut bien commencer par quelque chose.

Il a un air classieux. Tu dirais bien que c'est un Parisien, si le souvenir de la ville de Paris ne te laissait pas des souvenirs merveilleux au goût acide et mortel entre les dents. Axel. C'est joli, ça. C'est français en plus, non ? Non, t'hallucines peut-être. Ou alors, tu n'vois que ce que ton esprit veut que tu voies. Ou ne veut pas, justement. Des nouvelles rencontres. Toi qui n'en faisais jamais avant d'arriver dans ce trou paumé alors que t'habitais une des plus grandes villes des états-unis... C'est dérisoire. Un comble. Tes yeux se fixent sur la labrador chocolat, qui gambade toujours, plus loin. Elle se lance le bâton toute seule. Autonome, l'animal. « oui, elle s'appelle kira. » T'as dit ça presque d'un ton aimant. Attaché. Au fond, t'as beau toujours dire que tu ne l'aimes pas, cette bestiole, c'est pas vrai. Mais c'est qu'elle lui appartenait. « t'en as un aussi, toi ? » Ouais, faut bien commencer quelque part, comme on dit.

Je regarde encore le chien au loin. Kira, c'est drôle comme nom de chien. Enfin, j'ai toujours trouvé que les noms d'animaux avaient quelque chose d'assez comique, allez savoir pourquoi. Il a l'air d'y tenir, à cet animal. J'ai toujours été fasciné par cette relation entre l'homme et ce compagnon un peu à part. Je n'ai jamais compris, au fond, comment on pouvait s'y attacher autant. " Nan, je n'en ai pas. Je n'en ai jamais eu en fait. J'ai eu un chat, il y a longtemps. " Je parle pour ne rien dire, je lui raconte un truc totalement insignifiant. Mais ça correspond assez bien à l'atmosphère du lieu, cette légèreté qui imprègne notre rencontre. D'une simplicité apaisante. Je le regarde à nouveau et je rencontre son regard. Son regard nuit. Le genre de regard qui correspond difficilement au sourire qu'il affiche. L'homme, en plus d'avoir un chien, se révèle tout à coup assez intriguant. " Je n'étais jamais venu ici, alors que ça fait des semaines que je suis là. C'est incroyable le nombre de choses qu'il y a à découvrir, ici. " Des lieux, mais surtout des personnes.

Ta relation avec Kira est unique. Souvent, tu te dis que tu la détestes. Que tu la détestes pour être la seule chose qu'il te reste de la femme de ta vie. En vrai, tu casserais les dents de celui qui oses la toucher. Un chat, il y a longtemps. On a tous eu un chat il y a longtemps. Ça te rappelle un peu ton enfance. Toi aussi, t'avais un chat, même deux. D'habitude, faire la discussion, c'est pas vraiment ton truc. Tu regardes le jeune homme. Lui trouve un air attendrissement, tu sais pas bien quoi. Tu hoches doucement la tête, d'accord avec lui, et le silence retombe lentement. Toi aussi tu en découvres toujours plus. De nouvelles places, de nouveaux visages. De nouveaux regardes à croiser, à embrasser des yeux. Tes yeux se laissent lentement couler le long de la cascade. Au bout de quelques minutes, tu sors ton paquet de clopes. En extirpes une, avant de lui tendre le paquet, par politesse. « t'en veux une ? » fais-tu doucement, avant d'allumer la tienne avec un vieux briquet qui rendra sûrement bientôt l'âme. La fumée s'échappe d'entre tes lèvres, avant de s'évaporer dans la nature, si propre et pure.

Le silence retombe entre nous deux, mais ce n'est pas difficile à supporter. Il a l'air si calme, cet inconnu. Ce Maevan. Il a peut-être un côté un peu sombre, un peu ténébreux. Ca dpit faire tomber les filles, ça. J'ai depuis longtemps accepté que je n'aurai jamais ce charme un peu mystérieux, presque mystique. Tant pis. J'en profite pour regarder à nouveau autour de nous, pour que mon regard ne lui pèse pas. J'ai la mauvaise habitude de trop fixé les gens. J'apprécie chaque détail de cet endroit idyllique. Je me demande une seconde si ma moto ne craint rien, je ne la vois plus d'ici, puis je décide que ce n'est pas si grave. Parfois ma désinvolture me fait peur. Il rompt le silence et je mets quelques instants à comprendre ce qu'il m'a demandé. Je secoue la tête. " Nan, merci. Aussi fou que ça puisse paraître, j'ai décidé d'arrêter. Nouveau départ, nouvelles résolutions, nouveaux défis, un truc du genre. " Je hausse les épaules, un sourire sur les lèvres. Bientôt, je pourrai accoler Saint à mon prénom, je pense. Ridicule.

mais sans vraiment savoir pourquoi, son sourire léger fait étier tes lèvres. comme par automatisme. comme dans un partage secret qu'est l'échange d'un sourire. ça allège un peu ton coeur. et tes épaules, lourdes. tu récupères ton paquet, allumant ta clope avant de tirer dessus une première fois. tu laisses la fumée s'échapper vers le ciel, avant de poser de nouveau tes yeux sombres sur lui. « tu as bien raison, tu sais. d'où viens-tu ? » il a dit nouveau départ, non ? donc il doit forcément venir d'ailleurs que de banff. comme toi. comme tout le monde. comme si personne ne venait d'ici, et qu'elle n'était qu'une ville de passage pour les égarés.