T’es vide comme une coquille, tu ressens plus rien, t’as la tête baissée, les yeux fermés et tu ne penses qu’à une seule  chose : prier. Tu demandes à Dieu de t’aider, de te faire oublier tes maux et d’enfin de te libérer même si tu sais que ça ne sert à rien.  Tu l’as déjà fait pleins de fois, quand t’avais peur, quand t’avais mal, quand tu voulais en finir et il ne t’avait jamais répondu.  Tu soupires, t’es tellement seul, tu voudrais bien que quelqu’un te parle.

j'avais jamais cru les gens quand ils me disaient qu'une église, ça avait quelque chose de spécial. j'avais toujours pensé que la religion, c'était rien qu'un attrape-con. un truc qui te dicte quoi penser, partout, tout le temps et quoi que tu fasse. je sais pas ce que je fais là. je suis la pièce du puzzle qui s'emboîte pas avec les autres. la rose noire parmi les roses blanches. le silence religieux m'enveloppe, et je me sens bien. bien comme je ne l'ai jamais été depuis longtemps. là, sous la tonne de pierre, j'ai l'impression qu'on me protège. quand j'entre, il y a déjà quelqu'un. j'essaye de respirer le moins fort possible pour ne pas troubler cette paix infinie qui semble régner. je regarde autour de moi. il fait frais, encore plus froid que dehors. j'enfouis un peu plus mon visage dans mon écharpe alors que mes pas me mènent jusqu'à ce banc. à côté de cette personne. je pose les yeux sur elle. j'ai envie de parler, mais j'ose pas. il a l'air absorbé. absorbé dans ses prières, sûrement. moi, je sais pas comment prier. je suis même pas sûre que dieu veuille bien de moi, là-haut, dans sa tour d'ivoire. puis instinctivement, ma main vient recouvrir la sienne. sans prétention, non. juste comme ça.

Tu trébuches et ton dos heurte la grande porte de l'église et tu pousses un hurlement alors que le chien revient à l'attaque une fois de plus. Il bondit, et tu le vois au dessus de toi, tous crocs dévoilés, prêt à s'abattre sur ta tête. Tu protèges ton visage de tes bras alors que ses grosses pattes entaillent ta peau. Tu tentes de le repousser mais il ne semble pas prêt à renoncer. Saloperie de bestiole. tu l'agrippes au niveau de la gorge, le maintenant au dessus de toi en grognant sous l'effort alors que ses mâchoires claquent férocement à quelques centimètres de ton nez. Tu réussis à passer tes jambes sous le corps de la bête enragée, et lui décoche un violent coup de pied, l'envoyant rouler à plusieurs mètres de toi. Tu te relèves alors et te précipites comme un dératé dans l'église. tu vois la porte bouger sous les assauts répétés du chien, tu regardes autour de toi et aperçois un homme et une jeune-femme. « Je serais vous, j'resterais pas là.. » leur lances-tu, un peu haletant. c'est à cet instant que la porte fini par s'ouvrir, laissant entrer le molosse écumant de rage. « Oh putain de bordel de merde ! » hurles-tu en te mettant à courir pour échapper au chien furieux.

T’es absorbé, t’es concentré quand tu sens cette main te recouvrir. Tu la connais pas cette main, elle t’est pas familière, t’ouvres les yeux,  t’es étonné et t’as à peine le temps de respirer qu’on te crie qu’il faudrait mieux partir. Déjà ? Mais pourquoi ? Dieu ne t’as pas assez écouté … Tu veux encore te lamenter de prières auprès de lui …

Mais tu comprends assez vite, un monstre est entré dans l’église. C’est donc presque instinctivement que tu serres la main qui te recouvre pour échapper au démon. Tu suis l’autre garçon parce que tu ne sais pas où aller mais surtout parce que tu ne connais pas un endroit plus sûr que la maison de Dieu.

le silence fait place au chaos. un hurlement. quelqu'un crie et moi je sursaute. mon front se plisse. j'aime pas ça. je me retourne discrètement. y'a un gars, là, debout, devant la porte. il lance une phrase que je ne comprend pas tandis que sa voix commence sa course effrénée contre les murs imposants de l'église. j'ai l'impression que son écho ne va jamais prendre fin. il entre dans ma tête pour ne jamais en sortir. puis j'me dis que j'suis sûre qu'il y a deux secondes, ce mec était pas là. on dirait qu'il est apparu ici comme par enchantement. pour troubler l'ordre bien établi. puis je comprends qu'il est poursuivi par un truc. j'arrive pas à bien voir quoi, mais je suppose que c'est un chien. il crie à nouveau et celui qui est à côté de moi bouge. je le suis. je m'accroche à lui comme à une bouée de sauvetage sans vraiment comprendre ce qu'il m'arrive. j'entends les aboiements du chien et mon cœur s'accélère. putain, il serait capable de nous bouffer. si c'est vraiment la maison de dieu, qu'est-ce qu'il attend pour nous venir en aide?
on se retrouve dans un coin de l'église. le chien semble ne pas nous avoir encore trouver mais quelque chose me dit qu'il ne tardera pas à le faire. alors je me retourne vers l'homme, celui qui était poursuivi par l'animal. tu lui as fait quoi pour qu'il soit si énervé? à moins que le chien ait la rage. ce serait moche. moche pour nous. puis j'aperçois une porte. je vois en elle un échappatoire, une issue de secours. j'me demande même pas si j'ai le droit, j'appuie sur la poignée puis je pousse la porte. vite, avant que la chose ne se ramène.

Elle demande pourquoi ce chien a l’air aussi remonté, ton cœur bat à cent à l’heure, t’as vraiment peur. Tu suis la brune quand elle ouvre la porte et l’autre garçon fait pareil mais il a moins de chance. Le chien l’a attrapé et il se débat comme un fou pour que la bête le laisse tranquille, t’as un peu de mal à réfléchir mais tu n’arrives pas à t’abandonner à l’idée de le laisser là. « Il faut … » Tu commences alors que tes jambes refusent de s’arrêter de courir vers la sortie. « qu’on l’aide ! » tu cries presque vers la brune car tu ne sais pas quoi faire du tout.

j'ai l'impression d'être hors du temps. face à une situation irréelle. moi, j'ai jamais vu un mec se faire à moitié bouffer par un chien. c'est digne des grands films hollywoodiens, ça. c'est pas ma vie. qu'est-ce que je fais là? dans ma tête, c'est le bordel. ça fuse dans tout les sens. ça part, ça bouillonne. ça va exploser si je fais rien. si on fait rien. il a pas eu le temps de se réfugier dans la petite pièce. j'm'en rends pas compte, mais je sers très fort la main se trouvant dans la mienne. sa peau doit être devenue blanche, en dessous. la petite fille en moi me hurle de me boucher les oreilles pour ne plus entendre ces cris mais je veux pas. même si je le voulais, je pourrais pas. le gars me crie qu'il faut faire quelque chose. oh, tiens, j'avais pas remarqué ! alors je regarde autour de moi. y'a rien. sauf une petite statue de pierre qui me regarde, avec ses yeux ronds à moitié sculptés. je la prends de ma main libre. elle est lourde. je peux m'en servir comme arme, je suppose. alors je la jette dans la mêlée. allez savoir qui elle est allée toucher. le chien, j'espère. j'attends que les aboiement cessent. que les hurlements se taisent. et tout de suite, mon attaque me semble débile. mais au moins, j'ai fait quelque chose. je lance un regard désespéré à l'homme de couleur.