elle est une présence étrangement joyeuse. elle n'entend plus rien, elle ne pense plus au vrai monde. velvet, douceur de velours, elle semble légère, portée par la musique qui l'enchante, le pas dansant, le sourire aux lèvres. elle est belle la vie. difficile, mais magique. une étincelle de merveille, de la poussière d'étoile qui semble effacer les mauvais souvenirs pour ne laisser que le bon. de sa main droite, elle prend un sac de pâtes et le dépose dans ce panier tressé de métal, ce panier façonné par l'humain. elle quitte l'allée, elle tournoie sur elle-même, danseuse improvisée. son téléphone crachote les notes d'une chanson dans ses écouteurs, elle rêve d'un woodstock qu'elle ne connaîtra jamais, à défaut d'être née tant d'années plus tard. c'est une présence qui attire l'attention, qui créer des sourires, des regards intrigués. elle s'arrête devant l'étalage des confiseries et elle cherche quels bonbons elle achètera avec ses maigres économies. pour que le doux goût de ces friandises apaise son âme si plus rien ne va.

Tiens, un marchand, sûrement des sucreries. Des sucreries prêtes à attaquer tes petites dents, à tout détruire. Au fond, t'en es sûre, c'est leur but de tout détruire, petite armée mesquine. Ils t'auront pas, c'est sûr. Ils peuvent attaquer, ils n'auront rien, tu vas leur montrer que tu es plus forte. Clochette qui sonne, le bruit de l'entrée, comme pour avertir qu'un monstre entre dans la boutique. Tu t'avances vers les sucreries, il y a déjà quelqu'un. Il te faut ton réglisse. Oui un réglisse, le renié de tous, tu l'aimes toi. pardon. Il te faut ton réglisse.

ses perles vertes sont posées sur l'étagère, elle scrute avec toute l'attention du monde, elle cherche, ô oui, pour ces friandises parfaites. celles dont son estomac à envie. sa main effleure quelques sacs aux couleurs éclatantes, de celles qui attireraient l'oeil d'un enfant à tous les coups. elle hésite, comme si elle faisait un choix crucial dans sa vie, comme si la décision qu'elle allait prendre pourrait changer son destin. une petite tempête tatouée s'incruste dans sa rêverie, mais elle est un coup de vent. rapide, déterminée. elle s'excuse auprès de velvet, elle prend le sac de réglisses. tu aimes le réglisse ? une voix douce d'enfant du haut de ses dix-neufs ans. sa main s'arrête sur une boîte de chocolats au sel de mer. elle hésite un moment; le prix est assez élevé.

doux, doux comme de la soie, doux comme une souris, doux comme des cheveux doux. je mange, les gens regardent et moi je mange, je mange le bonheur, je mange l'enfance, je mange, mange, mange. comme une chanson qui se répète, je suis une chanson et ils sont les paroles, les bonbons. chocolat. chocolat le film, chocolat mon coeur. quelqu'un accroche mon sac, il le regarde tomber ce sac, toi humain qui vient de gâcher ce beau rêve. les larmes aux yeux, je les regarde rouler, rouler au bout d'un ravin. je pousse cet humain, ce cauchemar pour me mettre à genoux et avancer vers la soie de la langue. quatre pieds, deux filles et quatre yeux. - PARDON, MES BONBONS. je ramasse à leur pieds, je suis un fou du roi, fou de vous.

et elle attend, ô oui, elle attend une réponse de cette brune inconnue. elle touche du bout de ses doigts aux ongles en amande l'emballage du chocolat et elle hésite quelques temps. il faut penser à l'argent, il faut y penser, velvet. mais elle a tellement envie de cette tablette de chocolat au sel de mer qu'elle finit par la prendre entre ses mains et de lentement la déposer dans ce panier. les secondes passent et puis finalement, un sac de friandises atterrit à leurs pieds. elle baisse la tête, surprise, et un jeune garçon termine sa course près d'elles. il crie, pardon, mes bonbons, et elle se penche naturellement au sol, concernée, essayant de ramasser les sucreries, d'aider ce bonhomme plein de vie, un peu à l'ouest, mais aux air rêveurs. voilà, tiens, quelques-uns de tes bonbons. elle offre un sourire maternel, un sourire rassurant. il a crié, mais elle n'y a pas fait attention. il semble que rien ne trouble ses pensées, que les différences la rendent heureuse.

merci du regard, merci des dents, merci de tout. je frôle ses doigts d'un geste doux, tu es l'ange des bonbons toi ? tu viens d'une planète lointaine. ses traits. les bonbons dans ce cas, les bonbons dans la maison, les bonbons dans les mains de deux princesses. je reste assis, le sol est mon ami. je les regarde. - MERCI VOUS. mon sac, l'enfant est heureux. c'est une aventure, c'est un envol vers des connaissances, ce sont des amis thémi, je veux des amies de bonbons, des amies de sucrerie. je donne un bonbon à la première, je donne un bonbon à la deuxième. - VOS BONBONS ? votre amour de bonbon.

Qu'est ce que tu fais là, qu'est ce que tu fais là ? Ça devient des questions trop importantes. Pourquoi t'es là, pourquoi tu vis. Tu sais bien qu'y a un truc qui tourne pas rond. T'aurais pas dû être là, là-bas ou ici, même, t'aurais pas dû naître, là-bas. Eux, la jolie poupée et le petit prince, ils ont l'air tout doux, tout gentils, tout bien comme il faut. Parfaits, en quelque sorte. La jolie, elle te pose une question, c'est dur les questions. T'as du mal à savoir donner des réponses, des vraies. personne ne les aime, alors bon. Tu la regarde, elle a cet air enfantin mais protecteur. Comme une gentille maman, qui ne grandit pas, qui joue encore à chat. Et puis le petit prince arrive, avec ses belles boucles dorées, se penche pour ses bonbons, pour sa vie. Bien sûr, la poupée aide. Toi tu regardes, puis ils se lèvent. Il te tend un bonbon, il veut échanger, pourquoi il crie, il veut des amis. Tu prends le bonbon dans ta main, sans un mot. Tu sais pas quoi faire. T'as peur de ces enfantillages. Mais t'as peur de les froisser, qu'ils soient tristes, eux aussi. Alors tu cèdes, voilà des bonbons pour vous. Voilà de quoi vous faire un anneau de réglisse. si vous aimez pas, c'est pas grave. vous pouvez les dérouler, jouer avec. c'est peut être fait pour ça aussi. Tu prends quelques réglisses pour toi, puis reposes le sac. T'es pas trop gourmande aujourd'hui. T'as peur de les froisser, qu'ils se brisent sous tes remarques et se tordent sous tes regards.

elle aide trop, elle aide tout le monde, elle aide avant de s'aider. mais elle a pas besoin d'aide, non. pas pour l'instant, pas dans cent ans. sa vie, elle va bien, alors velvet, elle tend la main pour aider les gens à se sortir du gouffre. il est bien noir, ce gouffre, un peu trop profond. certains y restent pour l'éternité. elle a pas les bras assez longs pour les aider, mais elle voudrait, elle veut trop. voilà, là, elle peut aider, elle peut ramasser les sucreries du garçon et les lui donner. gentiment, oui, comme ça. tu as un beau sourire, mon petit, tu as l'air gentil. tu cris un peu, c'est pas grave, c'est la vie. elle sourit, velvet. ô, merci beaucoup. elle garde le bonbon que lui tend l'inconnu comme si c'était un trésor, comme si c'était un objet de valeur. elle le met sur sa langue, elle le garde là, profitant du goût sucré jusqu'à ce qu'il fonde. et puis la jeune femme aux tatouages parle: un réglisse pour velvet, un réglisse pour le jeune homme. velours, elle aime bien les réglisses. mais pas les noirs, juste les rouges. les noirs, ils ont un goût étrange, ça lui plait pas trop, ça lui écorche la gorge. merci. un autre sourire. moi c'est velvet. et vous ? il semble qu'elle se soit présentée plus de fois ici ces derniers jours qu'en dix-neuf années passées à new-york. elle tisse, la jolie, elle tisse un réseau d'amis, de connaissances, et d'ennemies, oui, pourquoi pas, quelques fois./

Ils ont l'air trop doux, trop gentils, trop parfaits. Voilà. Toi à côté, t'es toute laide, effrayante avec tes réglisses tout noirs. Eux, ils ont des beaux bonbons, tout colorés, ou du chocolat pour les gourmands. Alors y a un partage, lancé par le joli garçon qui parle fort. (C'est pas grave s'il parle fort. C'est inhabituel.) Tu donnes les réglisses. La princesse tu vois qu'elle aime pas trop ça. Tant pis. Elle remercie quand même, elle est gentille. Elle livre son prénom, doucement, comme une fleur qui glisse sur l'eau. Velvet. C'est beau Velvet, c'est doux, puis rugueux quand tu te trompes de sens. C'est rayé, ou lisse. Écorché ou parfait. Ça a deux côtés un peu, le velours. c'est joli. moi, c'est joa. Joa joie, trop vite dit. C'est Joa pleure.

elle prend le bonbon torsadé, elle l'observe un moment, hésite. c'est noir, noir pas joli, noir réglisse. et ça a un goût un peu étrange, ce bonbon. elle ne l'affectionne pas, mais elle mord quand même dedans, parce qu'on lui a donné, parce qu'elle est polie. grimace; l'amer de la friandise. elle mange sans broncher, elle rigole un peu. ouvre l'emballage de sa gâterie, en tend un morceau à la jeune femme, en prend un. velvet sourit chocolaté. joa. c'est comme le mot français joie. joli bonheur aux cheveux ébène. joa joie. toi aussi, c'est beau. les yeux vert posés à nouveau sur l'étalage de bonbons, elle cherche quelque chose de sucré à acheter en plus. pourquoi tu aimes le réglisse noir ? c'est pas une question méchante, c'est l'interrogation d'une adulenfant.

T'étais là, tu paraissais peut être idiote avec tes bonbons. Trop gamine peut être. Tant pis, t'aurais pu avoir plus de choses pour ce prix là, dans un supermarché, mais tes réglisses te manquaient. Et puis, avec ces quelques bonbons, tu risque pas tellement d'abimer ta silhouette, toute fine. Tu risques juste d'augmenter ce sourire trop caché. Ça ne te ferait pas de mal. Elle grimace en mangent son réglisse, un sourire, et fait le rapprochement, avec joie. Un deuxième sourire. T'aurais dû lui dire, elle avait pas à se forcer, pour ensuite grimacer. merci. Et puis elle questionne à nouveau, sur ton amour du réglisse. je sais pas, y a des adultes qui aiment le réglisse, j'en fais parti. c'est l'un de ceux qu'on aime le moins, il faut bien des gens pour l'aimer. Nouveau sourire. sinon, les marchands de réglisse feraient faillite. Tiens, tu te demandes si les fabricants prennent ça en compte, s'ils font moins de réglisse que les autres bonbons. Tu pourrais débattre production de réglisse, mais bon.

et si joa paraissait idiote avec ses bonbons, alors velvet aussi, l'était. de jeunes adultes au coeur enfant, à la recherche du sucré, de l'acidulé. à la recherche de ce qui fait sourire. y'a bien des choses, qui rendent heureux. velours, elle aime le sucre. joa aussi. elle préfère le réglisse à la fraise, moins original que le réglisse noir. elle sait qu'elle a pas à se forcer, mais son grand frère lui disait toujours qu'il fallait apprendre à aimer. alors elle est là, elle apprend à aimer le réglisse nuit noire. elle sourit, hoche la tête suite au flot de paroles de la jeune femme. c'est vrai, elle a raison. je suis heureuse pour ces réglisses. elles ne sont pas délaissées, y'aura toujours quelqu'un pour les apprécier. les aimer. c'est un peu comme ça que ça fonctionne aussi, chez les humains. non ? si j'en mange beaucoup, peut-être que j'arriverais à m'y faire, à ce goût étrange. sourire aux lèvres. tu veux un chocolat ?

Elle est mignonne. Elle est gentille. Elle se force à manger le réglisse pour faire plaisir. Elle veut pas refuser. Tu lui souris. Elle a cet air enfantin, cet air rafraîchissant. Cet air donc tu avais besoin. Cet air que tu attendais en venant à Banff. Fini les épaules trop larges, les bras trop lourds, les sourires inversés. Tout ça, derrière toi. À toi les princesses, le velours, les sourires, les sucreries. Tu l'aimes bien cette velvet déjà. T'aimes ce qu'elle te dit sur le réglisse. oui, on a toujours besoin d'au moins une personne qui nous aime. qui nous aime comme on est. Parallèle réglisse-humain. C'était vrai tout ça. peut être, et puis, si t'arrives à les aimer, on sera au moins deux comme ça. comme deux parents qui aiment fort leur enfant. Parallèle réglisse-humain. Encore. Elle te propose un chocolat, c'est plus doux déjà. Ça apaise les douleurs et les peines le chocolat. Alors t'en veux bien. pourquoi pas ! et puis tu te tournes un peu, tu remarques la caisse. faudrait peut être qu'on paie, je crois. C'était moins joli, mais il fallait.