Depuis mon arrivée à Banff, il n’y avait eu aucun problème. Aucun débordement. J’étais persuadée qu’il n’y aurait aucune tentation ici, mais je me suis trompée. La porte du bar se trouve face à moi, mais j’hésite à la franchir. Suis-je vraiment prête ? Est-ce que je ne risque pas de foutre en l’air des mois et des mois de travail sur moi-même ? La tentation est partout en fin de compte, où que j’aille. Emmitouflée dans ma veste je commence à faire des allers retours devant l’établissement. Les gens à l’intérieur doivent me prendre pour une tarée… Mais finalement je cède. Certains démons m’hanteront probablement pour toujours, mais j’suis prête à en payer le prix. Alors je pousse enfin cette porte et pose un premier pied dans le bar. Il n’est pas totalement plein en ce début de soirée, mais une ambiance chaleureuse s’en dégage tout de même. Sans perdre une minute je fonce vers comptoir et jette un rapide coup d’œil à la carte. Tous ces noms de cocktails me font de l’œil, alors j’hésite, je pèse le pour et le contre de chacun, je les imagine. Faut faire un choix Nala, le serveur te regarde prêt à prendre ta commande. Et finalement je repère celui qui sera mon amant pour la soirée. « Une vodka martini s’il vous plait. » Qu’est-ce qu’ils diraient tous s’ils me voyaient ? Oh et puis après tout je m’en fous, ils ne sont pas là, je fais ce que je veux désormais. Rapidement mon verre arrive et se fait déposer devant moi par le charmant serveur. Je le remercie par un de mes habituels sourires tout en faisant avancer mon billet de la main droite. Et puis comme une conne je me retrouve à fixer mon verre, hésitant à prendre la première gorgée.

Ah, le bar. Il n’y avait rien de mieux. Dans n’importe quel pays, de n’importe quel genre, c’était toujours une délectation pour toi. Un truc que tu aimais. L’odeur du tabac et du sang avaient presque un effet apaisant sur toi. Toi tu ne participais à aucune baston. C’était pas pour toi. Même si tu savais te battre, tu n’aimais pas ça. Tu n’étais pas dans les idéologies peace & love pour autant mais tu n’étais pas celui qui donnait le premier coup. Sage garçon. Ton père serait fier de toi. S’il était en vie. C’était mesquin ça, t’en avais l’habitude. Te rabaisser, c’était une activité que tu aimais. Presque plus que de faire tes entraînements matinaux. Comme personne n’osait te rabaisser, qui mieux que toi ne pouvaient le faire ? Haussant les épaules à cette question que tu te posais, tu entrais, les mains enfoncer dans ta veste en cuir. Tu l’aimais elle aussi, elle te donnait l’air d’un gars mystérieux. Et puis tu te sentais bien dedans aussi. Ça comptait. T’asseyant au hasard, ton regard se tournait sur tes camarades de table. A ta droite, un gars un peu trop ébéché que tu n’essayeras pas d’engager la discussion. A ta gauche, plus intéressant. Une femme. Retiens la bête un peu Eliott, de la tenue en publique voyons ! La voyant hésitante quant au déroulement de la soirée, tu l’aidais, te rapprochant d’elle subtilement : « La même chose s’il te plaît Math. » Tu connaissais du monde, c’était bien mieux. Boisson en main, tu la tendais à la demoiselle pour trinquer avec elle, commençant ainsi la discussion. « Je peux vous aider à passer une bonne soirée si vous me le permettez … »

J'ai sans doute un peu peur de ce verre, mais il me fait tout aussi envie. La tentation de l'interdit, le vice en personne qui se présente à moi comme un vieil ami. Oh oui je t'ai connu alcool, je t'ai aimé puis rejeté. Aujourd'hui est-ce que tu es prêt a me pardonner ? Tu délires ma pauvre, c'est qu'un verre, ça va pas te tuer. Alors que je m'apprête à prendre ce fameux verre en main je sens une présence à mes côtés. « La même chose s’il te plaît Math. » Je n'ose pas encore me tourner vers la personne, mais le son grave de sa voix m'indique que c'est un homme qui vient de prendre place au comptoir. Je ne peux retenir un léger sourire, me doutant que sa présence n'est pas tout à fait hasardeuse. Ce n'est que lorsque le barman revient pour servir une deuxième vodka martini que je me décide enfin à lever les yeux vers l'inconnu. Plutôt pas mal, faut le reconnaitre. C'est plus fort que moi, la première impression est toujours la plus importante et pour moi c'est généralement celle qui me reste à vie de la personne. Il porte son verre vers le mien, alors cette fois je n'ai plus d'autre choix que de me saisir moi même du mien. « Je peux vous aider à passer une bonne soirée si vous me le permettez … » Et on trinque. J'ai horreur qu'on me vouvoie, ça fait trop adulte ce genre de chose, trop responsable. Mais je ne me démonte pas, il faut que je rentre dans son jeu. Après tout ce soir on brise les règles. « Vous insinuer que votre compagnie est agréable, c'est plutôt audacieux de la part d'un inconnu. » Machinalement je porte mon verre à ma bouche. La première gorgée est difficile, mais je parviens à la faire passer sans aucune grimace. N'importe qui n'y verrait que du feu. Et dire qu'ils ne me croyaient pas assez bonne actrice...

C’était peut-être une approche trop brusque. Une approche un peu trop directe mais tu avais toujours été un peu comme ça. Un nounours au fond, c’est ce que tu étais. Tes ex te l’avaient toujours dis. Tu n’étais pas du tout celui que l’on croyait être. C’était peut-être mieux, le mystère, c’était un truc cool. Ça attirait les filles et les garçons. Tu t’en faisais des amis ensuite. Ouais, le mystère, c’était cool. Retenant un soupire de lassitude lorsque le barman t’apportait ta boisson, tu lui fis un rapide coup d’œil pour le saluer avant de te tourner vers la demoiselle. Trinquant avec elle, je me doutais bien qu’elle n’était pas venue ici pour se faire accoster. Ou peut-être si ? Les gens avaient besoin d’autres gens pour vivre. C’était un besoin vital sinon ils devenaient fous. Donc ce soir tu l’aidais à ne pas sombrer dans la folie la plus primaire, c’était ça ? Preux chevalier que tu étais, aux services de personnes en danger. Portant toi aussi ton verre à tes lèvres, tu appréciais un instant la sensation de brûlure le long de ta gorge, réfléchissant à ce que tu pouvais bien lui dire. Etre subtile, ne pas la blesser et faire bonne impression, c’était dans tes cordes tout de même ? « A vous de me dire si ma présence est agréable. » C’était quelque peu insinueux mais ça allait comme ça pour l’instant. Dans un sourire léger, tu déclinais ton identité, ne désirant pas rester inconnu toute la soirée à ses yeux : « Eliott. Et vous avez un prénom ? »

Moi qui pensais être condamnée a passer la soirée seule en compagnie de mon verre, cette dernière vient de prendre une toute autre tournure. Boire à deux c'est moins déprimant que seul, j'vais pas mentir. Surtout qu'on se sent terriblement seul lorsqu'on débarque dans une ville sans aucun repère, sans même la moindre idée de ce qu'on veux faire. J'regrette pas d'être venue à Banff, loin de là, c'est juste le mal du pays probablement. Mais je sais tout de même une chose : je suis là pour vivre à nouveau. Tel le phoenix, je renais de mes cendres. Vivre passe par toutes sortes d'émotions que je n'ai plus ressenties depuis longtemps. Et quand je parle de ressentir je veux dire par là quelque chose qui me prend entièrement, qui m'absorde, qui me fait vibrer. Et pas seulement quelque chose de superficiel, d'un masque d'apparences qui trompe tout le monde. Alors rencontrer de nouvelles personnes est essentiel pour moi, vital même. Cet inconnu tombe donc à merveille. « A vous de me dire si ma présence est agréable. » Pour le moment je ne pourrai dire le contraire. Trop occupée à observer cet homme mystérieusement apparu à mes côtés, je ne me rends même pas compte que je porte à nouveau mon verre à mes lèvres pour une énième gorgée. « Vous avez une soirée pour me convaincre. Tâchez d'être à la hauteur. » J'accompagne ma dernière phrase, qui sonne presque comme un défi, d'un sourire malicieux. Je tente de ne pas me montrer trop provocatrice dans mes intentions, vieille habitude que j'adopte avec les hommes la plus part du temps. Mais selon eux mon attitude est plus amusante que réellement séductrice. Est-ce que je manque tant de crédibilité ? « Eliott. Et vous avez un prénom ? » Enfin une part du mystère se lève. C'est excitant de faire des rencontres. De découvrir petit à petit chaque détail de l'autre. Sa vie. Ses habitudes. La moindre insignifiante information me convient à moi. Même un prénom me suffirait pour être contentée. Un instant durant, j'hésite à lui révéler le mien. Mais ça me semble injuste et cruel de le laisser dans l'attente d'une telle requête. « Nala. Tout juste arrivée en ville. »

Etre seul alors que la soirée offrait tant de possibilité était tellement bête. Tant de personne pouvait te faire apprécier un peu plus cette soirée. Comme tu pouvais rendre la soirée de quelqu’un agréable et douce. Comme tu allais le faire pour une personne. Au moins elle. Tu étais là pour aider et sauver les gens après tout. Alors tu la sauverais de l’ennui et de la solitude. Et puis, elle n’était pas désagréable à regarder, mélangeant ainsi sauvetage et agréable. Sourire en coins, tu l’observais, amenant ton frère à tes lèvres quand elle faisait pareil, comme si tu tentais de faire miroir à elle. Comme pour essayer qu’elle te considère comme quelque chose d’aussi inoffensif que son reflet et qu’elle te laisse ainsi approcher. C’était un peu idiot car cela était très psychologique et en cette soirée, les gens ne se prenaient pas la tête avec de belles phrases et prises de tête. Tu haussais un sourcil, amusé lorsqu’elle te mettait au défi d’être à la hauteur de ses attentes et ainsi la convaincre que tu étais une présence des plus agréables et demandées. Après avoir révélé ton identité, tu te débarrassais de ta veste en cuir qui était superficiel en cet instant. Elle ne te protégeait d’aucune intempérie et te donnait chaud. Relevant ainsi une chemise quelque peu froissée car mise à la vas-vite juste après ton retour du taff. Tu te reconcentrais bien vite sur elle lorsqu’elle te donna un nom, son nom. « Enchanté de faire votre connaissance, Nala. » Autant faire dans les règles de l’art. Buvant une nouvelle gorgée de ta boisson, tu attendais un instant avant de rentrer dans les détails. Ce soir, le jeu était de se chercher et de se trouver. Qui était le chat ? Un peu les deux. « Vos premières impressions sont-elles positives ? » Le sous-entendu était clair et ton sourire, charmeur en coin le laissait à deviner. Pourtant, tu ne désirais que la connaître plus en détail. Dans le jeu de cette soirée, tu voulais tout connaître d’elle, jusqu’au goût qu’avait sa peau.

pardon du retard, dure semaine d'examens.   

 Je reste accrochée à son sourire. Suspendue à ses lèvres, attendant avec de plus en plus de malice ses prochaines paroles. En silence je l’observe retirer sa veste et faisant tous les efforts du monde pour ne pas paraitre le détailler sous toutes ses coutures. Je sais me montrer discrète, mais il est difficile de retenir cette petite étincelle qui brille au coin de mes yeux. Est-ce l’alcool qui me monte déjà à la tête ? Je ne prête pas attention à cette question et reprends une nouvelle gorgée. L’inconnu a désormais un nom, et petit à petit je commence à recueillir le plus d’informations sur lui. J’aime connaître les gens à la perfection, jusqu’aux détails insignifiants. Mais l’inconnu m’attire aussi, ne pas savoir est tout aussi excitant. C’est pour ça que je suis toujours aussi partagée lorsqu’il s’agit de me révéler moi-même. « Enchanté de faire votre connaissance, Nala. » Un sourie et je me contente d’acquiescer. Parfois les mots ne suffisent pas à m’exprimer, je ne trouve pas toujours avec exactitude celui qu’il me faut pour qualifier mes sentiments. Alors un simple mouvement de tête accompagné d’un audacieux sourire suffisent à exposer  le fait que moi aussi je suis enchantée qu’il soit venu me secourir dans ma solitude. « Vos premières impressions sont-elles positives ? » Je vais finir par fondre sur place. La tension devient de plus en plus forte, elle se fait ressentir des deux côtés. Faut-il céder à la tentation dès l’instant ou la faire monter un peu plus ? Pourtant ce jeu me tente bien. Il n’y a pas de règles en réalité, c’est à celui qui sera le plus malin pour faire céder l’autre. Une seule règle admise : tous les coups sont permis. « On aurait difficilement pu penser trouver mieux dans un tel endroit. » Je suis sincère, il m’est arrivé de tomber sur des ratés finis dans des bars même réputés de New York. Alors des trous il doit y en avoir ici, à Banff. Mais l’homme qui se tient devant moi semble être l’exception. « Je crois bien que vous avez fait un sans-faute jusqu’ici. Mais nous n’en sommes qu’au début de la soirée, vous avez toute la nuit à tenir désormais. »

Pas de problème, ne t'inquiète pas, moi aussi j'étais pas mal occupée avec des exams