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l’arrogance aux lèvres, tu avances dans les rues de cette ville au soleil levant. tu ne sais pas combien de temps tu vas rester là. à vrai dire tu n’as plus la notion de temps. tu te satisfais de quelques nuits par ville, t’as pas envie de t’attarder. les choses sont mieux ainsi, il ne faut pas qu’elles se prolongent. t’as trop longtemps pensé que t’avais la vie devant toi. et puis t’es tombé de ton petit nuage en découvrant que la tienne serait bien plus courte que celles du commun des mortels. éphémère ; tu es une bombe à retardement. mais tu continues de défier les vivants. l’arrogance aux lèvres, tu avances sans savoir où aller, t’as passé la nuit à marcher, à vagabonder entre les rues. clope au bec, tu t’adosses à un grillage pour regarder les premières boutiques ouvrir.

Il est bien tôt. Trop tôt pour les trois quarts de cette ville. Mais moi, je suis levé depuis longtemps déjà. Je suis allé à la ferme pour récupérer les quelques poches de fruits cueillis du matin. Je dois les livrer aux restaurants du coin. Un camion viendra leur offrir les légumes et le gros des fruits plus tard, aux environs de dix heures. Pourquoi les baies doivent-elles être acheminées plus tôt, cueillies à l'aube ? Je n'en sais rien. Mon employeur est superstitieux et un peu loufoque. Je ne lui demande jamais pourquoi il plante ses vergers dans l'ordre alphabétique ou pourquoi il nous oblige à changer de bottes toutes les six heures. Là, je descends de ma moto et je m'approche du premier restaurant. Il y a un mec adossé au grillage, qui observe en silence. Je pense qu'il sera parti quand je ressortirai.