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SHARE MY SINS - KEN ++ toi & toi.

Croque, croque, dis moi ton nom. Croque, croque, mords à l'hameçon. Curieux, tes yeux balaient la rue, à la recherche d'une femme. Laquelle ? T'en as aucune idée. Tu la cherches du regard, ton coeur s'arrêtant à chaque fois qu'un pas léger résonne contre les dalles et parvient jusqu'à tes oreilles. Chaque jupe que tes yeux croisent te fait frémir, te fait imaginer. "C'est elle", que tu te dis. Mais en fait, t'en as aucune idée. Elle ne t'a rien dit, en plus, hormis son prénom. Pas une couleur, pas une indication de son identité ... Et maintenant que t'y penses, tu te dis que vous avez été cons, parce que vous retrouver, tous deux, sans savoir à quoi l'autre ressemble, ça doit être le plan le plus casse gueule du siècle. T'en es persuadé. Tes dents aiguisées se plantent dans la pomme que t'avais volée, quelques heures plus tôt, à l'épicerie. Elle était encore fraiche et te permettait donc de te revitaliser, ne serait-ce qu'un peu. T'avais appris, plus jeune, que les pommes donnaient meilleure haleine, en plus. Autant dire que ta consommation de celles-ci avaient augmenté lorsque tu étais arrivé ici ; lorsque tu t'étais remis à fumer. T'essaies de ne pas trop le faire, d'ailleurs, parce que tu n'as pas envie que les gens te comparent à un pompier. T'es bien plus sexy qu'eux et tu le sais, et ça blesserait ton égo si on te disait le contraire. Tes yeux balayent la rue. Cela fait une heure dix. Et toujours pas un signe. Et toujours pas une indication que cette femme existe réellement. Tu commences à douter. Bientôt, tu vas finir par penser qu'il s'agissait d'un canular et que "Charlotte" n'existe pas. Qu'il s'agit en réalité d'une bête blague élaborée par un morveux et sa clique de potes boutonneux. Tu croques une dernière fois dans ta pomme. Putain, qu'est-ce que c'est bon. Et t'attends. T'es bon qu'à faire ça, de toutes façons. Attendre. Ce serait cool qu'elle se ramène, n'empêche, si elle comptait venir, parce qu'idéalement, t'aimerais bien avoir un réel endroit où loger. T'en as un peu marre de dormir par terre, sous la lune et les astres. Toi aussi, t'aimerais bien te poser ... Mais évidemment, t'as même pas de quoi te payer une chambre à l'auberge de jeunesse. Parce que c'est ça, d'être con : on fuit sa demeure sans prendre de fric avec soi. Et ça, l'air de rien ... Ça pardonne pas. Ça pardonne jamais.

Elle mâche son chewing-gum à la menthe puis le jette dans une poubelle avant d’en reprendre un autre. Sa mine se fronce, Johnny ne répond pas depuis une demi-heure. C’est chiant, c’est frustrant et elle ne peut pas s’empêcher de s’inquiéter … Est-ce qu’il va bien ? Est-ce qu’il s’en sort bien ? Elle n’en sait rien, Rahma soupire puis lève les yeux au ciel, peut-être qu’elle devrait juste lui faire confiance et l’appeler un peu plus tard … Ce n’est pas vraiment qu’elle doute de lui, c’est la seule personne à qui elle pourrait confier sa vie … mais c’est juste qu’elle a peur qu’il ne s’en sorte pas. Elle met son téléphone dans sa poche, jette encore son chewing-gum pour prendre une sucette à la cerise cette fois. « T’as fait tomber ça non ? » Dit-elle en indiquant un billet de 10 dollars à l’homme pas très loin d’elle.

Elle te parle, mec, et tu la regardes, curieusement. T'avais fait tomber quelque chose, toi ? Vraiment ? Bah dis donc, elle était bien forte, elle, parce que clairement, toi, t'en avais pas du tout conscience. Il faut dire que tu ne possèdes pas grand chose. T'étais parti, emportant le strict minimum avec toi, et c'est exactement ce qu'il te reste à présent. Ton visage ne peut cependant pas s'empêcher de s'illuminer lorsque tu vois le billet de 10 dollars du coin de l'oeil. Tu le sais bien, pourtant, qu'il ne t'appartient pas. Tu le sais bien, pourtant, que si c'était le tien, jamais tu ne l'aurais perdu et que tu ferais tout, à l'heure actuelle, pour n'avoir ne serait-ce qu'un dollar de plus. Absolument tout et n'importe quoi. Et voilà que Dieu, le grand Dieu tout puissant, là haut, là ... Ouais, celui auquel tu ne crois pas, ou du moins, que lorsque ça t'arrange ... Voilà que Dieu lui même a décidé d'arrêter de se foutre de ta gueule et de te tendre une main accueillante. Pour une fois. Te penchant, tu ramasses donc le billet, lentement, ne quittant cependant pas la demoiselle des yeux par peur qu'il s'agisse d'une duperie et qu'elle ne soit en réalité qu'une policière prête à te passer les menottes aux bras pour « vol » de la propriété d'autrui (ce qui sonne tout de même bien plus classe et austère, comme motif, que le "ramassage d'un billet qui pourtant, ne t'appartient pas" et tu le sais très bien.) Lentement, voilà que tes doigts effleurent le papier par peur sue celui-ci ne s'envole ou ne disparaisse soudainement. Par peur qu'il ne se volatilise d'entre tes doigts comme par magie et qu'il ne te reste alors plus rien.

Lorsque tu sens enfin que ton emprise sur ton ticket diner de la journée est ferme et que celui-ci est bel et bien vrai, t'en jubiles tellement de joie que t'es pratiquement sur le point de sautiller sur place, comme une fillette à qui on aurait offert son jouet préféré. Mais tu ne fais rien de tout cela. Tu te contentes de l'empocher, ce billet, ni vu ni connu, avant de te retourner vers la demoiselle et de lui marmonner entre tes lèvres et de façon à peine audible un simple : Merci. À tes yeux, il n'y a aucun besoin d'en faire ou d'en plus. Tu t'arrêtes donc là, persuadé que la conversation est terminée ... Mais t'en sais rien, en vrai. Peut être qu'elle va en profiter pour te taper la discut', après tout. Tu verras bien ce que tu feras si jamais ça arrive, de toutes façons. Tu aviseras, comme d'habitude. En attendant, des dents se creusent à nouveau dans la pomme, qui a sacrément souffert du retard de la "Charlotte". Cette pauvre petite pomme fragile et sans défenses. Elle n'a rien demandé au monde et voilà que tu n'en fais métaphoriquement qu'une bouchée. Tu devrais te sentir coupable, mais tu t'en fous, au fond. T'avais faim, et c'était elle que t'avais eu envie de manger. Il n'y a pas de quoi en faire tout un drame.

Elle se réjouit à l'idée de bientôt quitter cette chambre d'hôtel qu'elle abhorre, qui lui rappelle trop celle qu'elle a occupé, à l'hôpital. Elle va déménager, dans une maison, un apparentement. N'importe où, pourvu qu'elle quitte très vite la pièce aseptisée. Mais elle ne veut pas être seule. Dans un hôtel, il y a toujours quelqu'un. Elle ne peut pas supporter l'idée de vivre dans un foyer désert, elle qui a presque toujours vécu accompagnée. C'est ainsi que, voyant une annonce, elle saute le pas. Elle ne sait rien de l'homme qui a posté le message. Même pas son âge, ou son visage, uniquement un prénom au bas d'un sms, un prénom sur une présence confortable. Un seul prénom, trois petites lettres, comme arme contre la solitude, comme seul épée contre ses démons. Ses attentes sont trop immense pour être décemment portées, c'est pour ceci qu'elle se promet de ne rien révéler de ses réelles motivations. Elle improvisera, comme elle l'a toujours si bien fait, et tâchera de faire bonne impression pour que son sauveur malgré lui accepte de l'être, qu'elle puisse s'accrocher à son ombre comme l'on s'accroche à une bouée dans la mer.
Mais elle est en retard. Terriblement en retard. La bonne impression est ratée. Il faut dire qu'elle a légèrement surestimé ses connaissances de Banff. Elle pensait que la poste était près de l'hôtel et a donc laissé son affreux tacot bleu garé au bas de celui-ci. C'est au moins dix minutes après l'heure convenue qu'elle arrive devant le bâtiment de rendez-vous. Le porche est désert, mise à part une homme et une femme qui se tiennent l'un près de l'autre, dos à elle. Un peu confuse, elle s'approche du duo en disant, passant sa main dans ses cheveux, révélant à ses dépends son embarras : Ken? Je suis désolée, je suis affreusement en retard… Les rues m'ont joué des tours. Elle ajoute ensuite, accrochant un fin sourire sur ses lèvres : Je n'avais pas remarqué que l'annonce était pour une chambre pour deux… Mais je suppose que l'on peut s'arranger ! Sur ses mots, elle se retourne vers la jeune femme, découvrant son visage avec stupéfaction en s'écriant : Mais… Rahma ? Vous allez mieux ? Elle se souvient de ce trajet de la station essence à l'hôpital. C'était une rencontre si étrange qu'elle ne s'attendait pas à revoir la brune… Mais elle semble avoir fait son bout de chemin à Banff.

Il ramasse le billet, il a l’air content mais un peu bizarre quand même, il marmonne un petit merci à peine audible, elle fronce les sourcils et ressort son téléphone. Rahma soupire, tapote sur l’écran puis fait tourner sa sucette dans la bouche. « Ce truc est un vrai fils de pu- » Commence-t-elle avant d’entendre une voix familière … Oh mais c’est Charlotte, sa Wonder Woman, Rahma ne s’attendait presque pas à la voir. « Je n'avais pas remarqué que l'annonce était pour une chambre pour deux… Mais je suppose que l'on peut s'arranger ! » Elle secoue la tête, elle n’est pas là pour une annonce, elle se contente juste de patienter sur le trottoir. « Je crois que c’est juste pour ce monsieur … » Dit-elle en le désignant d’un coup de tête. La blonde lui demande ensuite si elle va bien. « Ouais, depuis la dernière fois j’ai beaucoup moins mal. » Par chance, rien elle n’avait rien de cassé. « Je pensais pas vous revoir de sitôt, et comme vous êtes la là, je voudrais vous remercier. » dit-elle en baissant la tête avant de la relever. « J’aurais vraiment pu mourir, donc merci. » Les remerciements n’ont jamais été son truc. « Donc, vous allez vivre ensemble ? »

T'aimes pas ça, parler à plusieurs personnes en même temps, parce que c'est comme ça que tu te perds facilement dans tes pensées. Lorsque deux personnes te parlent en même temps, généralement, t'as tellement du mal à te concentrer sur ce qu'elles disent que tu finis par les ignorer, toutes les deux ... Mais aujourd'hui n'est pas un jour comme cela. T'entends ton prénom provenir de derrière toi et c'est pour cela que tu te retournes. Logique, après tout. Tu sembles légèrement surpris par l'apparence de ta potentielle "bienfaitrice". Blonde, svelte, et pourtant, murie par les années, elle doit bien être l'antonyme parfait de l'idée que tu te faisais d'elle. Tu ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise chose, étant donné que t'as bien peur de la déranger, malgré tout. T'es pas un type ordinaire, et tu le sais. Si t'es pas du genre à te soucier de la vie des autres, t'as quand même ce truc en quoi qui s'appelle une bonne éducation ; ce truc qui te pousse à avoir peur que tu la décevras, elle aussi, avec le temps. Que viendra un jour où elle n'en pourra plus de toi, de ta sale gueule et de tes conneries et qu'elle emballera tes affaires gentiment pour toi avant de te jeter à la porte avec ta valise presque vide. Et t'aimerais clairement pas que ça arrive, ça, donc t'es légèrement déçu, parce qu'à tes yeux, la vieillesse rime avec l'austérité. T'aurais limite préféré qu'il s'agisse d'une petite midinette écervelée si cela voulait dire que tu n'aurais pas besoin, par la suite, de te contrôler ; de te tempérer dans tes pensées et dans tes gestes. Mais dans la vie, on prend ce que l'on a, et toute alternative est meilleure que ta condition actuelle. Ça, tu le sais. Souriant du mieux que tu le peux, même si t'as pas l'habitude de le faire, tu lui réponds alors.

- Aucun soucis : j'ai pu finir ma pomme, comme ça. En plus, tu venais de la terminer. Elle a un timing parfait, cette potentielle colocataire, en fait. Jetant alors avec désinvolture le trognon vers la poubelle qui se situe à deux mètres de là, tu croises mentalement des doigts pour que ce déchet tombe directement dans le récipient afin de ne pas te taper la honte d'aller devoir le ramasser pour le jeter correctement comme il se doit. Car on ne rigole plus, là : cette femme veut vivre avec toi, et cela veut donc dire qu'il faut que t'aies l'air parfait. Irréprochable. Tu te demandes d'ailleurs si cela la dérangerait, le fait que t'aimes fumer ... Et tu te dis que c'est une chance que ta pomme t'ait assez occupé pour que tu n'aies pas envie de te coller un clope au bec. Une putain de chance en effet. Lorsqu'elle parle de chambre pour deux, cependant, t'hausses un sourcil, ne comprenant pas où elle voulait en venir. C'est alors que ton regard se reporte momentanément sur Miss 10$ (parce que c'était comme ça que t'avais dorénavant décidé de l'appeler), et, une fois qu'elle aussi se soit mise à parler, tu commences enfin à capter le sous-entendu de la blonde à l'âge développé. T'as peur qu'elle se fasse des mauvaises idées : qu'elle pense que t'es un type indisponible, maqué et à marier dans un futur proche. Tu racles donc ta gorge avant de déclarer, calmement :

- Non, non, je viens seul, je te le promets. Tu sais bien que ta chambre, tu risques éventuellement de la partager ... Mais pas qu'avec une seule personne, et certainement pas sur la durée. Tu te gardes cependant de préciser ce détail parce que tu te dis que cela ne pourra que te porter préjudice. Alors autant faire comme si de rien n'était, agir comme le parfait gentleman, gagner cette chambre chez elle ... Et ensuite ? Bah, t'aviseras bien. T'avises toujours au dernier moment, de toutes façons. Cela ne devrait pas trop te dépayser. Les deux demoiselles se mettent alors à papoter et c'est là que tu comprends qu'elles se connaissent déjà d'une rencontre antérieure. Une rencontre à laquelle tu n'as pas assisté. Tu n'interromps pas, ne dis rien, te sentant légèrement de trop, pour l'occasion, sans avoir spécialement envie d'être inclus au centre de leur conversation pour autant. Tu te contentes donc d'observer tes godasses, le temps qu'elles parlent, et tu te rends compte qu'elles sont vraiment cradingues, pour le coup. Quand t'auras un toit sur la tête, faudrait peut être songer à les nettoyer, un peu, quand même ... Ouais, c'est ça, la première chose que tu feras, une fois que tu auras emménagé. T'en es persuadé.

Depuis hier, elle a décidé de reprendre sa vie en moins. Au moins le jour. Sa peau, pâle et terne depuis des semaines, a aujourd’hui volé quelques uns de ses rayons au soleil pour la déguiser en une blonde dynamique, spontanée et jolie. En la femme qu’elle était avant. Elle a même décidé de faire un petit effort vestimentaire, maintenant qu’elle a étoffé sa maigre garde robe. Troquant son habituel jean pour une jupe à volants fluide et son sweatshirt de Yale contre un simple débardeur assortie, elle se sent d’attaque pour son après midi de normalité. Elle veut faire illusion, paraître ouverte, et amicale pour faire bonne impression sur l’inconnu aux sms, et qu’elle ne soit plus seule. C’est donc le rose aux joues, de gêne et d’avoir marché très vite, qu’elle arrive enfin devant cette poste et s’excuse de son petit retard qui n’a pas eu l’air de s’en formaliser plus que cela. Facile à vivre. C’est déjà un bon point ! Elle en vient presque à culpabiliser. Il a l’air gentil, il ne sait pas dans quoi il met les pieds…
Elle se méprend visiblement sur la nature de la relation qui lie les deux jeunes gens puisqu’ils nient tous les deux la présence future femme dans la chambre à coucher que recherche Ken. Elle dit alors, les yeux rieurs, en direction de son potentiel futur colocataire : Oh mais vous… tu (?) fais ce que tu veux avec ta chambre après tout… Elle essaye, subtilement –ou pas d’ailleurs- de le mettre en confiance.
Elle se tourne ensuite vers Rahma qui la remercie, encore. Elle hausse les épaules en lui assurant : Ne vous en faites pas, c’est normal.. Quelques secondes plus tard elle rit au commentaire de la jeune femme. Alors, vont-ils vivre ensemble ? Peut-être… Ou pas… C’est ce qu’on va voir aujourd’hui ! Mais j’espère, oui ! Ca va, ça ne sonnait pas trop désespérée ? Elle se mord la lèvre inconsciemment, trahissant sa nervosité, et ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire nostalgique en se souvenant combien Matthew trouvait se petit geste sexy sur la bouche de sa belle.

Elle te dit que tu as le droit d'en faire ce que tu veux, de ta chambre ... Et c'est pour ça que tu lui souris, poliment. Ça te rassure un peu, légèrement ... Mais tu ne vas pas prendre ses mots trop sérieusement car, te connaissant, tu sais que tu tombes facilement dans l'excès, et tout le monde a cette limite, ce seuil de tolérance au delà duquel ils ne peuvent plus pardonner. Tu n'as pas envie de te retrouver à nouveau sur la rue de sitôt donc tu te tiendras à carreau ; c'est décidé. Tu regardes les deux demoiselles parler et tu ne comprends pas ce que tu fais ici, finalement. Certes, t'étais venu parler ... Discuter. D'un logement, d'un possible appartement. Avec elle. La blonde à droite. Celle plus âgée. Mais pour le coup, tu te sens comme un clochard face à deux femmes de haute société. Ta place, t'as pas l'impression de l'avoir, tant et si bien que tu ne cherches même pas à la trouver. Tu écoutes, en silence, regrettant ta pomme, perdue au fond de la poubelle. Et c'est alors qu'une personne passe derrière toi, te bousculant presque sur le chemin de la sortie de la poste.

Elle regarde Rahma qui s'éloigne en silence sans plus se formaliser. Elle a de toutes façons toujours trouvé a jeune femme un peu étrange. Elle se rapproche donc de Ken, son peut-être-futur-colocataire et dit, tout sourire : Tu veux qu'on aille discuter ailleurs? Parce que bon... l'escalier devant la poste n'est pas des plus confortables quand même... Elle essaye de cacher sa nervosité, tant bien que mal, derrière son sourire et les doigts de sa main droite courent doucement sur son avant bras-gauche, sur le tissus qui marque son énorme cicatrice.

Spoiler:

Elle t'invite à discuter ailleurs. C'est ta chance, Ken. Ta chance pour te trouver un toit sous lequel vivre. Alors tu ne rechignes pas. Tu ne fais pas ton difficile, et tu acceptes.

- Avec plaisir. Ta fierté, tu l'as remballée, pour cette fois, parce que tu as envie, réellement envie d'avoir un endroit que tu pourras appeler "chez toi". Tu la regardes alors, avec curiosité. Parce que tu sens bien que cette femme ne te dit pas tout. Que dans son regard, il y a une étrange lueur ... Quelque chose la préoccupe. Oui, c'est bien ça le soucis. Et pour l'une des rares fois dans ta vie, ta curiosité est réellement piquée. Tu n'oses pas réellement te diriger où que ce soit, ne sachant pas trop où elle compte t'emmener ... Tu te contentes donc de redescendre du perron et de marcher un peu, vers elle.

- On va où ?

Spoiler:

Dans sa tête, elle est perdue. Elle ne sait pas comment faire, et en réalité, elle ne l'a jamais su. Parce qu'après tout oui, C'est un nouveau départ pour elle, presque un premier rendez-vous. Seulement dans sa vie, il n'y a jamais eu que Matt. Il n'y aura jamais que Matt d'ailleurs, jusqu'à sa mort à elle. Ils étaient amis au lycée, puis meilleurs amis à la fac, c'est tout naturellement qu'ils sont sortis ensemble, comme une évidence, et c'est tout naturellement, bien que de longues années plus tard, qu'il lui a passé la bague au doigt. C'était un conte de fées, leur compte de fées moderne. Mais n'y a-t-il pas une chanson qui dit que les histoires d'amour finissent mal ?
- On va où ? Tirée de ses pensées par la voix de cet homme qui se tient en face d'elle et qu'elle ne connait pas, avec qui elle va pourtant vivre, elle ne peut retenir le pincement qui manque de lui déchirer le coeur. La simple idée de vivre avec quelqu'un qui n'est pas lui, de sentir un autre parfum que le sien flotter dans l'air, de voir une autre brosse à dent dans la salle de bain que celle qu'elle avait acheté pour lui... Elle ne sait pas si elle en est capable, si c'est une si bonne idée que ça au final...
Passant la main dans ses cheveux, elle dit, cachant du mieux qu'elle peut la faiblesse dans sa voix : On peut aller sur la plage? A moins que vous n'ayez faim? Elle jongle entre le tu et le vous, mal à l'aise. Une pensée traverse son esprit. La plage, sérieusement Jill ? - Charlotte. C'est Charlotte maintenant. - Elle n'a vraiment pas besoin que cet homme de même pas 30 ans pense qu'elle essaye de le draguer ou...

En l'observant, de ton regard furtif, tu te rends compte qu'elle semble plus nerveuse qu'elle ne souhaite en avoir l'air. Dans ses iris, tu comprends directement que quelque chose se trame dans son esprit. Des pensées semblent fuser et bouillonner de toutes parts derrière les voiles de ses yeux et pourtant, tu ne parviens pas à deviner lesquelles, exactement. Et puis, ses doigts âgés par le temps et l'expérience glissent fluidement dans sa légère chevelure blonde, et tu te retrouves distrait par ce mouvement doux et soyeux. Tant et si bien que lorsque tu reportes ton regard au sien, tu te rends compte que cette lueur d'inquiétude que tu croyais y avoir perçu, quelques instants auparavant, a, depuis, totalement disparue. Elle te propose de l'accompagner jusqu'à la plage, et bien que tu ne saches pas encore où celle-ci se trouve, tu n'hésites pas et tu acceptes, calmement.

- La plage me convient amplement. Tu essaies de rester contrôlé et calme, mais tu te rends compte que ta voie, rendue rauque par la déshydratation, te donne sans doute une intonation plus fragile que tu n'en aurais envie. Tu te mets alors à marcher avant de te rendre compte que tu as oublié un détail fondamental pour la suite de cet entretien :

- Et tu sais où est-ce qu'elle se trouve, la plage, en fait ?

Parce que toi, Ken, tu viens d'arriver ici. Tu ne connais pas encore tous ces chemins et ces sentiers, empruntés par d'autres voyageurs comme toi, errant sans causes et sans espoirs. Tu ne connais que ton passé. Mais aujourd'hui, tu espères pouvoir enfin t'en défaire.