Une toile aux contours effacés !

Trouble.... Troublée, mon esprit se trouble ici ou ailleurs la fin sera la même, fuir pour mieux vivre, fuir pour exister. Un nouveau départ ici, une destination au hasard des noms sur les listes d'embarquements de l'aéroport, ni proche, ni loin, juste ici pour quelques temps puis sûrement une nouvelle fuite mais pour le moment je suis ici, des touristes, des inconnus, beaucoup de monde et pourtant ici personne ne saura celle que je fus... Je ne suis plus la même, meilleure ou pire je ne le sais même pas encore. A peine un voile, quelques fines particules dans ma vision en silence quelque chose se décompose, ma vue se trouble et un jour ma seule vision ne sera plus qu'un trou noir. Je suis ici devant ce paysage si silencieux, juste allongée dans l'herbe contemplant une mer de nuages qui se dessine avec le vent.

t'avais ce besoin si irrépressible de prendre l'air. avant ça ne t'arrivait jamais. tu restais enfermée chez toi. t'étais mal. tu ne voyais jamais le soleil. c'est ce que tu aimais. et là, depuis quelques jours t'as changé. il faut que tu sortes pour te changer les idées. pour ne plus retomber dans la même dépression qu'avant. tu pensais avant tout ça que tu étais forte et il s'est avéré que c'était faux. tu t'étais pourtant préparé à tout ça mais t'as échoué. t'étais mal, si mal. t'as eu besoin de partir et c'est pour ça que tu t'es retrouvée ici. âme échouée. âme esseulée. tu t'es mis à marcher dès ton réveil pour te retrouver ici. devant ce magnifique lac. ici, il n'y a pas beaucoup de personnes. tu n'en vois qu'une à vrai dire. elle semble se reposer et t'aimerais lui ressembler. elle semble si apaisée. si calme. alors tu te rapproches d'elle. doucement. tu sembles attirée par elle. ou plutôt par sa quiétude. comme un aimant, tu te mue vers elle. tu ne fais aucun bruit. tu ne veux surtout pas la déranger. et puis tu t'allonges près d'elle. précautionneusement. tu ne veux pas lui faire peur. juste respirer un peu d'elle. de ce qu'elle dégage. car ça a l'air si bon...

T'as commencé à t'habituer à ta vie, ici. Avoue le. T'as commencé à calmement t'y faire, comme si elle avait toujours été ainsi ; comme si jamais le cours de celle-ci ne s'était dévié de sa destination finale initiale. Cela fait plusieurs jours que t'es à Banff. Tu prends encore tes marques, t'essaies encore de te repérer. Tu t'dis que la ville est calme ... Étrangement équilibrée. Un parfait mélange d'urbanisation et de nature. Un cocktail harmonieux qui te donne envie de te délecter de sa simple existence, tant ce lieu ressemble à celui ayant si souvent hanté tes rêves. Tes pas t'avaient guidé, comme d'habitude. Et toi ? Tu les avais suivis, comme un mulet. Un pas. Deux pas. Trois pas. T'avances en silence. Cinq pas. Six pas ... Cent pas. Mille pas. Un lac. Un lac non loin de là, et tu souris, légèrement, parce que tu te souviens que t'adores les lacs. Plus particulièrement cette stabilité que l'eau y étant gardée semble posséder. Une stabilité dont tu n'as que rarement pu bénéficier dans ta vie d'enfoiré. Alors tu t'approches. En silence. tu t'accroupis au rebord de l'eau et tu admires ton reflet dans le miroir de cette surface lisse et liquide. Tu te trouves beau, aujourd'hui, et tu souris encore, parce que ça ne t'était pas arrivé depuis des mois. Aujourd'hui est une belle journée mais tu commences uniquement maintenant à en prendre conscience. Peut être que ta vie ici sera différente de celle que t'as pu avoir, auparavant. T'en sais rien, mais tu l'espères. Tu te demandes si tu devrais faire des efforts pour que ce ne soit le cas ... Puis, tu te rappelles qu'ils ne t'avaient servi à rien, tes efforts, par le passé ... Et tu laisses échapper un faible soupir, d'entre des lèvres. Fragile comme une créature microscopique, celui-ci s'envole, et tu le trouves si fébrile et frêle que tu te dis que personne ne le remarquera ... Donc tu le laisses s'envoler. Comme ça. Sans au revoir ni adieu. Libre comme l'air, emporté par le vent. Et étrangement, tu te sens un peu plus libéré.

La vision de la vie, la vision des choses c'est tellement éphémère, le bonheur, le malheur, j'ai l'impression parfois de n’être qu'un pion sur un échiquier et je n'ai pas vraiment la bonne place pour finir gagnante dans cette partie. Le vent balaye les nuages, il pourrait aussi balayer mes soucis ? Rêve pas trop fillette, les miracles c'est pour les croyants et moi je ne le suis pas. Enfance heureuse, adolescence difficile et puis finir en numéro de dossier pour des médecins, n' être plus qu'un diagnostique, qu'une maladie, qu'une personne à plaindre. Je profite de cette vue, des paysages, des visages, j'ai en moi les images de mes proches mais tout ça un jour disparaîtra comme... moi. Mais pour le moment je suis juste ici dans un endroit totalement inconnu devant des nuages, stupide non ? Je perçois des bruits à coté de moi, quelqu'un vient de prendre place dans l'herbe, que faire ? Pourquoi ici alors que le lac est assez grand pour tout le monde. Mes mains deviennent moites je ne sais pas comment réagir, je me sens tellement stupide. Une fille ou peut-être un garçon, je ne sais pas, ma vision ne m'offre plus la vue sur les cotés depuis quelques temps déjà. Je regarde toujours le ciel qui s'obscurcit petit à petit, un peu comme mon esprit. « J'ai l'impression d'avoir cinq ans, d'être dans le jardin de ma grand-mère et d'imaginer des animaux dans les nuages. » Mais tais-toi Lenka. Quelqu'un d'autre passe à coté, je n'y prête pas d'attention enfin pas pour le moment. Je me redresse doucement et ne porte pas de regard sur la personne à coté de moi, ni même sur celle qui est en face de moi près de l'eau.

t'es allongée. et tu te sens mieux. ça te fait un bien fou de sentir de la chaleur à tes côtés. même si elle ne semble pas se rendre compte de ta présence au début, ça t'es égal. tu ne cesses de tourner les yeux vers elle. elle est imprégnée du beauté qui est transcendante. oui, c'est ça le mot. la transcendance. tu dois te dire qu'elle tient ça de ses parents. qu'ils devaient être magnifiques pour engendrer un tel ange. puis tu penses aux tiens et tu te sens mal. c'est fou comme des sujets tabous peuvent remontrer à la surface alors qu'on a eu tellement de mal à les chasser de notre esprit. c'est fou de se rendre qu'en l'espace d'un quart de seconde on passe du chaud au froid. et alors même que tu commençais à te sentir mal tu l'entends. elle parle. merveilleusement bien. sa voix fait écho dans ta tête. tu te mets toi aussi à regarder les nuages. t'as l'impression de voir un lapin mais t'as jamais été trop douée pour ces jeux-là. alors tu ne dis rien. mais tu souris. et ce sourire, elle ne risque pas de le voir. elle s'est relevée et elle pose ses yeux dans le vide. c'est comme si elle les reposait. c'est comme si elle avait les yeux fermés, tout en les ouvrant. et t'entends un léger bruit. ça vient de l'eau. enfin c'est ce que tu crois. tu te relèves à ton tour, t'es en tailleur et tu vois un mec près du lac. c'était un soupir. de lassitude ? peut-être bien. t'as aucune idée du visage qu'il a. il est presque de dos. mais t'aimerais qu'il se retourne. qu'il te regarde et que tu puisses voir s'il va bien. tu voudrais savoir s'il est comme toi. s'il fait partie d'un autre monde ou bien s'il est juste normal. t'as besoin de savoir.

Un nuage sombre se dresse au dessus de toi ... Et voilà que rêveur, tu te mets à penser. Tu regardes l'horizon, rêvant d'évasion. À peine arrivé, voilà que tu t'imagines déjà partir, t'enfuir, t'en aller, t'en voler ... Plus loin, encore et toujours, loin du présent, loin du passé, loin de tous, loin de ta destinée ... Disparaître dans l'inconnu, t'y soumettre comme un esclave se livrant aux violents coups de son maître et ce jusqu'à ce qu'il ne reste comme seule trace de ton existence sur terre l'écho de ton prénom dans le souvenir des autres. T'as envie d'oublier et d'être oublié . De vivre sans te soucier des conséquences mais sans jamais mourir pour autant. Tes pensées se contredisent et le sais bien, mais tu ne peux rien y faire : t'avais toujours été comme ça. Blanc et noir. Heureux et triste. Simple ... Et pourtant, cruellement complexe.

Le monde est beau, aujourd'hui. Toi, t'es beau aujourd'hui. Mais ton coeur ... Ton coeur est noir. Carbonisé. Un pale reflet de ce qu'il avait pu être par le passé. Une voix résonne derrière toi et tu l'entends de justesse, prenant au vol les mots prononcés par la jeune fille et les ancrant dans tes pensées. La jeunesse, le jardin, la légèreté, les nuages ... Elles sont ridicules, ses pensées, mais tu ne peux pas t'empêcher de les lever, tes yeux noirs, pour observer les cieux. Le nuage sombre s'est fait plus consistant. Plus menaçant, aussi, et l'espace d'un instant, voilà que toi aussi, tu te mets à voir des animaux dans ces traînées de coton aérien. Redressant légèrement ton dos, tu le sens battre, ce misérable coeur, au fond de ta poitrine ... Alors pourquoi est-ce que tu vis sans cesse avec l'impression qu'il n'est jamais là ?

Une brise caresse tes oreilles, comme pour te murmurer des mots doux ou une réponse à tes questions. Tu dois être sourd, dans ce cas là, car tu n'y perçois rien. Pas de mots, pas de couleurs. Aucune senteur, aucun goût. Tu n'entends que le simple sifflement monotone et moribond du vent plaintif, mais tu t'acharnes quand même, persuadé que ce son, tu pourras un jour le déchiffrer. Tu es tellement occupé par cela que tu ne remarques pas les perturbations qui sont venues se former à la surface du lac. L'eau qui danse, commence étrangement à vibrer ... Comme si quelque chose de spécial allait bientôt arriver.

Spoiler:

Que fallait-il dire ? Que fallait-il faire ? Ne plus rien dire paraîtrait étrange et plutôt froid, je ne suis pas une personne froide mais je ne suis plus non plus la fille extra-sociable d'avant. Elle se redressa quelques instants après moi, aucun son ne sortant de sa bouche, elle me prenait peut-être pour une détraquée, j'en étais peut-être une après tout. Je tournais mon visage et mon regard sur la personne à coté de moi, je ne regarde plus les gens dans les yeux de peur qu'ils voient à travers mes yeux, mon âme... Mon inconnu du jour était donc une jeune fille d’à peu près mon âge je crois, des yeux magnifiques, un visage fin. Mes yeux me brûlent tellement mais je déteste mettre des lunettes après tout j'aurais toute ma vie d'aveugle pour en mettre des lunettes noires. J'adresse un rapide sourire à la fille silencieuse. Le ciel s'obscurcit de plus en plus,la pluie menace de venir, un peu comme mes larmes, mes yeux me brûlent de plus en plus, ils doivent être rouge à présent comme un lapin atteint de myxomatose, je dois avoir une tête de folle comme ça. Le vent souffle de plus en plus, mince la nuit va être rude ce soir, dehors comme une sdf, j'ai pas eu l'intelligence de prendre du fric de mes parents avant de prendre l'avion et j'ai eu la stupidité de prendre le traitement pour mes yeux qui de toute façon n’empêche rien, la fin sera inévitable, allez Lenka un peu de motivation et de positivisme de toute façon mes parents me remettrons de l'argent sur mon compte enfin j'espère. Je suis ici ne sachant pas quoi dire à cette inconnue, les mains moites par l'angoisse. « Être un nuage pour apparaître et disparaître, juste se laisser emporter par le vent. Seulement apparaître et....disparaître.» Quand j'y pense l'eau du lac doit être froide, je me sentirais peut-être vivante en plongeant dedans, je commence à enlever mon haut puis mon jean, je suis en sous-vêtement debout face au lac, cette fois-ci je suis vraiment sur d'être folle.« Je vais voir si l'eau est bonne. » Disparaître... même si je ne suis pas un nuage.

Ça parle, par là bas, mais toi, tu ne te mêles pas à la conversation. Pas encore. Ça parle de nuages, d'apparitions et de disparitions et tu te dis en réfléchissant que cela te correspond plutôt bien. A-t-elle compris que tu avais disparu ? Te cherches-t-elle à l'heure actuelle ? Crie-t-elle ton nom dans le vent et espère-t-elle ainsi te rappeler auprès d'elle ? Peut être que c'est cela, que tu entends dans le vent : son cri plaintif. Celui qui prononce ton prénom ... Ce prénom que tu n'as plus envie d'entendre. Ce prénom qui ne te correspond plus. Secouant alors ta tête de gauche à droite, tu les chasses de tes pensées, tous ces souvenirs. De toi. D'elle. De vous. De ton passé. De ta vie. De ton identité. Il ne reste désormais plus que le présent ... Le présent et Ken. Il ne reste désormais plus grand chose, dans ta vie ... Mais cela te suffit. Ça te permettra davantage de te concentrer. Tu entends alors un froissement mais, croyant que ton esprit te joue des tours, tu n'y prête pas attention. Et puis, la voix résonne à nouveau dans tes oreilles et te dit quelque chose qui ne correspond pas à celle que tu t'imaginais entendre. Tu n'hallucines donc pas : ces mots sont bien réels, réellement égarés dans l'atmosphère et parvenus à tes oreille par hasard et non par dessein. Calmement, tu te relèves, doucement. Te retourne, face à l'inconnue ; la belle blonde que tu n'as jamais rencontrée par le passé.

- Je viens avec toi.

T'as jamais été homme très sociable mais tu veux bien faire une exception. Cette fille a des idées intéressantes et tu te dois de les examiner avec plus d'attention. Ôtant alors ton tee-shirt, tu le jettes avec désinvolture sur l'herbe avant de défaire le bouton de ton pantalon et de le glisser le long de tes jambes. T'hésites à tout retirer, principalement parce que tu détestes nager habillé, puis, tu te dis que ce ne serait pas respectueux pour les nanas ; que ça ne se fait pas en présence de jeunes femmes que tu ne connais pas. Alors, tu te résignes. Tu le gardes, ton caleçon. À contre-coeur, certes. Tu nageras nu une prochaine fois, va. Ne t'en fais pas pour ça.

tu lui avais répondu être un nuage c'est beau aussi. c'est original et unique. et c'était tout. elle s'était levée et tu l'avais regardée. et puis t'avais même pas été surprise quand elle commença à se déshabiller. tu t'attendais à tout, ici à banff. les gens étaient différents, les gens étaient plus naturels, les gens étaient plus intrigants. et ça qui était bien. ici, tout le monde avait vécu quelque chose, et personne n'en parlait. personne ne posait des questions sur l'intimité des autres. c'était une sorte de respect. et tant mieux. t'avais pas envie qu'on te pose des questions. sur toi. ta vie. tes proches. et là, tu voyais l'homme la rejoindre dans l'eau. elle devait être gelée. mais ils étaient beaux. la lumière était magnifique. il ne faisait pas beau et pourtant le soleil essayait de se frayer un chemin. ils n'avaient pas l'air d'avoir froid. tu te levais et t'approchais du lac. t'enlevais tes chaussures et t'hésitais à les rejoindre. un peu comme si tu voulais laisser ces deux êtres ensemble. comme s'ils étaient fait pour être ensemble là, maintenant. tu glissas tes pieds dans l'eau et tu ne réagis pas à la fraicheur de l'eau. c'était presque magique. tu les fixais et en même temps tu ne voulais pas que ton regard soit lourd sur eux. tu ne voulais pas faire du voyeurisme, surtout pas.

L'eau serait sans doute bien froide surtout dans cette saison mais qu'importe, je ne crains pas vraiment le froid, j'aime le froid surtout quand il vous saisit la peau d'un coup quand vous avez l'impression d'être paralysé par ce froid intense. Je m'approche doucement de l'eau je jette un dernier coup d’œil à mon inconnue du jour, je m'approche de plus en plus de l'eau, je passe juste à coté d'un homme, je ne suis pas pudique enfin je ne le suis plus après tout ce n'est qu'un corps parmi tant d'autres. Avant même que le moindre centimètre de mon corps ne soit humide, l'homme à coté de moi propose de m'accompagner, j'ai l'impression d'avoir de l'importance aux yeux de mes deux inconnus du jour, qu'elle folle idée de me suivre dans cette eau glaciale, voulait-il se sentir vivant lui aussi ? Qu'avais-je de plus à ce moment même pour que deux personnes s’intéressent à moi. Ma vue se trouble, s'obscurcit, je plonge mes pieds dans l'eau, mon corps frissonne mais, je ne ferais pas demi-tour non pas maintenant. Il se déshabilla rapidement pour venir me rejoindre. « Je ne voudrais pas être coupable de ton hypothermie. » Après tout je ne voulais être responsable de rien, je suis déjà responsable de tellement de choses. Il avait gardé son caleçon peut-être de peur de me montrer son service trois pièces, je souris à cette idée puis je plonge mon corps entier dans l'eau d'un coup, il valait mieux pour ne pas ressentir ce froid sur chaque parcelle de mon être. Ma respiration s’accélère, j'ai peur maintenant, peur de l'avenir, peur de ne plus rien voir, peur de l'eau mais je ne montre rien, mon corps tremble de froid mais aussi de peur, je ne vois pas parfaitement bien l'homme en face de moi, mes yeux me brûlent encore. Ils sont injectés de sang certainement. J’aperçois ma jeune inconnue enlever ses chaussures à son tour. Le monde était-il comme moi aujourd'hui ? « Vous êtes fous ! »

Tu ne sais pas pourquoi mais la blonde t'a intrigué. Ses mots t'ont captivé, même si elle ne t'avait pas parlé. Ainsi, plutôt que de te concentrer sur celle que tu supposes être son amie, tu t'es décidé à te concentrer sur elle. Tu la suis donc, calmement et en silence. Déshabillé, tu sens ton corps se faire asperger par les rayons lumineux du soleil et tu te réjouis de ce contact. Tu te rapproches lentement de l'eau, d'une façon presque machinale. Tes orteils s'apprêtent à recevoir l'accueil de cette eau fraiche et limpide lorsque sa voix s'élève à nouveau, t'interrompant dans tes mouvement. Elle te fait part d'une phrase que tu enregistres mais à laquelle tu ne réponds pas, car tu n'y trouves tout simplement aucune réponse. Elle s'offre alors au lac, toute entière, comme une vierge le ferait à son mari diabolique lors de la nuit des noces. Tu observes ce spectacle d'un regard à moitié émerveillé, avant de fermer les yeux et d'entrer dans le lac à sa suite, sans attendre ni réfléchir. Tes jambes se plient, ta tête se penche vers l'avant et voilà que tu plonges et que tu cèdes toi aussi à l'appel de l'eau. Elle est fraiche, claque contre chaque parcelle de ton corps de façon revigorante et brutale. Tu adores cela et tu nages donc, agitant tes bras devant toi dans une brasse gracieuse. Tu nages en silence pendant une seconde, puis deux puis dix, avant de ressortir violemment ta tête de l'eau lorsque tu ressens le besoin de t'oxygéner à nouveau. Elle vous dit que vous êtes fous et tu te dis qu'elle a sans doute raison mais tu ne comprends pas pourquoi elle vous annonce cela maintenant et sans raison. Tu trouves l'eau superbe, n'ayant jamais aimé les températures trop chaudes. Il faut dire que tu n'y a jamais été habitué : cela fait longtemps que tu n'as pas remis les pieds dans un pays chaud comme le tien.

c'était beau ce qui se passait sous tes yeux. ils étaient tous les deux à l'eau et semblaient apprécier ça. toi, t'avais les pieds qui commençaient à se glacer. mais ça ne te dérangeait pas. l'inconnu nageait de son côté et la jeune fille s'écria. oh non ne t'inquiète pas. on sait ce qu'on fait. c'est vrai. ce n'est pas ça qui allait vous tuer. à présent, tu avais mis ta main sous l'eau et la bougeais lentement dans tous les sens. c'était bien. c'était beau. il n'y avait plus un bruit, si ce n'est les légères vagues qui se formaient quand l'inconnu nageait. toi, tu ne voulais pas te baigner. pas maintenant. pas aujourd'hui. alors tu continuais à les regarder sans rien dire et tu souriais. tu appréciais ce moment calme et différent de tous les autres.

Spoiler:

Il fait si froid ici et à l'intérieur de moi, mon corps tremble, mon esprit a peur, peur du présent peur de l'avenir peur de tout au final. Ne plus être la petite fille modèle, la fille d'un pasteur, la fille d'une infirmière, des gens bien, des parents irréprochables selon la communauté de mon ancien petit village. Un amour étouffant pour finir seule ici , ironie du sort. L'eau glaciale ne me réconforte pas, rien ne pourrait le faire, rien ne me rendrais mon passé. Il est tellement important de laisser certaines choses disparaître. De s'en défaire, de s'en libérer, mon passé en fait parti intégrante. Je réinvente mon monde car j'ai toujours des rêves. Marre d'avoir les pieds sur terre, la fille modèle n'existe plus. Je plonge sous l'eau quelques instants, mon souffle n'est pas très endurant. Je remonte à la surface pour reprendre de l'air, une grande inspiration et je me retrouve face à lui, je m'accroche à son bras, je l'effleure puis me recule légèrement pour le voir même si son visage est flou pour moi et qu'il disparaît petit à petit. C'est la première fois que je touche un homme même si je ne le touche pas vraiment. J'ai froid, mon corps supporte mal cette fraîcheur soudaine, mes muscles se tétanisent les uns après les autres. Je ne sais pas quoi lui dire, le silence est parfois mieux, j'en ai sans doute assez fait pour aujourd'hui.

Une pression, sur ton bras. Eh ? Qu'est-ce. Tu ne sais pas. Te retournant lentement, tu les aperçois. Cinq petits doigts, cramponnés à ta chair ... Cinq petits doigts qui semblent fuir ton regard car, déjà, voilà qu'ils disparaissent à nouveau dans l'eau. Étrange, tout cela ... N'est-ce pas ? Tu cherches alors le bras auquel ces doigts là étaient rattachés. Le corps auquel ils appartenaient. En vain ... Ou pas. Tu la vois, à nouveau. Cette blonde à la chevelure étincelante. Cette blonde qui. inconsciemment, t'avais ordonné de la suivre, de l'accompagner. Et toi, toi qui renies sans cesse l'autorité, toi qui défies éternellement la hiérarchie et la souveraineté ... Toi, tu n'avais pas pu faire autrement que de t'y plier, pour changer. Car quelque chose dans sa démarche t'avait ôté toute envie de discuter. Tu la contemples, alors qu'elle découvre l'eau. Tu te demandes si elle, le froid la dérange ... Et tu te décides finalement à dire quelque chose. Une simple phrase que tu adresses à elle, directement.

- Elle est bonne, hein ?

Te retournant alors vers la brune encore assise loin de vous deux, tu étends également ta question à elle parce que tu te demandes si tu es le seul à l'aimer à cette température, l'eau.