si papa l'apprend, il va me tuer,
si papa l'apprend, il va s'énerver si rouge qu'il va exploser.
à cette pensée je sourit, accoudée au comptoir du bistrot
une bière à moitié vide, à moitié pleine entre les doigts
qui tourne lentement, au fil de mes pensées
c'est la fuite d'un mardi soir, c'est l'endroit ou peut-être
il ne viendra pas me chercher.

Un bar.
Se regarder dans le fond d’un verre, comme dans un miroir.
Pour essayer de passer un bon soir.
Juste un bar.
Constater qu’on a pas assez d’argent.
Alors il faut se tourner vers les gens.
Juste pour un verre.
Juste pour une bière.
Une blonde.
Comme la vagabonde.
Juste là.
Qui se trouve à côté de toi.
Faux lui faire les yeux doux.
Se faire gentil et tout mou.
« T’aurais deux ou trois pièces à me dépanner ? »
Un sourire.
Juste pour t’en sortir.
Que ça passe.
Ou que ça casse.  

je tourne le regard juste à côté de moi,
prend le temps d'observer son visage, sa peau, ses yeux,
sourit simplement, et détourne le regard à nouveau
l'air de rien, avant de glisser quelques dollars sur le comptoir,
et tourner la tête à nouveau, la pencher un peu sur le côté
curieuse, c'est la dech ce soir?

Passer pour un con.
Juste parce qu'on a pas un rond.
C'est frustrant.
C'est chiant.
Elle te regarde et répond pas.
Tu te dis que c'est fini pour toi.
Mais finalement elle tend la main.
Cette fois c'est pas pour rien.
« Ouais je viens d’arriver, c’est la galère »
Une sourire.
Juste histoire de dire.
Puis tu réclame ton verre.
Juste une bière.
Puis tu rends la monnaie.
A celle qui t'as sauvé.
« Merci petite »
Petite, en fait t'es pas sûr.
Elle a déjà l'air d'être assez mûre.
Pas une princesse en détresse.
Plutôt une rebelle tigresse.
Qui brave les interdis.
Pour venir dans des bistrots pourris.
Mais après tout ça te regarde pas.
Alors tu bois.

tu sourit face à sa réaction, évidemment que non
tu n'es pas de ces snobs, même si papa dirait que c'est pas snober
c'est juste le code que tu doit respecter
tu te penche un peu vers le brun et cogne ton verre contre le siens
a ta santé alors.
avant de réaliser.
hé ! j'suis pas une gamine
tu le regarde de plus près, plisse les yeux
pas plus que toi un vieux
pas très ouvert le garçon, mais t'as pas peur parce que tu le sais
que parfois y'as des gens qui ne savent pas s'ouvrir et ne comprennent pas
ce besoin des gens, juste de vivre

Elle trinque.
Toi tu te requinque.
Avec une gorgée.
Une grosse lampée.
Amer.
Dieu ce que tu savoure cette bière.
Puis elle râle.
Pendant que tu avale.
Tu l’as vexé.
Elle est pas facile à apprivoiser.
« Ho excuse moi »
T’es moqueur.
Tu fais l’acteur.
Parce que toi aussi t’es vexé.
Elle a trop abusé.
T’es pas vieux.
Mais tu reconnais, que c’était pas très judicieux.
« Mais entre nous, t’as vraiment l’âge légal pour ce genre d’endroit ? »
Et ça te faire rire.
Parce qu’à son âge tu devais déjà être pire.
Un regard entendu.
Si on te demande, tu feras comme si t’avais rien vu.

à sa manière de te répondre, tu détourne la tête
un petit tch dépasse tes lèvres et tu bois ta bière
tu te refuses à le regarder à nouveau, dévisageant plutôt l'arrière du comptoir avec un soudain interet
tu fait la fière et redresse les épaules
tu m'donne 15 ans pour me demander ça?
vexée un peu mais bon
t'es pas si prétentieuse pimbêche que ça.

Tu l’as vexé.
On peut pas dire que ta façon de parler lui plaît.
Elle te regarde plus.
Tu l’entends presque plus.
Un petit sourire en coin.
Tu fais ton malin.
Finalement tu retrouve son intérêt.
Et une question t’es demandée.
« Non pas si peu… Dix huit ans ? »
En fait t’en sais rien.
De le savoir ça changera rien.
Dans ce pays c’est vingt et un ans.
Dans ce pays c’est pas avant.
Tu hausse les épaules et tu bois ta bière.
Douce saveur amer.
« T’as juste pas encore été assez abîmé par la vie pour être plus vieille. »
Elle a pas encore les traces.
Tout à l’air en place.
Pauvre enfant.
Encore innocent.

un sourire malin,
c'est ce qui se dessine sur ta bouche quand il répond
il sait rien de toi, il peut rien dire sur toi
alors tu tournes la tête vers lui quand
il bavarde sur la vie, et t'arque un sourcil
y'as que les pessimistes pour dire ce genre de choses
tu détournes à nouveau la tête, boit une gorgée, puis reprend
avec un sourire, encore
tu vois moi, je m’abime pas avec la vie.

Pessimiste ?
Non t’aime juste pas les choses qui arrivent à l’improviste.
Parce que t’en as assez fait les frais.
Parce que tu sais que c’est la vérité.
On y échappe pas.
Parce qu’on a jamais le choix.
C’est la vie qui décide.
Parce que cette pute est acide.

Finalement elle a pas l’air si petite que ça.
Elle a pas l’air aussi conne que toi.
Son sourire gravé.
Elle a l’air d’insister.
Elle est sûr d’elle.
Faudrait qu’elle fasse attention à pas se brûler les ailles.
« Parce que tu crois vraiment qu’on a le choix ? »
Tu te tourne dans sa direction.
T’es plutôt en contradiction.
Mais elle a le droit d’y croire.
Qu’elle a encore le pouvoir.
C’est beau pouvoir encore rêver.
Qu’on peut encore se soulever.
Contre la misère du monde.
Contre la misère immonde.
« Je me demande bien pourquoi tu t’abîme avec l’alcool »
Peut-être un caprice.
D’une jeune actrice.
Qui a besoin de faire semblant.
Juste pour qu’on devienne plus aimant.

il est bizarre ce type, il semble tellement sombre
il sonne comme les abysses
et parfois tu te demande bien pourquoi les gens sont aussi froid.
quand sa tête se tourne vers toi et qu'encore une fois ses mots durs résonnent en toi
tu fixe ses yeux étranges des tiens
on a toujours le choix.
t'es pas philosophe, mais t'y crois toi, au choix.
je m’abime ? alors c'est un crime de vouloir boire une bière maintenant?
il te fait rire, il connais rien de toi,
il sait pas c'que t'as fait, pourquoi t'es là
comme tout les gens, grand peut-être
il cherche toujours le noir la ou il n'est pas
comme tu peut peut-être le remarquer, je suis loin d'être saoule et le bonheur de boire une bière n'as rien d'alcoolique
un sourire ironique

Elle a l’air d’être vexé.
Une peu renfrognée.
Pas du genre à se laisser faire.
La tension embaume l’atmosphère.
Tu la connais pas.
Tu devrais peut-être pas.
La juger.
La joncher.
Comme si t’avais tout compris.
A cette misérable vie.
« Ça va, le prend pas comme ça… »
T’as envie de te racheter une conscience.
Parce que de ta connerie, t’as pris conscience.
C’est juste un manque de confiance.
Toujours un masque d’arrogance.
Alors tu hoche la tête sagement.
Plutôt lâchement.
Parce qu’elle a peut-être raison.
Vaut mieux arrêter d’être en contradiction.
« Bon t’as raison, je t’ai jugé j’aurais pas dû… Je renonce »
Ça te fais mal de l’admettre.
Mais t’as pas envie de passer pour plus bête.
T’es fatigué.
Juste venu là pour te noyer.
Pas te bagarrer.
Ni pour te faire remballer.
Alors tu lève ton verre en signe de paix.
Une sourire pour l’accompagner.

finalement, il est peut-être pas si bête que ça,
il a assez de jugeote pour arrêter quand il exagère.
alors je sourit et tourne la tête vers lui,
je sourit et quand il lève son verre, je tape le miens contre
puis boit une gorgée, posant mon verre sur le comptoir.
je m'appelle théa.
je retourne la tête vers lui et sourit, encore
amusée
et comment s'appelle monsieur pessimiste?

T’as renoncé.
Pour pas te faire jeter.
Un peu de vie sociale.
De temps en temps ça fait pas de mal.
Elle trinque avec toi.
Finalement elle te repousse pas.
T’as même le droit à son nom.
Sans qu’elle te fasse tourner en rond.
« C’est sympa »
Tu souris.
Comme un abruti.
Ça lui va que trop bien pour son âge.
Pour sa beauté sauvage.
Puis tu fais la grimace.
Par ce qu’elle t’agace.
T’es pas pessimiste.
Seulement réaliste.
« Sky »
Mais tu te retiens de lui dire.
Pour pas la faire fuir.
Pour pas qu’elle te remballe encore une fois.
Pour pas qu’elle se retourne contre toi.
Alors tu fais un sourire faux.
Parce que vous êtes pas des animaux.
Faut arrêter de vous braquer.
Arrêter de vous déchirer.
« Et donc mademoiselle casse bonbon, elle a quel âge ? »

un sourire simple sur son visage,
tu te dis que c'est possible finalement, qu'il soit un peu heureux.
sky. comme le ciel, comme l'infini qu'il s'y passe.
casse bonbon à l'âge de voter, mais pas de boire, t'es content?
que tu dis en le regardant avec une petite grimace avant de feindre l'énervement
puis finalement, de sourire à nouveau, levant les yeux aux ciels.
encore un qui te prendra peut-être pour une enfant.
et toi, vieille branche?

Oui t’es content.
Entre vous plus d’aboiements.
Maintenant des sourires.
Presque des rires.
« Je le savais ! »
Ouais tu ris.
Parce que tu l’avais dit.
Elle encore trop jeune.
Même si elle a pas l’air d’être une nonne.
C’est dur de l’admettre.
Mais t’aime bien sa façon d’être.
Elle a l’air intouchable.
Invulnérable.
« Vingt trois ans, c’est pas si vieux que ça quand même »
Tu fais le vexé.
Même si c’est pas vrai.
T’es pas de ce genre là.
A regretter le temps qui est plus là.

je boit sans me soucier,
je boit pour un plaisir et non comme une bornée.
et toi, qu'est ce que tu fais là ce soir?
t'es du genre.. abimé ?
une pointe d'ironie, beaucoup de malice
parce qu'il me fait rire, lui qui à l'air si complice
avec le liquide ambrée entre ses mains.

Tu fais quoi ici ce soir ?
A broyer du noir dans un bar.
Ouais, tu plonge dans les abîmes.
En compagnie de toutes ces choses qui t’abiment.
« Je viens écumer les bars. »
Tu marque une pose.
Parce qu’elle ose.
Te retourner la question.
Dans ta tête y’a une accélération.
« Ouais, on peut dire que je suis du genre abimé… »
T’es pas du genre à te livrer.
Ta vie t’aime pas trop la raconter.
Surtout pas à la première venue.
Parce qu’elle à une tête d’ingénue.
Pourtant ça te touche.
Pourtant tu trouve pas ça louche.
T'as l'impression d'être un novice.
Qui se laisse prendre par ses vices.
Face à cet enfant.
Encore innocent.