Muse.
Musicale. Elle chantonne. Elle inspire.
L'air marin lui donne des ailes. Celles d'un oiseau. D'un bout de la plage à un autre, elle erre gaiement et tournoie sur elle-même. Jusqu'au vertige. Il prend naissance de la pointe de ses pieds au reste du corps. La tête tourne. Les esprits divaguent, s'enfuient. Elle tombe dans l'eau gelée. Et Muse rit. Elle est prise d'un fou rire, ne peut cesser de rire. Sa bouteille est allée se fracasser sur les rochers. Cendrillon à nouveau sans son prince charmant. Seconde pantoufle de verre définitivement brisée aussi : quand on lui apprit la nouvelle. Il ne reviendra pas. Il n'est plus, son brave amant qui servait le pays. Elle passe du rire aux larmes en un éclair. S'énerve contre les morceaux éparpillés mais surtout le contenu gâché. La belle devient folle. Muse n'a pas dormi depuis près de trois jours.

C'est dans l'aura nocturne que l'harmonieuse se promène. Dans l'aura nocturne qu'elle divague au gré du vent qui glisse et caresse chaque parcelles de sa peau surement trop découverte. Le sable est doux, s'insinue partout, l'air lui pique le nez, la fumée de sa cigarette fait pleurer ses yeux et réchauffe l'intérieur de son corps. Harmony, douce Harmony, qui dans le clair de lune entend le cri d'un oiseau. D'un bel oiseau échoué contre les rochers, au bord de l'eau. Elle approche de l'être, de la fille qui hurle, qui pleure, qui frappe et elle a mal. Mal pour elle perdue dans cette détresse. La femme enfant veut lui demander ce qu'elle a, ce qu'elle veut, mais elle se tait. Pour l'instant. Elle se tait, mais s'assoit près d'elle et lui attrape les mains et les réchauffe délicatement. Harmony ça lui prend comme ça de l'aider, de ne pas la laisser. Seule.

Le plafond noirâtre habille les cieux.
Mais l'insécurité est aux abonnés absents.
La nuit est tombée et Muse ne s'en est nullement aperçue. Les lumières de la ville se reflètent dans l'eau mystérieuse et offre un balai de couleurs délavées. Les éraflures se manifestent en une douleur physique caractérisée mais soudain ; soudain tout devient plus chaleureux dans l'ombre. Une présence féminine, silencieuse, vient à l'apaiser. Muse s'est calmée, s'est rapprochée timidement de l'inconnue. « Qui es-tu ? » lui demande t-elle enfin après avoir partagé un silence plutôt étendu sur la durée. Les images du passé progressivement s’atténuent. Ne laissant place qu'à des battement de cœur accélérés. Elle crevait la pureté, cette fille. Respirait l'innocence. Embaumait la gentillesse. Autrement dit, elle n'avait surement pas la place à ses côtés au premier abord. Les horizons flirtaient avec son esprit, le timbre de sa voix dansait avec ses pensées.

Contre elle se serre le corps fragile et la candide l'accueille avec délicatesse. Elle veut prendre cette souffrance loin d'elle, l'apaiser durablement. Pauvre âme qui se perd avec ses démons et s'enfonce. S'enfonce encore. Harmony la sent pourtant se calmer, contre elle toujours et d'un sourire empli d'innocence chante à ses oreilles « Harmony. » Doux chuchotement, mélodie qui tue les maux les plus sournois. Elle ne sait pas pourquoi elle s'est arrêtée. Attirée surement pas cette détresse émanant d'elle et étouffant tout autour. Elle ne la connait pas non plus, mais elle n'a pas besoin de ça. Non. Elle ne pouvait pas simplement remplir ses yeux de toutes ces lumières et ignorer. L'ignorer. Sa main parcourt les cheveux de l'inconnue, les caresse délicatement, comme une façon de lui dire que tout va bien, que tout va mieux, qu'elle est là maintenant. « Et toi ? » Son visage toujours illuminé de cet étrange sourire, elle demande. Elle ne veut plus que l'inconnue le reste.

Harmony. Indéniablement un beau prénom.
Dans son nouveau chez elle, tout est profondément étranger à commencer par elle. Cet ange tombé du ciel. Que fait-il à ses côtés ? Rien. Il est calme sous cette mignonne carapace féminine. Servant d'exutoire, de point de stabilité en l'instant présent. « Muse. » Le vent frais provoque d'horribles frissons dans la colonne vertébrale de Muse, l’assaillant de piques brûlantes par le même biais. Il gèle. Le besoin de chaleur est imminent et la plage est romantique. Non. Pas possible, ce n'est juste pas possible. Ce qu'elle ressent soudainement est purement fictif. Un rêve étrange dont on se réveille le lendemain en se posant mille questions. Elle ne dit rien. Absolument pas le moindre mot. Mais l'envie est naissante sans même connaitre la personne. Et surtout sans même que ce soit un garçon, un garçon qui de plus remplacerait son amant mort... très peu de temps auparavant. Avec un peu de chance, elle s'éloignerait. Ne serait pas réceptive. Ou au contraire, cette Harmony se brûlerait les ailes.

Ses lèvres s'élargissent en un sourire plus prononcé lorsqu'elle lui dit son nom. L'inconnue est à présent quelqu'un. Elle est Muse et Muse est calme. Elle est calme comme la mer qui à peine audible se fait berceuse tendre. Les corps ensemble frissonnent et échangent une douce chaleur réconfortante. Si réconfortante que l'innocente ange ne ressent pas le froid extérieur et qu'elle ne pense pas à lâcher cette nouvelle connaissance. Au contraire ses doigts s'accrochent à ses cheveux un peu plus et alors que ses prunelles saphirs fixent l'amie, l'autre main se pose contre l'une de ses joues. Elle est à la fois si chaude et si froide, un extrême de température qu'elle ne comprend pas, qui ne fait que renforcer sa prise. Un peu plus, juste un peu plus. « Muse. » qu'elle répète pour entendre le chant de ce nom encore une fois. Harmony se sent étrangement bien, c'est comme trouver sa place. La place qu'elle doit occuper, là où elle doit être. Contre Muse et ne pas la lâcher. Jamais.

Un écho. Son prénom en écho.
Muse lui adresse un sourire. « Oui c'est moi. » La beauté de l'ange danse dans ses pupilles. Une image qui virevolte tendrement. Elle n'ose plus bouger. Mais si elle cesse tout mouvement, elle finira frigorifiée ou inerte dans les bras de sa nouvelle connaissance. Déjà que ses doigts de pieds se transforment en glaçon peu à peu. Et elle se rend compte ensuite que la demoiselle est en train de lui caresser les cheveux avec douceur. Elle aimerait l'étreindre à l'en étouffer, Muse. Elle s'éternise, Harmony. Il n'y a plus aucun doute possible sur le partage de ses émotions. A moins que ce soit juste ambigu pour elle, qu'une inconnue (plus si inconnue) touche à sa crinière emmêlée. Par mimétisme, elle pose à son tour sa main sur la joue de la belle. Elle est caresse sa peau comme celle d'un jeune enfant. Approche ses lèvres par réflexe qu'elles déposent sur celle de la blonde. Le contact en est électrique. Renversant. Le goût de sa bouche est une gourmandise sucrée qu'on ne peut s'empêcher de garder pour soi.

L'harmonieuse rit. Rit d'innocence à sa réponse. Muse elle est jolie, même un peu perdue, éraflée par la vie et son vécu, elle reste jolie. C'est presque inconsciemment qu'elle continue ses caresses, douces, délicates. Elle ne se rend plus compte, elle aime la douceur amère de cette rencontre. Son coeur s'accélère alors qu'à présent Muse répond par les gestes, d'une caresse chaude et d'un baiser. Un baiser qui la fait frissonner et oublier. Tout oublier. L'endroit, la mer, la nuit et le froid. Tout. Il ne retient que sa découverte entre ses mains, lèvres contre lèvres. Elle a ce goût si particulier. Ce goût salé d'une vie qui ne l'a pas épargné, qui s'est fait un plaisir de lui faire mal, de la rendre plus forte ou plus fragile et pourtant. Et pourtant Harmony accentue la force du baiser, encercle de ses mains le visage de Muse, l'enserrant comme pour s'assurer que ce n'est pas elle qui devient folle. Elles ne se connaissent pas, trop peu. Mais ça se passe et à la fois spectatrice et actrice, Harmony embarque. Embarque avec Muse ailleurs.

Un baiser. Juste un baiser.
Muse continue de prendre sa bouche pour une invitation et d'embrasser les lèvres provocatrices au delà d'un chaste baiser. Elle a moins froid soudainement mais quand même ce n'est pas parce qu'un baiser est excellent qu'elle en oublie à part entière la température extérieure. Sous peu ce sera l'osmose, sous peu le coup fatal. Les papillons brûlent son bas-ventre, s'agitent violemment, nombreux et furieux. Elle manque chaque battement de leurs ailes, noyée par le regard de l'ange Harmony. Douce euphorie envahissante. Faiblesse. Elle prend le temps de brûler la moindre parcelle de son âme. Dans ses yeux, elle peut lire comme dans un livre ouvert : les intentions auxquelles elle va se prêter, audacieuse et fugace. Elle l'inspire, la stimule. Elle entrouvre les lèvres pour parler mais aucun son ne sort de sa bouche pulpeuse dont le gloss framboise ne fait plus hommage à sa beauté. Muse tremble, clignement des paupières obligatoire. Elle compte la conduire au plaisir sans qu'elle n'ait besoin de faire grand chose.

Un prélude étrange, l'ouverture d'un chapitre qu'Harmony n'aurait pu prévoir. C'est une rencontre sur le fil, quelque chose qui ne se calcule pas et elle se laisse faire. Elle se laisse guider par la brune qui vient la chercher du bout de ses lèvres pour l'emmener elle ne sait où. L'innocente ne cherche pas à savoir, ni à reculer. Trop inspirée par cette suite de notes qui s'alignent sur une partition nouvelle qui se laisse lire et qui monte crescendo. Doucement, tout doucement. Les lèvres scellées, qui s'écrasent et les doigts qui trouvent la peau. C'est dans un soupire chaud qu'elle accueille son amie et qu'en elle s'éveille un désir nouveau. Un désir qui tiraille ses entrailles et se noie dans une chaleur divine. Harmony le veut. D'un mordillement contre la lèvre rosée de Muse elle signe sa fin, leur fin commune. Ses mains découvrent le corps, des bras jusqu'au ventre et du ventre jusqu'aux jambes. Elle caresse l'harmonieuse quémandeuse, se collant un peu plus contre son corps. Corps luxurieux.