T'as chaud ici, avec ton cuir sur les épaules. Y'a trop de gens qui crient. En couleurs, en noir et blanc.
Trop de tout ça. Alors tu fermes les yeux, dans ton petit coin.
Qu'est-ce que tu fais là, déjà ? Qu’est-ce que t’attends ?
Trop rien. Toujours trop.
Alors tu comptes dans ta tête. Un.
Deux. Trois.
Quatre.
Mais rien ne change. Ils sont toujours tous là.

T'aimes pas les gens par habitude. T'aimes pas le bruit non plus et par conclusion, t'aimes pas cet endroit. Mais tu pousses les portes quand même. Tu les pousses et tu regardes autour de toi. T'aimes pas qu'on te regardes, t'aimes pas non plus les chuchotements. Tu hurlerais bien sur tout le monde pour la peine. Tu t'approches du bar, tu regardes autour de toi. Et puis finalement tu lui parles. Comme ça. T'aimes pas les gens mais tu lui parles quand même. Juste comme ça. « J'aime pas ici. Pourquoi t'es là ? »

Une apparition se reflète sur ton verre d’eau. Même sur ce plan tu fais tâche.
La jeunette toute seule. La garçonne à l’eau.
Mais t’es pas une glace toi. Nan, t’es pas une glace.
Une voix s'élève. Tu lèves même pas les yeux. Tu sais la couleur de ses cheveux.
Merci à l’ami verre. « Trop froid dehors. » Amusant, maintenant qu't’as
trop chaud.
« Toi ? » Un bout de ta phrase s'est perdu en route. T’es loquace ce mois-ci.
C’est effarant.

Franchise. Tu te poses des questions alors tu les formules à voix haute. Tu fais partager. C'est mieux que rien. Mieux que le silence finalement. Peut être que tu devrais pas être là, c'est pas grave tu partiras pas. T'inspires les odeurs de bière te donnant la nausée et le doux mélange de parfum à la sueur. C'est sale. C'est l'homme. « Soif. » Tu regardes le barman comme s'il pouvait lire dans tes pensées et te servir. Il ne bouge pourtant pas. Idiot. C'est agaçant. Tout t'exaspères. « Feu ? » Tu fumerais bien ouais. Mais faut-il qu'elle comprenne.

Tu hoches vaguement la tête, mi-compréhensive mi-à l’ouest.
A moitié dans ta bulle tout en ayant les pieds dans celle des autres.
Dans le monde vrai.
Celui où tu sens la chaleur. Celui à en étouffer.
Non, t’enlèvera pas ta s’conde peau en cuir. Alors t’acceptes la proposition du marron pâle.
Parce que le feu, c’est toujours dehors. Ou presque.
Mais ici, y’en a pas. Alors elle parle de clope, non ? Ou alors est-ce ton envie qui te fait délirer ?
Tu hausses les épaules en te levant, pis t’avances vers la sortie. A pas de loup.
A pas de chien.
Vers le froid.

Ta manière de t'exprimer laisse à désirer. Vraiment. T'es peut être trop nulle dans ce domaine, tu sais pas. Les relations, c'est pas vraiment ça. Mais au moins tu parles. T'as fais un effort ce soir, t'as fais le premier pas. C'est plutôt bien pour une première fois. Puis t'es pas dans ton assiette aujourd'hui, les éléments, ils sont pas forcément de ton côté. Tant pis, c'est à prendre ou à laisser. En tout cas elle a comprit puisqu'elle se dirige vers la sortie. Toi, tu laisses ton verre traîner sur le bar et tu la suis. Tu sors, t'inspires l'air glacial qui t'fais plus mal qu'autre chose et tu sors une clope. Le feu tu l'as pas alors t'attends qu'elle te le passe. Et puis par souci de sympathie, tu finis par lui tendre une cigarette aussi. Fume, je t'offre le loisir de mourir aussi.