KASIA

Tu cours après les morceaux de ton cœur. Qui s'effrite, qui s'effrite. Tu vas mettre les débris dans une boîte et tu la tendras à qui veux bien recoller tout ça.

amer peine. féroce crève-coeur. tu roules, roules, et roules encore jusqu'à ce que tes doigts en brûlent. mais rien n'y fait, la douleur est toujours là. elle est différente, mais elle est toujours là. jamais elle s'en ira. peut-être que le vent l'emportera, peut-être que le vent t'emportera.

Tu te promèneras avec et tu diras aux passants : aprochez, approchez, cœur à rafistoler, ça prend trois secondes mais moi je peux pas, je peux pas y toucher.
C'est presque ça que tu lui dis à la fille aux cheveux enflammés par une coloration rose, rose bonbon, rose bonheur :
- Dis, t'as quelques s'condes pour réparer un cœur ?
Trop tard tu vois qu'elle est peut-être pas foutue pour ça.
Chaise roulante.

réparer un cœur. si tu savais réparer un cœur, toi, ça ferait longtemps que tu serais guéri de ton propre malheur. de ta triste mélancolie qui te rongeait la peau, qui te rongeait les os, qui te rongeait le cœur. ton pauvre cœur. « et toi, tu peux réparer des jambes, dis ? » ta voix est douce. ta voix est calme. bien sûr qu’il ne pouvait pas. toi aussi, tu ne pouvais pas réparer de cœur. tu voudrais bien, pourtant.

Maxence t'as pas de chance, il a fallu que tu croises la personne la moins capable de t'aider avec tes poussières de cœur, pourtant une fille comme ça, une fille bonbon, on aurait tendance à dire que c'est une fille bonheur.
Mais non.
Manqué.
- Et toi, tu peux réparer des jambes, dis ?
Non.
Non tes yeux disent.
T'es pas un fortiche, t'es pas un super héros, t'as perdu la joie qui te rendait sonore comme un bulldozer, maintenant t'es plus bon à distribuer du bonheur. Pourtant tu savais faire. Vraiment. T'étais même un peu chiant. Trop bruyant.
Tu regardes ses jambes à l'air mortes.
Putain.
Putain autrefois t'aurais essayé.
Autrefois y a un mois quand y avait Alix avant qu'elle parte.
Tu tombes, tu maquilles ça en chute improvisée mais en réalité tu tombes un peu. Le bord de trottoir t'attrape et tu t'y assois. T'es bien là mon petit gars. Au ras du sol. Près des roues de la fille qui sont comme ses jambes. Tu voudrais toucher et chercher comment ça marche mais ça se fait pas. Trop.
- Qu'est-ce qu'on peut faire alors toi et moi ? Pour se faire passer le temps et se faire croire qu'on a des jambes qui marchent, un cœur qui marche ?
Et ta voix elle est morte.