T’attends devant ton potentiel nouveau logement.  Ton regard s’égare, au fond de tes yeux y a une ptite lueur d’espoir. T’observes tout, les gens, les alentours. Parce que c’est ptete là ton nouveau quartier. T’as abandonné tes rats  pour te plonger dans de nouveaux draps. Tu la connais pas cette fille, mais tu lui es déjà reconnaissant de te laisser une chance. C’est vrai que t’es pas chiant, mais t’es pas non le colocataire idéal, ça fait longtemps que t’as quitté le cocon familial, tu sais plus vivre en communauté, trop habitué à n’avoir que toi même à tes côtés. Tu profites de la sortie d’un habitant pour te faufiler à travers la porte battante. T’as l’impression que c’est le paradis, par rapport à ton taudis. Tu grimpes rapidement  les marches jusqu’au troisième étage,  impatient de connaître la suite des événements. Ta main puissante frappe contre sa porte. T’as envie de fumer, mais tu te fais violence.

Elle est anxieuse Tess. Elle vivait seule. Toujours seule, incroyablement seule. Son appart son vin et son chat. Et quand le chat est partit c'était son appartement, son vin et sa vodka. Mais aujourd'hui il y a plus d'appartement, il y a plus de chat et plus de vodka. Aujourd'hui il y a le présent et un futur tout neuf à écrire. Elle regarde les murs blanc comme des feuilles. Il faudrait colorier ces murs, avec de jolies couleurs. Et puis il faudrait des meubles, histoire de meubler le quotidien. Dans ce salon tout ce qu'il y a c'est un canapé et un bar sans tabouret. Et c'est la pièce la plus meublée. Une grande pièce avec de grandes fenêtres. C'est important les fenêtres pour rêver. Ca dissipe le brouillard les grandes fenêtres. A côté de ces grandes fenêtres elle paraît toute petite Tess. Et au milieu de cette pièce vide c'est un grain de poussière. Sur le bar il y a quelques boissons et quelques biscuits. Comme un goûter d'enfants. Un goûter pour des grands enfants qui elle l'espèrent fêteront le début d'une longue et belle aventure. Comme dans les films!
Elle attend en imaginant un nouveau foyer. Elle a regardé les chambres et elle choisirait n'importe laquelle pourvu que ce soit l'une d'entre elle. Même la plus laide. Même la plus petite.
Et puis elle pense qu'elle aurait du l'attendre en bas. Il a pas les clés de la première grosse porte. Et s'il attendait sans pouvoir la joindre? Et s'il partait? Et s'il changeait d'avis? Et si elle se retrouvait seule encore dans sa chambre d'hôtel froide? Elle paniquait tellement que le bruit de la porte en bois la fit sursauter. Elle voulait même pas y croire. Il était venu. Elle s'éloignait de la vilaine chambre. Elle s'approchait de la porte. Elle découvrait un grand homme brun. Un géant au traits d'un dieu. C'était ça. Un dieu qui venait la sortir de sa chambre impersonnelle. Elle le regardait un instant, il lui fallait du temps pour déterminer si c'était un rêve ou non. Elle avait tant espéré la venue de quelqu'un!
"Oh... Bonjour! Entre je t'en pries. Tu as soif? Tu veux quelque chose ? Tu ne trouves pas ça trop petit? Moi je trouve ça grand, mais t'es plus grand alors peut-être que tu trouves ça plus petit. Mais il y a de grandes fenêtres. Enfin grandes pour moi...
Elle panique un peu. Elle a tellement espéré qu'elle en a oublié de prévoir comment réagir. Elle avait outrepassé l'entretient. Elle avait imaginé toutes les issues mais pas le chemin. Alors elle toussotait pour se reprendre: Désolée, c'est le stresse, faut dire que j'en ai tellement marre de devoir choisir entre ma voiture et l'hôtel que je perds un peu mes moyens. Je vais me taire et on va te suivre... Elle ponctuait sa phrase d'un immense sourire d'excuse, un sourire de personne normale qui cherche une personne pour partager un foyer.

Quand la porte s’ouvre, c’est un joli minois que t’as face à toi. T’affectionnes déjà son sourire, y a quelque chose de réconfortant dedans. Tu lui rends de toutes tes dents, et tu fais un pas en avant pour passer le pas de la porte. T’es presque bouche bée, t’avais pas espéré autant. T’écoutes à moitié ce qu’elle te dit, trop absorbé par la densité de l’appartement. Il est peu meublé, mais ça c’est pas important. Ce qui te fait chavirer, c’est que tu te sens déjà bien, tu te sens chez toi. T’imagines déjà un peu la décoration. Pas que tu sois doué pour ça, t’as juste quelques idées. « Je trouve ça parfait. » Ton attention vagabonde entre l’intérieur du foyer et ta nouvelle colocataire. Tu la fixes quelques secondes, déjà en train de la scanner. Faut pas te louper, c’est avec elle que tu vas passer tes prochaines journées. Tu la trouves jolie. T’es qu’un connard, tu te vois pas vivre avec une meuf à la gueule de têtard. Pour toi, ça pèse autant que l’habitation dans l’équation. Tu remarques également qu’elle parle beaucoup. Tu trouves ça touchant, même si toi t’es carrément son opposé, t’es jamais très éloquent. T’avances un peu dans le séjour, tu sais même plus où regarder. « C’est pareil pour moi. Je vis à l’hôtel. Dès que j’y ai mis les pieds, j’ai eu envie de me barrer. » Tu repenses au gérant avec ses tâches sur les vêtements, et ton lit, dans lequel tu passais pas d’excellentes nuits. Tu souris à la jeune fille, et tu réalises que tu connais même pas son nom. T’as hâte de découvrir le reste de l’appartement, mais t’aimerais auparavant connaître son premier habitant. Sans elle, tu serais pas là. « Je m’appelle Côme, au fait. » Tu sais pas si tu dois lui serrer la main ou lui taper la bise. Alors tu fais rien, de peur de passer pour un crétin.

Il trouve ça parfait. Alors c'est pas elle. C'est l'appartement. Il donne envie d'y vivre. Même si il ressemble plus à un taudis elle préfère dormir sur ce sol que dans le lit de l'hôtel. Un lit à l'hôtel on sait toujours qu'il s'y est passé tout un tas de trucs. Et dormir dans le même lit c'est un peu se salir. Elle est pas prude mais elle a pas beaucoup aimé. Certaines nuits elle dormait dans sa voiture juste pour plus y penser. Et puis quand il regarde la pièce avec son regard d'enfant à qui on a donné la permission de choisir ce qu'il veut dans un magasin Tess est la personne la plus heureuse de la Terre.
Lui aussi il connaît les hôtels de Banff. Avec leur accueil pas vraiment accueillant et leurs linge de lit qui sent encore les anciens résidents.
Dans l'euphorie du moment elle a oublié la politesse Tess. Depuis plusieurs minutes elle parle à un inconnu. Cet inconnu s'appelle Côme. Avec une insistance sur le O. Comme si c'était un Français qui avait crée son prénom. Cet inconnu elle veut le connaître. Apprendre à le connaître chaque jour qui passe, entre ces murs. Moi c'est Tess. Désolée j'en oubliais les préliminaires. Elle sait pas comment on dit bonjour quand ça fait un instant qu'on parle. Alors elle reste là, prête à lui sauter dans les bras. Mais elle se contente de lever la main et de changer d'avis en montrant une chambre. Elle aura tout le temps d'apprendre à lui dire bonjour. Pour l'instant il faut se découvrir l'un et l'autre au travers des murs de cette appartement. Il faut le transformer en Foyer en le remplissant de sourires et de coups d'œil ébahis. Euh... là c'est la salle de bain, je t'en pries passes devant. Elle a les bras ouverts. Grands ouverts. Ouverts à toute la chance du monde pour que cet appartement lui plaise et qu'enfin elle puisse se sentir chez elle à nouveau. Si tant est qu'elle sache réellement ce que c'est un "chez soi". Les salle de bain c'est toujours propres, ça garde pas d'autre odeur que celui du savon. Une fois à l'hôtel j'ai dormi dans la baignoire. Parce que c'est tellement mieux que dans leurs lits tout imprimés de parfums déjà portés. Elle continue de parler. Pour pas perdre consistance. Pour meubler le vide et rendre chaleureuse la pièce. Si ils vivent ensemble il sera surpris de voir qu'elle parle pas vraiment autant. Mais là tout ce qui compte c'est de ne surtout pas se perdre dans l'Univers.

Elle a l’air excitée, heureuse de te voir à ses côtés. Tu lis à travers elle sa solitude, à une magnitude presque aussi élevée que la tienne. Du coup, tu te sens un peu comme un preux chevalier, venu délivrer la princesse de sa tour bétonnée. T’es ptete pas aussi vertueux que le narre les contes de fée, t’as même pas de fidèle destrier, mais tu vas quand même faire tout ce que tu peux. D’être de bonne compagnie, si besoin d’écouter ses soucis, de ne pas être seulement un colocataire, mais également un ami. T’en as pas beaucoup ici, et tu rechignerais pas à partager ta vie. « C’est dommage d’oublier les préliminaires, c’est tout de même plus agréable une fois qu’on s’y est attardé. » Tu fais exprès d’appuyer sur l’ambiguïté.  Parce que c’est dans tes gênes, de charmer. C’est un peu comme ta seconde nature, même si tu le voulais, tu pourrais pas t’en passer. Tu la suis, t’imprégnant déjà du lieu, impatient de gommer toutes les ratures entamées dans ta chambre d’hôtel. Tes insomnies, tes escapades, tes conneries tout sauf accidentelles. Elle s’appelle Tess. Tu te le répètes dans la tête, pour être sûr de ne pas l’oublier.  Tu chéris son hospitalité, les sourires par dizaine qu’elle t’accorde, et qui comme des ricochets viennent t’arracher les mêmes signes de complicité. T’es à l’aise avec elle, tu ressens pas de malaise, pas comme avec certains. Tes yeux foncés balayent la salle de bain, ta main caressant doucement le mur blanc. Elle sait pas elle, à quel point ça papillonne dans ta poitrine.  Ptete que bientôt t’auras plus besoin de morphine pour continuer d’avancer sur le chemin de ta ptite vie de mécréant. Tu demandes pas grand chose pour être heureux, des âmes pour danser avec la tienne, et un foyer chaleureux. « Toi aussi t’es fatiguée par la vie de bohême ? » Au début c’était excitant, de vagabonder, de t’aventurer là où le vent te poussait. Mais ne pas avoir de vrai chez toi, c’était comme un cancer qui te consumait.  T’as plus besoin des gens que tu veux bien te l’avouer. T’as besoin d’être entouré, de te sentir aimé, même si de ton côté tu fais toujours tout pour les en empêcher. Pour te punir. Tu quittes la pièce, et tu poursuis ta visite. Tu tombes sur une des chambres, et fatalement, tu demandes : « Les murs sont bien insonorisés ? » Un sourire taquin prend naissances aux coins de tes lèvres, détendu. Tu sais qu’elle a saisi le sous-entendu.