Tu étais partie loin de la France, loin de tes repères pour mieux revivre. Tes parents commençaient à t’étouffer, ton travail à te rabaisser. Alors tu t’étai enfuie comme un voleur, ne laissant qu’un mot sur la table du salon. Tu avais roulé, laissant ton instinct et le Guide du Routard te guider. Et te voilà ici, à Banff, louant une immense demeure pour fêter tes 23 ans nouvellement acquis. Barbecue en plein air, ballons dans une pièce, mousse dans l’autre. Toutes tes économies y étaient passées mais tu voulais t’amuser. Projet X ? Tu n’as pas peur. Aujourd’hui, c’est l’alcool qui guidera ta raison. Habillée d’une robe noire courte, moulante et en dentelle dans le dos, tu attends patiemment les premiers invités que tu ne connais même pas. On a qu’une vie après tout.

La musique battait déjà son plein entre les murs de l’habitat. Ton annonce sur le panneau d’affichage avait fait mouches et plusieurs personnes se trouvaient déjà là. Tu avais entamé la vodka avec un bon jus d’orange avant de te laisser tenter par un jeu de la bouteille. Tu avais uni tes lèvres à d’autres, mélangé parfois vos langues. C’était l’extase. Pas de limites, pas de route à suivre. Rien ! Tu revenais doucement vers la porte pour accueillir certaines personnes lorsqu’un jeune homme attira ton regard bleuté. Tous sourires, tu t’approche de lui en tendant les bras. « Bienvenue ici beau gosse ! » Il faut croire que l’alcool dans ton sang te rendait extravertie et incroyablement à l’aise avec les inconnus. « Je peux te débarrasser ? » Puis tes yeux entrent en contact avec la boîte de capote. Tu te mets à rire, mue par la folie. « Je vois que tu n’as pas perdu le Nord. Mais sinon, la table se trouve là-bas ! » Sur qui jetteras-tu ton dévolu ce soir poupée ?

clac clac clac. le bruit des talons martyrisant l'asphalte se fait entendre à des mètres de là. dans le crépuscule, je déambule à le recherche d'une maison où se fête l'anniversaire d'un certaine "avalon". non, j'la connais pas. ni en noir, ni en blanc. mais ça ne saurait tarder. je suppose que si elle a posté une annonce sur le panneau d'affichage, c'est qu'elle s'attend à ce que des paumés comme moi se ramènent, un cadeau de fortune à la main. des notes de musique se font entendre, j'en déduis alors que c'est ici que se trouve l'endroit dans lequel je vais passer ma soirée, ma nuit et peut-être même le lendemain matin, à dormir sous un escalier ou en plein milieu du salon. je monte les quelques marches puis je me retrouve sur le seuil, à attendre derrière une personne que je ne reconnais pas (ken) que quelqu'un vienne nous ouvrir. à la lumière des lampadaires, j'examine ma vieille bouteille d'arak. alcool libanais ou syrien, je sais plus vraiment. le genre de truc qui fait plus de 40 degrés et qui te stérilise la gorge après en avoir avaler une simple goûte. puis je regarde autour de moi à la recherche d'un endroit où jeter mes chaussures. les talons, ça a jamais été mon fort. je les ai juste mis ce soir, histoire de voir si je savais toujours marcher dignement avec. maintenant, je préfère les oublier.

Tu tentais de retenir le flot de gens qui arrivait, prenant ci et là les objets qu’ils avaient apporté. Au fond, t’en avais pas grand chose à faire des cadeaux. Tu voulais faire des rencontres, t’amuser, perdre la tête au moins une fois. Dire adieu à tes doutes et à tes peurs. Tout recommencer depuis le départ. Te faire connaître ici, dans la ville où est né ton père, parti trop tôt. Le courage est le commencement de la liberté. La liberté marque le début des limites imposées par ton esprit. Ton esprit enchaîne ton corps. C’est ainsi et ça le sera à jamais. Mais, désormais, tu testes toutes ces choses. La sonnette retentit et tu t’avances, tous sourires en ouvrant la porte. Et là, tu te figes parce que tu te trouves devant un séduisant homme. Tu te reprends vite avant de t’écarter pour laisser entrer les invités. Tu poses ton regard sur la demoiselle qui le suit toute aussi jolie. Sont-ils ensemble ? Ce serait dommage ! « Hé bien bienvenue ici. » Tes yeux se posent sur la bouteille et tes dents se dévoilent encore plus. « Très bon alcool ! La table est là-bas » Dis-tu en l’indiquant d’un geste vague de la main. « Faites comme chez vous. Il y a un barbecue dehors, une pièce remplie de mousse, un billard … Bref tout ce dont vous pouvez rêver. » Okay, stop toi là Ava, ça vaut mieux.

C'était un groupe de mec dans un bar qui en parlait. Tu étais au comptoir et tu avais entendu. Ils parlaient fort et invitaient tout âme qui vivent. Il ne t'avaient pas vu mais tu avais retenu l'essentiel. Un nom, un système de petite annonce et tu avais de suite vérifié sur ton portable. C'était vrai. Un peu fou. Tentant ... Tu n'étais que depuis la veille et peut-être devais-tu y aller doucement. Ou peut-être était-ce là un signe du destin, une perche tendue contre la solitude ... ? Chez toi, tu n'aurais jamais fait ça, jamais dit oui, jamais tenté. Pas seule. Pas besoin de ça pour s'éclater. Les potes, c'étaient pas ce qui manquait. Ici, c'est différent, complètement et tu en as besoin de ce changement. Alors le jour J, tu te trouves là, devant la demeure d'où se dégagent quelques basses d'une musique trop forte et quelques rires. Beaucoup de rire. La porte d'entrée fermée n'attend que ton doigt sur la sonnette. Trop formel. Tu hésites, regardes les accotés et opte pour une entrée par derrière. Tu enjambes une petite haie, contourne le parterre de fleurs et pénètre sur le terrain privé. Il y a du monde, un immense barbecue en préparation, des bouteilles d'alcool à gauche et à droite. Des rires, toujours plus de rires et déjà quelques danses collées-serrées. Toi tu as apporté quelques pack de bières mexicaines. Tu t'avances un peu plus au centre de l'animation. C'est étrange, tu aimerais presque ce sentiment d'anonymat. Un vent de folie souffle, tu as l'impression que ce soir tout est permis, que tu peux être qui tu veux. Un fin sourire s'accroche au coin de tes lèvres ...