la cascade est toujours plus calme que les autres endroits de la ville. c'est pour ça que j'ai tout de suite accepté lorsque Tom -si je me souviens bien- m'a proposé que l'on se rejoigne ici pour discuter de la proposition qu'il avait accroché sur le tableau d'affichage. le baby-sitting, c'est un peu le seul travail que je pourrais réussir à faire sans tout envoyer en l'air. j'ai toujours aimé les enfants alors je suis sûre que je serais la plus conciliante possible. alors une fois arrivée, je sors mon portable de ma poche puis je lui écris un SMS pour lui signaler que je suis là. au fond de moi, j'espère qu'il aura pas oublié.

Aujourd'hui il pleure. Il a décidé de se montrer sous son plus mauvais jour alors que c'est l'après-midi où il doit se vendre le plus. Cligner des étoiles des yeux et sourire à fond les ballons pour que la fille - Diane « la lumineuse » - brûle de tendresse devant lui.
Un sms : j'y suis.
Oui, oui, on court.
Je cherche une fille avec un portable en même temps que je débarrasse Cosmo de ses larmes - rares, elles sont imaginaires. Elle est là, elle est belle. C'est moi, qu'elle va baby sitter.
Ça commence.
- Salut ! Diane ?
Et Cosmo qui me perle de larmes dans les oreilles. J'ai envie de l'engueuler. Putain, fais pas ton sale gosse.

ils sont là. ils sont beaux. et directement, un sourire sorti de nul part vient se poser sur mes lèvres. le petit garçon ne semble pas en avoir envie, lui. mais c'est pas grave, il est mignon quand même avec sa petite tête d'enfant triste et ses chemins salés sur les joues. je regarde son papa, ça a pas l'air de lui plaire, que son fils ait l'air fâché. je le comprends. du moins, je fais tout pour. bonjour ! oui, c'est ça. et toi, tom? c'est le prénom que j'ai retenu, celui qui figurait sur l'annonce. et puis, je le tutoie. c'est une sale manie que j'ai, de tutoyer directement les gens que je connais pas. des fois, ça met à l'aise. mais des fois, c'est tout le contraire. puis je pose mes yeux sur son enfant. son enfant couleur chocolat. puis mon cœur fond comme une glace au soleil tandis que je me rapproche d'eux. les enfants, ça a toujours eu cet effet sur moi. devant eux, je deviens une chose toute faible. je souris de plus belle puis je regarde tom. je regarde même leur différence de couleur. entre eux, ça se voit même pas. il est vraiment trop adorable ! il a quel âge? lui, il a l'air jeune. il doit avoir mon âge. j'ai envie de l'aider, alors je souris encore.

Elle a un visage qui dit : « je suis gentille ». Et Cosmo, des yeux qui crient : « je suis mignon (mais un peu grognon) ». Je peux pas encore dire s'ils vont s'entendre et pouvoir parler d'étoiles tous les deux, mais j'aimerais bien que ce soit le cas. Une gentille et un mignon ensembles, et puis moi au boulot.
Ses lèvres me confirment son prénom et s'informent du mien mais j'entends pas sa voix, j'en saisis par la couleur à cause du chagrin de Cosmo qui inonde mes tympans. J'agite la tête, ça suffira. Et puis son chagrin commence à décroître, à se faire plus discret, elle en profite pour glisser, elle a une voix enjouée :
- Il est vraiment trop adorable ! Il a quel âge?
Je la trouve trop gentille.
Vraiment, trop. Parce qu'il est pas adorable, là, l'enfant colère, l'enfant tonnerre, il fait du caprice devant sa future nourrice, c'est vraiment pas charmant ça.
- Oh, il fait du boudin là tu sais ... Il a trois ans, donc il est autonome et tout ça, en gros j'ai juste besoin de quelqu'un pour le surveiller pendant qu'il fait ses affaires, quand je suis pas là.
Je la regarde un peu. Elle a peut-être le même âge que moi, je sais pas si ça doit me rendre triste ou pas, alors je fais un sourire et puis c'est tout.
- Tu veux le tenir ? Il a l'air d's'être calmé. Et il s'appelle Cosmo, au fait.
Me regarde pas comme ça, j'ai pas choisi.

je crois que, peu importe le comportement des enfants, ils auront toujours le même effet sur moi. l'effet d'un soleil qui éclaire, d'un soleil qui fait fondre, mais d'un soleil qui brûle, aussi. oui, ça, c'est le point négatif. et au fond de moi, je suis toujours brûlée. atteinte à vie. marquée au fer.
je l'écoute, le papa. il m'explique un peu, et moi, ça me va encore plus. si il veut bien de moi, je serais aux anges. je hoche délicatement la tête, soudain muette et toujours un sourire accroché aux lèvres. maudit sourire. arrête de sourire, diane, tu vas avoir l'air débile. c'est ce que je me dis, mais ça n'a pas vraiment d'effet. puis il me propose de le prendre. et il m'annonce son prénom. Cosmo. ça me fait penser au cosmos, à l'univers. je trouve ça mignon. oh, c'est original ! j'aime bien. non, je ne mens pas. si ça ne m'avait pas plu, je me serais contentée d'un sourire maladroit, mais ce n'est pas le cas. et oui. oui, je veux le prendre. j'attends que ça. je veux bien ! ça fait longtemps que j'ai pas porté d'enfant. sous-entendu : j'espère que je vais pas le lâcher. ça ferait mauvaise impression. très mauvaise impression. mais je sais que je ne le laisserai pas tomber. des gestes comme ceux-là ne s'oublient pas.

Cosmo comme le cosmos. Et c'est vrai que ses cheveux flottent comme des poussières dans l'atmosphère. Que ses yeux sont comme les milliers d'étoiles, qui brillent, dans le ciel, le soir. Cosmo, elle dit que c'est original. Et puis elle l'accueille dans ses bras :
- Je veux bien ! Ça fait longtemps que j'ai pas porté d'enfant.
Cosmo, je le regarde entre les bras de Diane et il fait bien, il a l'air bien. Sur ses joues il y a le souvenir salé et amer de ses larmes mais c'est tant pis pour lui, je sais pas ce qui lui a pris.
- C'est que t'as déjà eu à t'occuper d'enfants ? Frères et sœurs et tout ?
Je me souviens du jour où Eva m'a dit : tu veux le tenir ? J'en porte encore les marques, ma cicatrice c'est Cosmo. Le jour où je l'ai tenu contre mon cœur pour la première fois. En le lui offrant au passage. J'avais peur de le casser. Elle m'a dit : c'est bon tu l'tiens bien ?
Et elle est partie.

j'ai peur que mes bras soient en sucre et qu'ils s'effritent, là, sur le sol. j'ai peur que ma chair cède sous son poids plume et aille alimenter les petites bêtes sur le sol. pourtant, je l'ai. je le tiens. je souris. j'avais peur de le faire tomber mais mes bras l'accueillent comme une maison douce et chaleureuse. mes bras ne vont pas se briser, non. oui, c'est ça ! entre autre. mais je ne préfère pas m'étendre sur le sujet. ça ne changera rien de le dire, de toute façon. à quoi bon? je pose mes yeux sur Cosmo. il a l'air de s'être calmé. ses yeux sont comme une galaxie lointaine, qui attire toutes les étoiles autour d'elle. c'est un peu comme le vélo, ça s'oublie pas. je dis, en levant les yeux vers lui. enfin, on peut dire ça comme ça, je suppose.