le déclic se fait entendre. doux son familier, qui m'avait tant manqué. ouais, les photos dans le kansas, c'est très limité. puis une fois que t'as pris ta sœur, ton chien, tes parents, voilà. c'est fini. ici, j'crois que l'inspiration manque jamais. je baisse le leica, et j'regarde le paysage, avec mes yeux cette fois, en dehors du viseur. putain. c'est beau.

Le vent souffle. T'es jamais venue dans cet endroit auparavant. C'est beau. Un garçon trouve ça beau aussi. Il prend des photos. Toi t'es pas douée dans la photographie. Tu t'approches, et te plantes devant lui, tout sourire, tes cheveux blonds virevoltants. "J'pense que ta photo sera mieux avec moi dessus." tu dis en rigolant.

les filles de ce bled sont des fantômes. merde, c'est la deuxième fois qu'il y en a une pour venir me surprendre dans le silence complet. faut croire que j'étais trop occupé à regarder le paysage. à couper l'souffle, j'vous dis. puis elle aussi. mais j'me garde bien de le lui dire, et encore moins de lui faire plaisir. je cache l'appareil dans mon dos. "ça j'en doute, même si t'es pas dégueulasse, tu rivalises pas avec le paysage" je lui rétorque en rigolant à moitié, avec mon accent traînant du fin fond de la campagne. dans l'fond, j'espère qu'elle le prendra pas mal. elle a un drôle d'accent elle aussi tiens, j'ai jamais entendu ça.

C'est vrai que t'es arrivée un peu à l'improviste mais tu peux pas t'empêcher d'engager la conversation avec quelqu'un. Et puis il est tout seul. Et puis il est mignon. "Vraiment?" Tu dis en haussant les sourcils, petit sourire aux lèvres. "Essaye au moins" Tu insistes en te positionnant devant l'objectif et prenant une pose ridicule, bras en l'air, torse bombé. Vu comme tu ne lui le laisses pas de répit, ca t'étonnerais qu'il ne te trouve déjà pas chiante. T'aimerais bien entendre le bruit de son appareil, juste pour savoir s'il l'a vraiment prise, la photo et à quoi tu ressembles dessus. Ca pourrait lui faire un chouette souvenir du coin.

un léger sourire relève le coin de ma bouche en la voyant faire la mannequin devant moi. j'ai un rire bloqué quelque part dans ma gorge, qu'arrive pas à sortir. pourtant j'ai tellement envie de me marrer en la regardant que c'est dur de se retenir. "ok c'parti." et puis je la prends, sa fichue photo. j'en prends plusieurs même. et puis finalement, sur la dernière, j'éclate de rire en la voyant faire une tête phénoménale. je m'approche d'elle, et j'allume l'écran. je lui mets l'appareil entre les mains en priant pour qu'elle le fasse pas tomber. ya pas d'raison, non. "vas-y, regarde toi. t'as été mannequin dans une autre vie, c'est ça?" je lui demande en la regardant discrètement -ou pas. elle a un visage de chat, c'est curieux.

- putain d'merde.
ses cheveux blonds, trop blonds, ses cheveux d'ange se mêlent avec le vent. il les emporte avec lui, il les fait danser. et elle n'aime pas ça la môme. parce qu'améthyste est une enfant. enfant sauvage, enfant chimère, enfant quand même. améthyste est une enfant qui vient de loin, qui vient d'ailleurs. d'où vient-elle ? sûrement d'là-haut, là où se cachent les étoiles.
son regard bleuté se porte sur les chutes. le regard embrumé, elle détourne le regard. c'est l'amertume de l'étendue de bleu, la mélancolie de la poésie.