JERK RIBS - KEN ++ toi & toi.

Tu n'sais pas trop pourquoi t'es là, en fait. T'avais marché. Tes pas t'avaient guidé là ... Comme si t'avais des affaires importantes à régler, ici même, en ce lieu d'échange et d'argent. Et pourtant ... Non. Pas de travail, pas d'argent, un compte vidé par le temps et les tracas ... Quel besoin pourrais-tu bien avoir d'une banque à ce moment précis de ta vie ? Aucun. Et pourtant, te voilà. Tu avances vers le bureau. Il fait tard. Le soleil commence déjà à se coucher, d'ailleurs. Dans la banque, pas grand monde, hormis, peut être, la personne devant toi, au guichet, la personne derrière le guichet et, évidemment, la gamine assise sur l'une des chaises, patiemment. Attendant ... Quelque chose. Il doit bien y avoir d'autres gens que tu n'as pas encore croisés mais eux, tu ne les remarque pas. Lorsque ton tour vient de te présenter au guichet, tu parles à la personne se trouvant derrière.

- C'est quoi la procédure pour s'ouvrir un compte chez vous ?

Ou comment parler pour ne rien dire. Bien joué, Ken. T'as vraiment marqué le coup, cette fois-ci.

Il te demande si tu veux prendre rendez-vous et, initialement, tu clignes des yeux, non pas parce que tu n'as pas compris ce que c'est, exactement, qu'il est en train de te dire, mais plutôt parce que ce type, t'as l'impression que ce n'est pas la première fois que tu le vois. Lorsque tu te remets enfin de ta stupeur initiale, tu te permets de lâcher un faible :

- Non, non, ça ira. Je repasserai un autre jour, t'inquiète. Tu te demandes si tu devrais engager un semblant de correspondance normale avec Mister crème solaire ou si tu devrais laisser pisser et retourner à tes occupations. Heureusement pour toi, celui-ci prend le choix à ta place et dit à voix haute te reconnaitre. Tu n'as donc pas rêvé : c'était bel et bien lui, l'autre jour, le garçon sur la plage. Hochant de la tête, tu le regardes intensément avant de lui demander, d'une intonation curieuse, le regard fixé dans le sien :

- ... Oui, et ... ?

Parce que clairement, à tes yeux, il manque un bout de sa phrase, là, quand même.

Tu hausses un sourcil lorsqu'il commence à parler. Pour toi, ce que vous aviez fait n'avait rien d'extraordinaire. Il ne savait pas étaler sa crème solaire. T'en avais eu marre, de cette incompétence. Tu l'avais aidé. Fin de l'histoire ... Non ? Il te demande alors si tu vas bien depuis et, quelque peu déçu par la banalité de sa requête, tu soupires en haussant des épaules.

- Quand est-ce que les gens vont réellement bien ? On existe. C'est merdique par définition, non ?

Tu le regardes. Plonges ton regard dans le sien. Ce type te frustre. Il t'agace. Il t'énerve parce que tu ne vois rien, dans son regard. Pas de méchanceté. Pas de noirceur. Tu ne vois pas ces défauts qui rongent ton âme et te pourrissent au jour le jour. Tu ne vois que l'innocence ... Et ça, ça te donne envie de le dévorer. Et t'en as peur, de cette envie ... Mais tu ne sais pas la dompter.

Spoiler:

Tu te dis qu'il s'attendait peut être à ce que tu lui renvoies sa question mais, pour le coup, tu n'en avais réellement pas vu l'intérêt. Néanmoins, sa proposition t'intrigue légèrement. Il t'invite à boire un verre, et chez toi, ça ça veut dire que ... Tu n'auras pas à le payer. Il est donc logique que tu ne peux qu'accepter. Tout le monde sait que l'alcool et toi, c'est une grande histoire d'amour. Du moins ... Tout le monde que tu connaissais "avant". Tu n'es pas aussi enthousiaste face à l'idée de devoir parler philosophie avec lui mais t'avais fait bien pire pour bien moins par le passé donc ce serait un faible prix à payer.

- Tu connais un bon endroit, au moins ?

Tu le sais, que t'es désagréable, mais tu ne peux pas t'en empêcher. T'es né comme ça. T'es pas méchant, dans le fond. Mais tu es obligé d'en donner l'impression. C'est une protection, en fait. Tu protèges les autres ... Tu les protèges de toi. Parce que tu sais que sans ça, tu serais capable de les détruire, et tu ne veux pas que cela arrive. Celui-ci te donnera probablement du fil à retordre ... Mais tu es confiant que tu peux passer une soirée avec lui sans chercher à lui sauter dessus. Alors tu acceptes sa proposition. Sans te soucier des conséquences.

Peut être que tu devrais.

Spoiler:

- Je te fais confiance, guide moi.

Tu souris, légèrement. Tu ne sais même pas pourquoi. Mais pour une fois, tu te le permets. Tu attends donc calmement qu'il rassemble ses affaires. Qu'il se prépare à sortir. Tu le regardes, pendant ce temps. Tu l'observes, du coin de l'oeil, et tu te dis qu'il a l'air réellement délicieux, ce garçon ... C'est à ce moment là que tu détournes du regard car tu te dis que tes pensées vont trop loin, encore une fois. Il te demande ton nom et tu ne réfléchis même pas lorsque tu lui réponds, tout bêtement :

- Ken.

Tu ne lui demandes pas le sien. S'il souhaite te le donner, il te le donnera, après tout. Il te sourit. Sort d'ici. Tu le suis. Ta langue lèche discrètement ta lèvre supérieure ... Puis, tu la ranges. Tu te calmes. Tu te contrôles. C'est juste un verre, Ken. Un simple petit verre de rien du tout. Cela ne devrait pas tant t'affecter. Ressaisis toi. Tu vaux mieux que cela.

Il te demande un nom de famille et tu pestes, parce que tu n'y as pas encore réfléchi, à ça. Alors tu réponds de la façon la plus logique qui soit : tu détournes entièrement la question.

- Juste Ken.

Tu hausses des épaules, désinvolte. Tu essaies de lui expliquer de par ton corps qu'au final, cela ne reste qu'un nom, sans grande importance. Cela ne change ni ton visage, ni ta personnalité ... Du moins, pas à ton avis. Les astrologues semblent toutefois penser le contraire, et ça, tu ne pourras pas les en empêcher. Il te déclare alors son nom avec ce que tu perçois comme étant une certaine fierté, et pourtant, tu le trouves moche, son nom. Tu n'hésites d'ailleurs pas à le lui faire comprendre, indirectement.

- Ouais, Sid ça me va aussi, c'est moins casse gueule à prononcer. Il te fait un clin d'oeil et t'hésites entre l'envie de le frapper, celle de le plaquer contre le mur pour l'aguicher ou le fait de ne rien faire ou dire. Après mure réflexion, tu te contentes de rester silencieux, contrôlant tes pulsions et ignorant son jeu d'yeux. Tu le suis donc jusqu'au bar. Vous entrez ... Et à ce moment là, tu le devances pour t'installer à une table. Comme ça. Dans le coin. Loin des gens, loin des regards. Et tu l'attends.

Tu t'installes, sans demander la permission de le faire. Tu te poses, tu t'assieds, et à ce moment là, tu te permets quand même de soupirer un peu, parce que tu te dis que cela te fait énormément de bien de pouvoir enfin te reposer un peu. C'est même soulageant. Le type de la banque s'installe en fasse de toi, et tu hausses alors d'un sourcil, comme par réflexe ... Parce que dans cet éclairage doux et tamisé, tu crois remarquer dans ses traits une lueur que tu n'avais pas vu auparavant. Une petite étincelle dans son regard que tu avais jusqu'alors ignorée et qui, pourtant, monopolise ton regard, à l'instant présent. Tant et si bien que tu ne peux voir que cela. Lorsqu'il se dévêt légèrement, tu ne peux d'ailleurs pas t'empêcher de penser que ce costume professionnel lui sied bien ... Il lui va même comme un gant. Il te demande alors ton prénom, et tu ne réfléchis même plus. "Ken", tu réponds. Le prénom que t'avais choisi, au pif, le premier jour où tu es arrivé ici. Et maintenant, voilà qu'il te demande d'où tu viens ... Et, étrangement, tu te décides de le charrier un peu, en adoptant, exprès, une attitude des plus mystérieuses.

- Oh ... D'un peu partout et de nulle part ... C'est faux, évidemment. Tu sais très bien d'où tu viens, étant donné que ton voyage ici a dû être le premier que tu as fait hors de ton nid d'oisillon. Mais ce n'est pas grave. Ce n'est pas comme si tu n'avais pas l'habitude de mentir. Ou plutôt, de dissimuler la vérité. Et puis, au final, tu reviens plus ou moins de nulle part, donc tu ne mens pas totalement non plus.

- Et toi ?

Tu lui demandes alors, ton regard planté dans le sien, comme pour l'avertir qu'il ferait mieux de ne pas te mentir, à toi. Comme si tes yeux lui déclarent qu'ils seront capables de savoir s'il se met, lui aussi, à mentir, ou non. C'est faux, certes, mais bon, un coup de bluff de temps en temps, ça n'a jamais tué personne, la preuve étant que t'es encore vivant à l'heure actuelle.

Spoiler: