J’me promenais dans ce grand parc, fleurissant de partout. Les plantes semblaient s’en foutre du froid et tout ça. Je savais même pas quelle heure il était, j’avais passé la nuit à vagabonder dans les rues de Banff. Je savais pas trop où aller, ce que je faisais. Et puis quand j’arrive pas à dormir, moi je marche. Je me promène partout. Il faisait bientôt jour, je crois. Allongé dans l’herbe, je mate les étoiles. C’est un truc que j’fais souvent, c’est mon côté poétique, fleur-bleue et tout ça. Bref, je caillais. J'avais qu'un pauvre blouson en cuir par dessus un col roulé laid moche et peu importe.
En fait on voit que dalle et j’entends des bruits autour de moi puis une silhouette trébuche sur moi et se rattrape pourtant. Agile. Eh… Je me relève et j’attrape le poignet de ce qui semble être une jolie fille. Fais attention, un peu.

La fille, elle ramène son bras vers elle, un peu brusquement. Je plonge alors mes mains dans les poches de mon blouson, ne sachant plus quoi faire d’elles. Je crois que j’ai un peu brusqué la demoiselle. Et puis je sais même pas pourquoi je lui ai attrapé le poignet. Parfois je fais des choses qui m’échappent totalement, j’agis bizarrement, ça me frustre. De vrai. Elle sourit. enfin, si on peut appeler ça un sourire. Je suis sûr qu’elle fait partie de ce genre de filles qui sourient presque jamais. Ce genre de filles qui ont la bouche toujours indifférente. C’est le genre de filles qu’on voudrait faire sourire. Ouais, de rien. Je marmonne. Pas toujours aimable, comme garçon. Faut dire que je commence à fatiguer, j’ai passé ma nuit à vagabonder. Je suis même pas sûr de retrouver mon hôtel. Bon alors, qu’est-ce que tu fous ici la nuit-aube-matin, j’sais pas quelle heure il est. Je demande. Mes yeux se posent sur elle, franchement. J’adore regarder les gens. J’aime tellement ça que ça les déstabilise bien souvent.

Mon pouvoir de déstabilisation sur les gens a marché : elle baisse le regard. J’adore quand je réussis à faire ça. C’est complètement puéril, débile et tout ce que vous voulez mais moi ça me fait jubiler. Jusqu’à ce que tu trébuches sur le merveilleux obstacle que je suis, c’est ça ? Elle va s’asseoir sur un banc pourri et humide un peu plus loin. Moi je préfère rester debout, à côté. Elle sort une cigarette et je l’imite aussitôt, l’allumant machinalement. Ça va tuer le silence et le froid, pour sûr. Je vagabonde dans la rue. J’arrivais pas à pioncer. Mais j’ai dû m’perdre parce que je sais pas du tout où je suis. Je hausse une épaule, l’air de dire tant pis. Cool de voir que je suis pas le seul à apprécier les promenades nocturnes au clair de lune. Je hoche la tête. Je dois passer pour un fou tordu. Et la pauvre, elle est coincée avec moi au milieu de ce nulle part de verdure. Ça caille, hein. Tuer le silence. Tuer le silence. J’adore parler pour dire du vent.

Je remue un peu sur mes jambes engourdies d’avoir arrêté de marcher pendant ces quelques minutes. C’est une gentille fille, celle qui fume sa cigarette à côté de moi. Mais les filles qui fument ça me dérange, elles devraient pas. Elles feraient mieux de fumer des fleurs ou non, pas les fumer mais en mettre plein dans leur cheveux pour sentir les fleurs tous le temps. Ce serait bien, non ? Je pense ça tout en regardant ses doigts qui remuent dans le brun de ses cheveux. Elle me dit que la ville est par là bas. Je dis D’accord, allons-y. après qu’elle m’ait proposé de marcher. J’attends qu’elle se lève et on se met en route, avec nos cernes de quinze kilomètres sous nos yeux fatigués. Paco. Salut, enchanté, tout ce que tu veux. Je dis ça alors que ma cigarette est coincée entre mes lèvres, ça fait un bafouillis bizarre mais je pense – j’espère qu’elle a compris. Et toi, c’est comment ? Je suis sûr que t’as un joli prénom. J’en étais vraiment sûr. Parfois on est sûr et certaines de choses qui ne s’expliquent pas. Tu devrais pas fumer. Pourquoi tu te mets pas des fleurs dans les cheveux ? Je demande finalement.
J’espère qu’elle partira pas en courant.

Elle s’appelle alors Abby. Je suis sûr que c’est qu’un surnom et quand réalité son nom c’est Abigaëlle. Quelque chose comme ça, avec tout plein de lettres à l’intérieur. Alors elle a raison de choisir de s’appeler Abby. Les prénoms trop longs, moi je trouve ça bizarre. Deux syllabes, c’est ce qu’il faut. C’est joli. Je dis, en hochant la tête. Il n’y a que deux syllabes, et deux syllabes, c’est ce qu’il faut. Je pose un court instant mes yeux sur elle et lui lance un sourire.
Abby me dit qu’elle va arrêter de fumer. Je la regarde comme pour dire, elles disent toutes ça. Mais elle s’arrête et jette sa cigarette au sol qu’elle écrase. Je jette un coup d’œil au ciel-nuit-étoiles-matin avec un sourire satisfait. Puis elle me renvoie la question. Les filles renvoient toujours les questions.
Elles veulent tout savoir.
Nos regards se croisent. Parce que je suis un garçon. Je dis d’un ton léger sans plus chercher à me justifier. Parce que les fleurs, c’est joli. Les fleurs, ça sent bon. Alors tu préfères sentir la cigarette ou les fleurs ? Je demande et je dois avoir des airs de garçon naïf. Je me penche sur le bas côté et je vais pour cueillir des fleurs à leur berceau. J’en ai quelques unes dans la main : roses blanches rouges jaunes.
Je vais me positionner face à Abby. Je prends les fleurs et glisse les tiges une à une dans ses cheveux. On dirait une déesse ou quelque chose comme ça. La belle enfant ! Je souris. On dirait un tableau. Je murmure en regardant son visage de déesse.

Elle me dit qu’elle pourrait être aussi un garçon. Je laisse échapper un rire. Non, sinon je ne pourrais plus te mettre de fleurs dans les cheveux. Je rétorque doucement. Elle retire l’une des fleurs de ses cheveux – une rouge. Elle me la tend et je l’attrape. Une cigarette dans la main, la fleur dans l’autre. Elle a eu raison de l’enlever, ça ne se voyait pas assez dans sa crinière brune emmêlée par le vent. Mais maintenant, maintenant c’est parfait. Il n’y a pas de défaut.
Sa bouille de gamine bredouille et ses fleurs dans les cheveux.
Pas de défaut, non. C’est quelque chose que je pourrai regarder pendant des heures, je pourrai vraiment le faire. M’asseoir et regarder. Il faudrait qu’elle soit assise sur un banc en pierre. Il faudrait son être tout entier avec des fleurs. Et on regarderait le vent se mêler à tout ça.
Abby dévie ma personne pour reprendre la route. Je la rattrape en deux foulées rapides. Épaule contre épaule. Quelques fleurs tombent du haut de cette falaise vivante. Elle me demande depuis quand je suis ici. Je hausse les épaules. Oh, pas longtemps. Je viens d’arriver. Je connais absolument rien ni personne, ici. C’est bizarre, cette sensation d’inconnu infini.
Pas longtemps, non. Juste assez pour être tombé sur cette fille et ces fleurs dans ce parc. Mais, mais oui c’est bien les fleurs et puis tu sais ça te va vraiment bien. Un peu comme cette veste, que tu portes tu vois. C’est quelque chose que tu devrais tous les matins dans les cheveux. Je dis ça tout en regardant les pétales qui se promènent dans sa chevelure.
Sourire, encore.

Elle me propose de m’inviter pour lui mettre des fleurs dans les cheveux. J’ai envie de lui prendre la main et de lui hurler d’accord, on refait ça tout de suite si tu veux, et même tous les matins c’est moi qui viendrais te coiffer et…  J’adorerai. Et je ne manquerai aucun rendez-vous. Un sourire léger découvre mes dents. J’aime me sentir léger, comme ça. Le manque de sommeil me rend toujours un peu plus aérien, un peu plus ailleurs.
C’est pour ça que dormir peu ne me dérange pas, je n’ai pas ce souci de devoir être sérieux ou quoi que ce soit. Je peux juste être moi. Elle s’arrête et mes pieds en font de même. Sa main délicate vient chatouiller mes cheveux.
Je ris tout doux à ses paroles. Mais je peux en mettre derrière mes oreilles, tu sais. Comme quand les gens font avec les crayons pour avoir l’air sérieux et tout ça. Les fleurs derrière les oreilles par contre ça donne un air poète. Je hoche la tête comme pour dire oui, oui, ça donne vraiment un air poète. Nous reprenons notre marche comme une seule personne.
Ce qui est fantastique, c’est que nous marchons. Nous savons que nous allons vers la ville mais sans nous diriger vers un endroit précis. Le soleil se lève devant nous. Et tu préfères être poète ou sérieuse ? Moi je préfère être poète. Je termine enfin ma cigarette que j’écrase au sol.  Je m’empare de sa main, finalement (elle me faisait de l’œil, et puis je m’en fiche on ne se connaît pas).
Ça ne te dérange pas ? On se sent moins perdu, comme ça.

Abby a cette peur naïve qui me touche vraiment. On dirait qu’elle marche toujours sur la pointe es pieds et qu’elle contemple l’univers avec des yeux timides. Elle dit que ça lui ferait plaisir, le coup de venir tous les matins pour mettre des fleurs dans les cheveux. Ça me ferait plaisir aussi. Un petit bonheur quotidien, qui apporterait un sourire par jour (et c’est déjà énorme, un sourire par jour).
Moi j’suis sûr que tu pourrais devenir poète. Je pense que les faux-poètes ils en veulent pas des fleurs dans les cheveux. Encore une fois, mon menton s’incline. Comme si j’appuyais chacun de mes mots. Mais c’est parce que j’y crois, à tout ce que je dis. Bon, toi t’en as retiré une mais c’est parce que t’es pas encore habituée à ton rang de poète.
Ses doigts se resserrent un tout petit peu. Pression minuscule.
Je fais de même, tout doucement, comme une caresse éphémère qui dit d’accord. Ça me rend tout bizarre cette rencontre. Cette fille qui se laisse prendre la main sans partir en courant. Cette fille qui se laisse assommer de fleurs. Cette fille qui m’écoute sans se moquer ou me mépriser.
Mon pouce dessine des cercles sur sa peau diaphane. Mais oui, je te promets. Et pour ne pas que j’oublie tu viendras glisser un mot à ma fenêtre qui dit n’oublie pas les fleurs. Alors oui, je viendrai. Chaque matin. Bon, ça me fera cher en fleur, mais tant pis, j’irai les voler à la voisine.
Abby-fleur. Habit-fleur. Habille-la avec des fleurs.
T’es une super gentille-fille et tout. Je dis. Les rares personnes qui passent louchent un peu sur les fleurs d’Abby. Moi je leur lance un regard mauvais, un regard qui dit : eh, pourquoi tu regardes mal mes fleurs, elle est belle ma fleur. Et puis Merci. C’est tout ce que je dis.
Et je resserre un peu ma main autour de la sienne.

Elle me dit qu’elle reviendra tout le temps, tous les jours écrire sur ma fenêtre. Oh le doux baume au cœur. Je suis sûr que même si j’habitais au dernier étage elle viendrait avec son échelle pour dire, eh, n’oublie pas les fleurs, d’accord ? Et puis moi je me pointerai chez elle, un panier plein de fleurs différentes et je dirai d’accord.
D’accord, on n’oublie pas les fleurs. Jamais. Promis.
Mais si, bien sûr qu’il y a une raison. Et là, je te dis merci. Tu vois c’est comme si je te remerciais de ta présence. C’est plus que ça, en fait. Merci pour toutes choses minuscules-immenses-belles.
Nos mains s’emboîtent parfaitement. Non, harmonieusement. Nos doigts ne sont pas exactement au millimètre près mais je sais qu’à ce moment là c’est le genre de mains qui s’enlacent et qu’on devrait prendre en photo.
Parfois j’observe mes mains.
Et je passe mon index sur mes veines. C’est un drôle de sensation. Un peu comme là maintenant tout de suite. Je suis aussi ravi que tu m’aies marché dessus. Tu devrais faire ça plus souvent aux gens. Je suis sûr que tout le monde t’aimerait.
Elle a dit que j’étais gentil.
Gentil comme elle. Je suis en plein dans mes pensées qui se bousculent et là, elle me prend au dépourvu. Elle me vole ma joue pour l’embrasser. Contact éphémère de ses lèvres sur ma peau. Mes lèvres s’étirent pour former un sourire discret. Je dis oui à tout. Je te rembourserai en paniers de fleurs, si tu veux.
D’ailleurs y’en a une qui se casse la gueule et je la rattrape à temps. Je la glisse derrière l’oreille d’Abby, la chatouillant un peu au passage. T’es une vraie poète maintenant. Une vraie de vraie. Je murmure en la regardant comme un fou. Oui,
Comme un fou.

Elle dit que tout le monde ça fait trop de monde. C’est vrai, c’est trop de monde. Je dis. Elle est mignonne Abby, depuis tout à l’heure on ne voit plus que ses yeux qui brillent bonheur et ses lèvres qui sourient très très fort. Son corps entier est en train de sourire. Avez-vous déjà vu un corps qui sourit ?
C’est magnifique.
Oh. Je murmure lorsque qu’elle me dit qu’elle ne veut pas que je la rembourse. Très bien. Mais ça ne m’empêchera pas de lui offrir des paniers garni aux fleurs de tous les parcs de tous les jardins de chez tous les fleuristes.
Mes yeux se promènent sur le chemin qui se dessine droit devant nous. Il n’a pas de fin. Cependant, le soleil lui se lève tranquillement et nous rappelle que la nuit est toujours trop courte. C’est mieux, la nuit, tout est plus beau. Tout respire le mystère. Avec la luminosité grandissante je peux découvrir le visage d’Abby pour de vrai.
Jolis yeux bleus sur peau pâle noircie de quelques cernes violacés. Elle me dit qu’elle me dédiera des poèmes et je me sens comme un gosse, j’ai envie de crier trop cool mais je me retiens. Merci, j’ai hâte de les lire. Je murmure.
Puis là, il y a le français. Il sort de nulle part, un peu, avec son air de fol excité qui m’amène le sourire. Il pose deux objets dans ma main libre, comme ça. Je le regarde sans rien dire. Il a mis des fleurs dans ma main, des fleurs tressées. Ensuite il parle super-fort comme la première fois et dit qu’il nous déclare mari et femme.
Et puis il part, comme ça. Sans plus rien dire. Est-ce que ça veut dire qu’il nous a suivis tout ce temps ? Je hausse les épaules. Peu importe, je crois qu’il ferait pas de mal à une mouche, ce gars-là. De toute façon je ne veux pas savoir le pourquoi du comment. Je veux laisser la poésie prendre tout l'espace et le temps.
J’arrête Abby et je m’interpose entre elle et le chemin.
Je lui passe son bijou floral à la main. Puisqu’il en est ainsi… Je murmure avec un demi-sourire. Puis je pose mes lèvres sur son front, comme pour sceller cette rencontre étrange et un peu céleste en même temps. La belle enfant.

Je crois connaître cette fille par cœur alors que je ne sais rien d’elle. C’est drôle, ça fait des fourmis dans les pieds. En même temps ça m’amène le sourire sur les lèvres. J’aime cette sensation de légèreté et d’inconnu. Elle est forte.
Je suis planté devant elle et elle me regarde droit dans les yeux, là, sans prévenir. De la détermination dans son regard. Beaucoup de détermination. C’est beau. Elle me dit que j’ai rien compris, que c’est pas comme ça qu’on fait. Puis, sans prévenir (elle prévient jamais, Abby), ses lèvres viennent chatouiller le bord de ma bouche. Elle déclare qu’à présent nous sommes mari et femme.
Alors là, je reste sans bouger. Je sais pas trop quoi faire, comme réagir. J’ai la brûlure de sa peau sur la mienne. Ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé. Oui parce que j’ai cette habitude à fuir les jolie filles. Souvent ça finit mal et ça n’apporte que des larmes.
Je pleure facilement, moi.
Je ne suis pas aussi solide que j’en ai l’air, et c’est réellement un problème. Le temps s’écoule un petit peu et elle doit se demander pourquoi j’ai un regard de statue – pourquoi JE suis une statue. Cette fois c’est à moi de se pencher vers ce visage diaphane, cette bouche un peu rose, un peu fleur.
Délicatement, j’y dépose un baiser. Mes paupières se ferment lentement. Nos visages s’étreignent à leur façon. Peut-être pas parfaitement, mais harmonieusement. On dirait nos mains, mais avec plus de force. Je laisse quelques secondes fuir entre nous puis je me défais. Un pas en arrière.
J’attrape sa main et je continue la marche. Ça me rend un peu fébrile tout ça, ça m’ôte la parole. Est-ce que cela signifie qu’on doit vivre ensemble ? Je lui demande (je suis un garçon qui prend tout très à cœur). Personnellement, je ne crois pas que ça me dérange. Je veux dire, c’est un peu bizarre parce qu’on se connaît que depuis, quoi, une heure. Mais ça ne me dérange pas. Les choses qui arrivent sans prévenir, c’est mon truc. Je dis plein de choses comme ça qui n’ont pas de sens. Ça m’arrive, parfois.
J’ai un parfum de fleur-cigarette-déesse sur les lèvres.
Tu es un bel imprévu. Je confesse, un demi-sourire sur le visage. Mes yeux se perdent dans le paysage de la ville baignée par le soleil naissant. Qu’est-ce que tu penses des imprévus comme le notre, Abby ? Je demande.
Et je prends soin de prononcer les deux b.
Ab-by.

J’aime l’idée de ne pas me poser de question. De me dire que c’est comme ça, que nous sommes libres, après tout. Abby elle dit que vivre ensemble ce sera pratique pour les fleurs. Je me contente de hocher la tête. Je n’aurais plus qu’à aller les voler à la voisine et ça me plaît comme programme.
Elle parle des enfants. Je laisse échapper un rire franc et bruyant qui respire la légèreté. Personne n’a parlé d’avoir des enfants. Sa remarque laisse un sourire indélébile sur mon visage.
J’ai les yeux qui rient.
Elle dit que les imprévus font peur. Moi aussi ça me fait peur. Mais en même temps ça me rend tout léger. Et tu sais, on s’en fout de pas comprendre. Ce qui ce compte, c’est l’instant. Juste l’instant. Et bien sûr que c’est beau. C’est magnifique, les moments comme ça. Ils sont de ceux qu’on voudrait emprisonner dans une boîte. Puis cette boîte, on l’ouvrirait quand on le voudrait. Pour regarder à l’infini les souvenirs.
Ces souvenirs ils n’auraient pas la forme d’objets. Non. Ce seraient des images, des odeurs, des sons. Se souvenir d’un rire à l’infini, l’écouter pour se réveiller ou pour s’endormir. On pense jamais à écouter un rire. Ou bien rejouer un sourire en boucle. Le décomposer.
Oui. C’est un français que j’ai rencontré dans un café. C’est un chouette type, je veux dire, vraiment. Il crie beaucoup et tout mais c’est un chouette type. Je réponds.
J’aime sentir sa main dans la mienne. On dirait que nos mains, elles attendaient que ça. Se rejoindre et s’enlacer. Se prendre dans leurs doigts pour ne jamais se lâcher. C’est quoi que t’aimes le plus, Abby ?
Je regarde ses cheveux et les fleurs sont quasiment toutes tombées. Il n’en reste plus que trois. Deux jaunes et une rose. Abby n’en demeure pas moins une divine-déesse. Je trouve que le soleil rend bien sur sa peau pâle. Elle a des airs de fée moderne.