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 LE SILENCE

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MessageSujet: LE SILENCE   LE SILENCE EmptyMer 2 Avr - 14:05

Ça fait drôle d’être ailleurs que chez soi. Je veux dire, ça fait vraiment drôle. De voir que des visages inconnus et tout ça, moi ça me fout un peu les jetons. Je suis pas trop capable de m’adapter et tout et me voilà au milieu d’une masse que je ne connais pas. Assis en salle, je sirote mon café. Il est plutôt dégueulasse, d’ailleurs. Et en plus ils le font payer cher ces rapaces. Je remue ma cuiller dans leur tasse blanche et laide pendant que mes yeux parcourent l’intérieur de la pièce. Il y a trois chaises libres autour de ma table. Désespérément seul. Je pianote sur mon téléphone histoire d’envoyer à ma famille que Banff c’est trop cool et que je suis bien arrivé. Foutaises.
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MessageSujet: Re: LE SILENCE   LE SILENCE EmptyMer 2 Avr - 15:38


Tu fais du bruit dans ta langue, ça t'amuse, tu égayes le café de vers de Baudelaire, l'autre jour tu as rencontré un ange qui était sourd, tu étais heureux, heureux à fond les ballons, t'espères le recroiser un jour près de la mer et qu'il devienne ton meilleur ami.
Le bruyant et le sourd.
Un comble : le vôtre.
En attendant tu écris à ton frère. Camille. Il dit jamais un seul mot, il a pas de place, avec toi, c'est peut-être pour ça que t'es parti, tu connais toujours les raisons de ton départ. Camille, c'est du silence emballé dans un beau papier de soie chocolatée. Il est beau, il fait pas un bruit, c'est vraiment un bonheur ton frère.
C'est vraiment pas toi.
T'aimes pas (lui) écrire. Ça vaut pas la jouissance de lui hurler dans l'oreille en rentrant de la fac le soir, vraiment pas, c'est moche. Et puis tu sais pas écrire, tu sais que gueuler. Y a ton crayon qui pend au dessus de la feuille avec aucun mot qui en sort, mais par contre y a ta voix qui dicte la lettre, qui te raconte, comme si tu t'attendais à ce que le crayon fasse tout le boulot.
T'en as marre, tu râles, tu vas chercher une compagnie.
Un ami.
Des tympans à briser.
T'hésites entre les chaises, tu prends celle du milieu.
Il est beau, mais il a une drôle de tête.
- T'envoies un texto à qui ? Moi j'essaie d'écrire à mon frère mais j'y arrive pas. Tu penses que c'est bien de commencer par "WAZA" ? C'est c'que je lui dis à chaque fois que je le vois. Mais dis-moi, t'en as une de ces têtes, toi. T'es mort ou quoi ?
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MessageSujet: Re: LE SILENCE   LE SILENCE EmptyMer 2 Avr - 15:47


Y’a un mec qui se pose face à moi. Je suis limite heureux de le voir débarquer, vraiment. J’ai presque envie de le prendre dans mes bras et de lui dire merci d’être là. C’est affreux d’être tout seul et de connaître personne. J’ai la terrible impression d’être un gosse abandonné par sa mère indigne dans le rayon hygiène du super marché. Il se met à parler, déblatérer des trucs sans vraiment de sens. Il est un peu maladroit dans ses mots, le garçon. J’envoie un message à ma famille mais… Non, c’est nul, waza. Tu devrais écrire quelque chose du genre cher frère ou quelque chose comme ça. Ça fait intelligent. Je hausse une épaule et je lui lance un sourire. Non, non, c’est juste que leur café est dégueulasse et en plus il coûte la peau des fesses. Je jure que c’est la première fois et dernière fois que je viens ici. Je parle un peu fort. Les gens se retournent, l’air choqué ou quoi. Mais ça m’est égal.
Ça n’a pas d’importance, vraiment pas.
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MessageSujet: Re: LE SILENCE   LE SILENCE EmptyMer 2 Avr - 16:49


C'est la course aux mots, vous devez être deux jolis bavards, il répond à toutes tes questions, une par une, dans l'ordre que tu as inventé. Il parle mieux que toi, lui. Toi, plus, mais lui, mieux, lui, ses mots sont bien fabriqués, toi, ils sont en bazar.
Un peu upside down aussi.
T'es même pas habitué à avoir une conversation.
T'as du mal à garder de l'avance, à le suivre, tu cours derrière, toi, et tu t'essouffles un peu, t'as pas son ordre, et puis ses mots sont en anglais, forcément, l'anglais pour toi c'est encore un peu comme des notes de musique de piano, faut arriver à tout démêler, alors tu réponds en désordre.
- Je vais pas dire cher frère, ça fait con-nul, il va même pas croire que c'est moi qu'ai écrit, il va dire C'EST TOI MAXENCE T'ES SÛR je vais pas mettre ça. Je vais zapper l'introduction et passer direct aux choses sérieuses.
Aucune connerie te vient sur le bout des lèvres.
Le genre de connerie qui ferait rire Camille.
Pas jusqu'aux étoiles ... Mais peut-être jusqu'au bout de la rue ...
Il a le rire facile, Camille, comme toi et les bruits.
- C'est la dernière fois que tu viens ici, dans ce café, ou ici, à Banff ? Parce que ça veut pas dire pareil. En tous cas on dirait qu'tu viens d'arriver, ici, à Banff. Ou alors t'es du genre solitaire-pas-d'amis-je-fais-le-mort.
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MessageSujet: Re: LE SILENCE   LE SILENCE EmptyJeu 3 Avr - 12:47

Je regarde le garçon avec cette curiosité presque maladive que j’ai en moi. On dirait que je dévore les autres du regard, mais j’aime regarder les gens. J’aime leur façon de marcher, leur façon de cligner les yeux, leur façon de boire un café brûlant, leur façon de sourire. J’aime emprisonner l’humain dans ma mémoire. Même les choses les plus insignifiantes deviennent alors magnifiques. Je hausse les épaules à ses mots.
On dirait un enfant.
Il a une sorte de simplicité naïve qu’on admire et qu’on envie. Moi, j’envie sa façon de parler très fort. Il est très humain. Je vais l’emprisonner dans ma mémoire, le garçon. Alors n’écris rien. Révolutionne les correspondances. Je lui lance un sourire bref. C’est la dernière fois que je viens dans ce café. Et oui, oui je viens d’arriver ici, à Banff. Et non, non j’fais pas le mort mais là je t’avoue que je suis un peu seul. Il a cette façon de parler très vite.
Il faut le suivre, le garçon.
En plus il a un accent bizarre et son anglais est pas toujours très correct. Tu viens d’où ? Je demande. Je suis sûr qu’il vient de loin et qu’il a emporté tous ses souvenirs dans les valises de son cerveau. Tu veux que je t’aide à l’écrire, ta lettre ? Je propose.
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MessageSujet: Re: LE SILENCE   LE SILENCE EmptyJeu 3 Avr - 16:17


Son regard te farfouille, c'est une visite médicale, mais il n'a pas tous ces instruments de médecin alors il te fait pas trop mal, c'est même d'une douceur de chocolat. C'est sucré, tu savoures.
- Alors n’écris rien. Révolutionne les correspondances.
Tu cherches la blague dans ses yeux.
Elle est tellement bien cachée que tu ne la trouves pas. Tu t'imagines envoyer une feuille vierge à Camille, tu imagines la surprise dans ses yeux et peut-être son admiration-fierté. Mais non. Mais non. Lettre vierge. Absurde.
- C’est la dernière fois que je viens dans ce café. Et oui, oui je viens d’arriver ici, à Banff. Et non, non j’fais pas le mort mais là je t’avoue que je suis un peu seul.
Tu laisses tomber des bruits d'indignation.
Tout seul, tout seul.
Et toi, t'es quoi, t'es où, tu sers à qui ? T'es pas une plante verte. T'es pas une poussière. T'es pas une ombre. Tu boudes. Deux secondes et puis s'en va.
- Tu viens d’où ? Tu veux que je t'aide à l'écrire, ta lettre ?
Tu tangues - y a trois minutes il fallait " révolutionner les correspondances ", la force des lettres sans mot et là, et là, tu comprends plus rien.
- J'étais en France avant. Attends j'vais chercher le papier à lettres
(tu fais un grand bruit de chaise pour aller chercher ton matériel d'écrivain) Une ville, ma ville elle avait un beau nom, j'peux pas te le dire en anglais ça serait moche, mais en français elle s'appelle Corde sur Ciel. J'habitais Rue du Souci avec mes parents et mon frère. Alors voilà, on lui écrit quoi à Camille, Rue du Souci, Corde sur Ciel, France ? Et puis toi c'est quoi ton nom déjà ?
T'es chiant.
Calme-toi un peu.
Elle est où ta mère pour te dire de la fermer un peu ?
Ah, elle est restée à Corde sur Ciel.
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MessageSujet: Re: LE SILENCE   LE SILENCE EmptyJeu 3 Avr - 16:47

Alors le garçon est un français. J’y ai jamais mis les pieds, là-bas. Pourtant il paraît que c’est beau, que c’est romantique, que c’est plein de trucs et tout ça. C’est peut-être trop de choses en même temps. moi je rêve plutôt d’un endroit où il n’y a qu’un paysage vide et un objet au milieu.
Peu importe quoi, mais seulement une seule et unique chose.
Ça suffit. Un c’est bien. À partir de deux tout commence à remplir l’espace et on se met à étouffer très très vite. Tout ce que je veux c’est
Respirer.
Corde sur Ciel. Je répète, un peu bêtement. Mais c’est pour mieux m’en souvenir. Pour me dire, d’accord. Corde sur Ciel, Corde sur Ciel, Corde sur Ciel, Corde sur -. Il farfouille pour sortir un tas de chose pour écrire. Moi je laisse mon café derrière moi et je prends place sur la chaise à côté de lui.
Je m’appelle Paco. Et toi ? Je regarde la feuille blanche. Qu’est-ce que tu veux leur écrire ? On pourrait leur écrire un tas de chose comme les cafés dégueulasses qu’on peut boire. Tu peux aussi leur parler des gens qu’on connaît pas et qu’on rencontre. Je fronce les sourcils.
Je saurais jamais quoi écrire à ma famille. Je dirais sûrement salut tout va bien vous en faites pas je vous aime salut Paco. Que du vent. Moi j’aime pas écrire, j’préfère parler. Pourquoi tu leur téléphones pas ? Je demande finalement. Je suis sûr
Non, certain.
Que lui aussi préfère parler.
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MessageSujet: Re: LE SILENCE   LE SILENCE EmptyVen 4 Avr - 11:58

Corde sur Ciel est magnifiée entre ses lèvres, Corde sur Ciel le mystère dans sa bouche. Corde sur Ciel trop loin pour ses yeux que les tiens connaissent par cœur.
Tu voudrais lui raconter Corde sur Ciel.
Lui épeler les autres autres imprononçables des gens et des églises.
Mais vous allez très vite, comme si vous vouliez déjà être meilleurs amis, parfaits connaisseurs de l'âme de l'autre. Vous apprenez vos prénoms maintenant.
Paco.
Paco c'est tout doux, ça fait nom de jus d'orange.
- Moi c'est Maxence.
Silence, Maxence.
Laisse-le parler.
- Qu’est-ce que tu veux leur écrire ? On pourrait leur écrire un tas de chose comme les cafés dégueulasses qu’on peut boire. Tu peux aussi leur parler des gens qu’on connaît pas et qu’on rencontre.
Tu hésites.
Ton frère, il aime qu'on lui raconte les belles choses. Oiseaux, nuages. Ton frère, tu seras jamais capable de le satisfaire, tout ce que tu peux faire c'est le bruit des oiseaux et des nuages.
Et encore.
C'est peut-être silencieux.
- Moi j’aime pas écrire, j’préfère parler. Pourquoi tu leur téléphones pas ?
Tu le regardes.
- J'aimerais bien lui téléphoner à mon frère mais lui ça lui plaira pas, moi je crie trop et tout ça.
Ange tout triste.
- Je vais lui écrire TOI. Tu viens d'où ? Tu fais quoi dans ta vie ? Pourquoi t'as l'air comme ça ? T'aimes bien courir ? T'as une amoureuse ? Ou un amoureux, moi j'm'en fiche. Tu écoutes quoi comme musique ? Et tu lis quoi comme livres ? Puisque tu veux plus venir dans ce café, tu vas aller où pour rencontrer des gens comme moi ? Voilà j'veux savoir à peu près tout ça. Camille, il aime bien quand les lettres sont longues, plus elles sont longues, moins il est obligé de penser. Vas-y. J't'écoute. J'me tais. Je ... ouais. Silence, Maxence.
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MessageSujet: Re: LE SILENCE   LE SILENCE EmptyVen 4 Avr - 13:02

Il s’appelle quelque chose comme Maxence. Maxence. Maxence. J’enregistre le prénom tout comme on enregistrerait Corde sur Ciel. Il tourne en boucle dans mon cerveau. Maintenant je m’en souviens comme il faut. Maxence.
On est là, épaule contre épaule, et je sens sa chaleur tout contre moi. C’est agréable d’avoir quelqu’un d’humain tout près de soi. Il a cette chaleur qu’émanent les personnes profondément humaines. Et c’est ce que j’aime chez Maxence.
Puis il me dit qu’il va m’écrire. J’ai même pas le temps de dire d’accord ou pas d’accord que sa voix s’élève dans un tourbillon de mots infinis et il faut se concentrer pour pouvoir retenir les lettres, les phrases et les questions. Je vous assure qu’avec son accent un peu drôle et tout ça c’est pas facile à suivre, pas du tout.
Je m’éclaircis un peu la gorge. Je viens de la Nouvelle Orléans, en Louisiane. J’ai une famille qui m’aime et que j’aime à ma façon. J’ai jamais été vraiment proche d’eux et tout ça, j’ai jamais su leur parler comme il faut. Je veux dire, je dois avoir des parents géniaux et tout ça mais ils demandent beaucoup, beaucoup trop. Ils demandent de l’amour, du travail, de la santé, des sourires, de la politesse. Tous plein de trucs qui vont pas forcément ensemble. Je dis d’un coup, les sourcils froncés. J’ai pas d’amoureuse ni d’amoureux, non. J’aime pourtant les gens, enfin, j’aime surtout les observer. C’est fascinant d’observer le monde.
C’est bien plus que fascinant, à vrai dire. Je lis un peu de tout mais maintenant j’ai plus trop le temps. Parce que voilà quand on grandit on n'a plus le temps de rien et après c’est trop tard. Pourtant je peux te dire que quand j’étais gosse je prenais n’importe quel livre qui me tombait sous la main. Et comme j’avais pas de marque-page je mettais une fleur à la place. Ça marche plutôt bien. Je crois que j’ai oublié de répondre à au moins la moitié de ses questions.
Au moins.
Mais je ne vais pas tout lui dévoiler maintenant. On s’amuse pas sinon. Parle-moi de Camille. Je demande, d’un ton presque suppliant. J’ai l’impression que Camille est une part de Maxence, il en parle beaucoup, alors moi je veux le connaître Camille.
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MessageSujet: Re: LE SILENCE   LE SILENCE EmptyVen 4 Avr - 15:46

Gamin t'as besoin de t'exprimer malgré que la parole soit passée du côté de Paco alors tu te remues sur ta chaise comme si t'avais des éclairs d'orage à l'intérieur de toi. Non.
Juste des poussées de vie.
Bruyantes.
Il parle, assez lentement pour que ton cerveau encore parsemé ici des mots de Sartre, de Le Clézio, ces noms qui t'ont fait voyager sans bouger de ton lit.
Sans bouger.
Toi.
Il parle pas vite mais beaucoup, toi tu attrapes les mots au vol, nouvelle orléans, famille qui m'aime, beaucoup trop, amour, travail, santé, sourires, politesse. Pas d'amoureux(se). Les gens. Le temps, grandir, rien, trop tard, gosse, marque-page, fleur.
T'es fasciné-bouche-bée.
Tu prends des notes le nez bien trop poche de ta feuille, tu vois tes mots s'étaler sur le papier façon loupe. Ton écriture de gamin roule les r et mange s mais finalement tout est là tu crois. Tout fidèle à Paco.
- Parle-moi de Camille.
Tu te calmes direct.
Ton bruit redescend dans ton estomac et il n'y crie pas de rage pour une fois. Il est calme, ton vacarme, et toi aussi. C'est comme si t'avais déjà Camille coincé dans toi, avant même d'en parler.
Camille.
T'hésites.
- C'est difficile de parler d'Camille ... Vaut mieux le voir. Camille il parle pas, jamais, alors c'est dur de mettre des mots sur lui. Si j'devais dire une chose de lui pour te l'expliquer je dirai : WAH. C'est ce que je me dis quand je le vois, toujours. WAH. WAH, Camille. Et je sais que je suis le seul. Les autres, ils disent BEURK, j'pense, mais moi je dis WAH, un grand WAH comme ça. Et même WAAAAAH. Qui sort du cœur et tout.
T'es essoufflé.
Pourtant, là, tu fais pas plus de bruit que d'habitude.
- Je cris parce que Camille ne parle jamais.
Voilà.
Ton plus joli secret vient de tomber dans les oreilles d'un mec-ange que tu connais depuis une demie-heure.
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MessageSujet: Re: LE SILENCE   LE SILENCE EmptySam 5 Avr - 3:12

Je crois que j’ai touché une corde sensible. Du genre la corde du sujet un peu tabou, qui met mal à l’aise et qui n’aime pas qu’on en parle de trop. Je pose mon regard sur Maxence, histoire de montrer que je l’écoute.
Il a du mal à parler, il hésite. Il se tortille un peu sur sa chaise, façon je suis mal à l’aise. Puis il se lance. Il dit des wah et des beurk sans crier, c’est assez impressionnant. Puis il me dit que son Camille, il ne parle jamais. C’est bizarre, les gens qui ne parlent jamais.
Je trouve que c’est important de se délier la langue et de parler, parler. Dire des choses même sans importance. Le silence est angoissant – peut-être aussi que je n’ai jamais trouvé le silence agréable auprès de quelqu’un.
Pourquoi est-ce qu’il ne parle jamais, Camille ? Je demande à Maxence. Mes sourcils se froncent un peu.
Incompréhension.
Alors comme ça Maxence parle pour deux personnes, c’est un peu ça l’idée. Je crois. Mais ça a l’air de le tuer, un peu. Je crois qu’il aimerait que son frère parle un peu plus. Tu devrais peut-être lui apprendre à parler. Je dis.
Et là peut-être que je suis en train de dire une grosse connerie. Peut-être que son frère il est muet, enfin, je sais pas. Peut-être que Maxence va se mettre à pleurer là tout de suite. Ou du moins… lui apprendre à s’exprimer comme il faut.
Je ne dirais pas BEURK en voyant Camille.
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MessageSujet: Re: LE SILENCE   LE SILENCE EmptySam 5 Avr - 15:50

Tu le regardes. Mais il est bien du genre à le garder contre lui, ton secret. Il a de ces airs de bon ami. Mais est-ce que c'est ton ami ? Toi, chaque fois que les gens acceptent de te considérer au-dessus de tes cris, tu les mets dans ta liste d'amis.
T'es pas possible Maxence. Enfance.
Camille tournoie dans ta tête.
Il fait la danse de la douleur.
Il te manque, Camille, petit frère, petite chose dont tu aimais torturer le silence en y ajoutant ton bruit, celui de tes histoires et de tes chansons.
- Pourquoi est-ce qu’il ne parle jamais, Camille ?
La réponse, elle te brûle la langue. C'est comme quand on te demander de te taire alors que toi, t'as envie de gueuler. Là, ce sont les mots qui veulent s'exprimer et ton cœur qui refuse. De dire la vérité. À Paco.
La vérité qui veut que.
Camille ne parle pas parce que tu ne lui laisses pas la place de parler.
C'est un cercle vicieux votre affaire, il faudrait remonter très loin, marcher quelques années en arrière pour comprendre comment tout ça s'est commencé. Lui qui ne parle pas parce que tu parles trop. Et toi qui parle trop parce que lui ne parle pas.
Merde, merde.
- Tu devrais peut-être lui apprendre à parler.
Tu ris.
Jaune.
Rouge, noir, de toutes les couleurs tu ris, sauf en blanc, blanc c'est pur et joli, et ton rire, il est pas ça. Ton rire il est amertume.
- Ou du moins… lui apprendre à s’exprimer comme il faut.
Mauve.
Cyan.
- C'est toi qui devrais faire ça. Lui apprendre à parler correctement, à dire les vraies choses du cœur, et tout ça. Tu m'as vu, moi ? T'as vu comment ça me prend du temps de dire les choses qu'il faut ? T'as vu comment je dis toujours plutôt n'importe quoi, des jolis mots pour combler le vent ? Camille, c'est pas auprès de moi qu'il apprendra à bien parler. Mais bon. J'fais comme je peux. J'fais mal mais ça compte quand même.
T'as des grands yeux.
- Hein ?
Ton crayon se casse la gueule, ça fait un grand bruit. Tout ce que tu touches se transforme en bruit, alors t'essaie de te tenir assez loin de Paco. Parce Paco, il est bien, il a l'air de pas aimer le silence mais c'est pas pour ça qu'il fait du bruit.
Toi ...
Bah t'es irrécupérable.
Faut croire.
Et ton crayon, t'en fais un avion, avec le bruit et tout.
- Au fait, pourquoi tu restes ici si c'est tellement nul comme endroit ? Ça fait longtemps qu'on est là.
Peut-être que c'est pour toi.
T'espères, mon con.
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MessageSujet: Re: LE SILENCE   LE SILENCE EmptySam 5 Avr - 19:26

Un rire s’échappe de ses lèvres. Un mauvais rire. J’ai dû dire quelque chose qu’il ne fallait pas forcément dire.
Des mots pas très beaux aux allures de maux pour lui. Mais il me dit que ce serait à moi de faire ça. Et puis il parle et je crois que quelque chose se brise à l’intérieur de sa voix. On dirait une assiette qui casse.
Ça me brise aussi.
Un peu.
Tu fais pas mal, Maxence. Je te promets que tu fais pas mal. Il a cette sincérité empreinte d’une certaine désolation dans le regard. Je vous jure, ça blesserai n’importe quelque cœur de voir ses yeux, à cet instant précis de la vie.
Son stylo tombe, mais il le ramasse avec grand fracas. Ce garçon, c’est du bruit. Au début, il casse un peu les oreilles, mais après il devient un joli bruit. Un bruit qu’on se plaît à écouter. Parce qu’il est vivant, parce qu’il existe bel et bien.
Y’a de la franchise, en lui.
Du doute, aussi.
Je reste parce que t’es là. Je vais pas me barrer alors que t’es venu t’asseoir à ma table. Et ta présence est plus agréable que le café, alors je reste parler avec toi. Puis c’est un gars attachant, le Maxence. Malgré le bordel vivant qu’il incarne. Mais toi, pourquoi t’es venu t’asseoir à cette table ? Y en avait plein de vides, autour de moi. Pourquoi ici ? je demande.
Mon coude est posé sur la table et mon visage est posé dans  ma main. J’ai les yeux tournés vers lui.
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MessageSujet: Re: LE SILENCE   LE SILENCE EmptyDim 6 Avr - 15:42

T'aimerais qu'il ait trouvé quelque chose en toi qui le fasse rester ici alors que le café est dégueulasse, cher et les gens bizarres. Quelque chose qui le retienne, près de toi. Les autres, ils partent toujours. Tu les gênes avec ton bruit, tes cris. Le seul qu'est resté, c'est Camille et ça lui a ôté ses mots, alors au final, c'est toi qui t'es cassé.
Paco, tu voudrais bien que ce soit l'exception.
- Tu fais pas mal, Maxence. Je te promets que tu fais pas mal.
Boum.
Au cœur.
Ça y est vous êtes amis, pour toi, c'est là que ça commence, dans ce café où tout coûte un bras, ça commence après ce son de L à la fin de mal, ce son d'aile. Ce réconfort qu'il t'offre en quelques mots. Ça commence à ce moment précis.
Par contre tu sais pas quand ça s'arrête.
Jamais, si possible.
- Je reste parce que t’es là. Je vais pas me barrer alors que t’es venu t’asseoir à ma table. Et ta présence est plus agréable que le café, alors je reste parler avec toi.
Paco doit être un ange.
Un petit cadeau du ciel.
Pour dire : ta présence est agréable.
Sous-entendu, ton bruit, ta voix forte, tout ce qui tombe de tes mains et qui dérange le silence, tout ça, moi, ne me gêne pas, tout ça résonne en une jolie musique à mes oreilles.
Tu dis merci des yeux.
Même pas de la bouche.
- Mais toi, pourquoi t’es venu t’asseoir à cette table ? Y en avait plein de vides, autour de moi. Pourquoi ici ?
Tu te marres, ça fait du bien.
Tu ris, t'as l'impression que c'était y a très longtemps, ça, ton arrivée à sa table. T'as l'impression d'être assis sur cette chaise, tout près de lui, depuis des années. Peut-être que tu pourras pas te relever. Peut-être que t'as pas envie.
Tu te perds un instant dans un air de Vivaldi que tu fredonnes avec grand bruit.
Et encore, tu fais pas les gestes.
- Fallait que quelqu'un vienne te sauver. T'avais l'air mort. Il fallait bien que quelqu'un te réanime, voilà. Et puis t'avais pas l'air content avec ton téléphone et ton café et puis tout ça. Bon, on continue ma lettre ? Elle va pas s'écrire toute seule. Enfin j'crois.
Tu ris.
Les chaises tremblent.
- J'ai besoin de savoir d'autres trucs sur toi, Camille il aime bien les détails, après il écrit des histoires. Pourquoi t'aimes regarder les gens ? Pourquoi t'as pas d'amoureuse ? Pourquoi t'es venu ici à Banff et pas ailleurs ?
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MessageSujet: Re: LE SILENCE   LE SILENCE EmptyLun 7 Avr - 7:22

Je le regarde et ses prunelles elles gueulent merci, merci, merci. De rien, Maxence. Mais c’est vrai, tout ce que je te dis là. Ça vient du cœur et tout. Puis il se met à rire, à rire comme un fou. Autour de nous, les visages se tournent vers ce son qui hurle au bonheur, à la joie.
Moi je me marre avec lui, sans trop savoir comment, ni comme ça. Cette contraction du ventre qui fait que tout ton corps s’ouvre au rire. C’est vraiment un beau son. Un son sincère, un son-soleil.
Puis il me dit qu’il fallait que quelqu’un vienne me sauver et tout ça, que j’avais des airs de morts pas content. Je pouffe. C’est mon air de garçon pas aimable qui a pas assez dormi. Je lui dis. C’est vrai, on me dit souvent que j’ai pas l’air aimable. Avec mes cernes de trois kilomètres et ma tronche de six pieds sous terre.
Oui, d’accord. On continue ta lettre. Je m’appuie sur mes coudes. Il paraît que c’est malpoli. Mais je m’en fiche, mes parents ne sont plus là pour me dire quoi faire et quand le faire. Il me pose trois questions.
Je fronce les sourcils, le temps de réfléchir un petit peu.
Maigre silence.
J’aime bien regarder les gens parce que je trouve ça intéressant, parfois drôle, mais surtout, je trouve ça beau. J’adore regarder quelqu’un de lire un livre, regarder comment les filles croisent leurs jambes, la façon que les gens ont de respirer, de vivre. J’ai pas d’amoureuse parce que j’sais pas trop à quoi ça ressemble l’amour et tout ça. Mais je suis amoureux de la mer. Je marque un temps d’arrêt.
Faut savoir reprendre son souffle.
Et pour Banff… Je sais pas. Il faut bien aller quelque part, non ? Je hausse les épaules. C’est vrai ça, pourquoi Banff et pas New York ou Londres ou Rome ?
C’est comment, la France ? Je demande.
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MessageSujet: Re: LE SILENCE   LE SILENCE EmptyMar 8 Avr - 12:57

Court moment de silence pendant qu'il fait valser, tu le sais, des bouts de réponse dans sa tête. Silence. Tu t'impatientes. T'en fais crisser les pieds de ta chaise pour pas endormir le bruit.
Le silence, tu peux pas.
(le supporter.)
C'est contre ta religion.
- J’aime bien regarder les gens parce que je trouve ça intéressant, parfois drôle, mais surtout, je trouve ça beau. J’adore regarder quelqu’un de lire un livre, regarder comment les filles croisent leurs jambes, la façon que les gens ont de respirer, de vivre. J’ai pas d’amoureuse parce que j’sais pas trop à quoi ça ressemble l’amour et tout ça. Mais je suis amoureux de la mer.
Tu prends note.
T'appuies fort sur ton crayon de papier, sage écolier, pour laisser la trace de Paco dans le papier.
- Et pour Banff… Je sais pas. Il faut bien aller quelque part, non ?
Tu remues la tête. Il a pas l'air d'être tant que ça en accord avec lui-même, comme s'il était pas encore sûr. Pour Banff. Toi non plus ceci. Tu sais pas. Ce qui t'a attiré ici, plus qu'ailleurs.
Pourquoi pas Amsterdam ?
Tokyo ?
Reykjavik ?
- C’est comment, la France ?
Tu freines.
Tu hausses les épaules. Tout ce que tu peux dire de la France, c'est qu'elle rime avec ton prénom et que ça te fait toujours rire, comme si vraiment, vraiment t'étais un français jusqu'au fond du cœur. C'est peut-être ça que t'es parti. Tu voulais contredire la rime qui vous liait.
Tu sais pas, toujours pas.
Si tu devais parler de la France, c'est des bruits que tu ferais. Celui du vent, de la mer, de Paris. T'es pas sûr que ce soit le lieu.
- Bon écoute. J'ai fait le début de la lettre. Écoute. « Paco est un grand gars. Il a du noir dans les yeux, des bleus au cœur, mais de l'or dans la bouche. Paco est un trésor mais faut creuser, aux premiers abords il a l'air d'un mort. Paco regarde les gens, mais moi je trouve que c'est Paco qu'il faut regarder. Sa façon de poser les coudes sur la table et puis de dire qu'il est amoureux de la mer. » Voilà. J'ajoute quoi ?
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MessageSujet: Re: LE SILENCE   LE SILENCE EmptyMer 9 Avr - 7:00

Je regarde ses doigts qui s’agitent au dessus du papier. Il parvient même à écrire avec du bruit. Ça me fait sourire, moi.
Il répond d’un haussement d’épaules quand je lui demande comment c’est, la France. Je dois alors me contenter de ce silence – je m’attendais pourtant à un monologue ou quelque chose du même acabit, mais il n’en est rien.
Tant pis.
Puis il me lit le début de la lettre. Je ris tout doucement. On dirait un portrait dessiné par un enfant, avec des maladresses un peu partout mais qui, pourtant, semble refléter avec une certaine précision la réalité.
Ça me semble bien, comme ça. Je vois pas quoi ajouter d’autre, en réalité. T’as qu’à lui décrire l’endroit. Parle-lui de la fille de la table à côté, cette façon qu’elle a de se tenir un peu trop droitement, son regard qui balaie la pièce toutes les deux minutes, ses jambes qui se croisent sous la table et sa façon de grimacer à chaque gorgée de café. Il y a un tas de choses à dire et à raconter, Maxence.
Mon visage se pare d’un sourire tendre.
On pourrait s’amuser à la raconter, ce café. L’obstination des gens à y venir malgré le goût immonde. Peut-être qu’ils reviennent tous les jours parce qu’ils espèrent que ce sera meilleur.
Ce serait drôle.
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MessageSujet: Re: LE SILENCE   LE SILENCE EmptyJeu 10 Avr - 16:09

Tes mots le font rire, mais sûrement qu'au fond de sa poitrine son cœur se ramollit un peu devant ton innocence, Maxence. Toi avec tes mots maladroits pour que Camille puisse dessiner Paco dans sa tête, à défaut de pouvoir le voir de ses propres yeux bleus, de pouvoir l'apprécier en direct.
Tant pis.
Paco, il rit, et puis aussi, il te trouve de quoi gonfler ta lettre, des détails qui donneront l'impression à Camille qu'il y est, dans ce café. La mine de ton crayon s'appuie sur la feuille pour y faire entrer les mots, ceux de Paco.
Fille.
Jambes.
Regard.
Grimacer.
- Tu racontes bien les histoires qui nous entourent. Beaucoup mieux qu'moi en fait. Moi je fais juste du bruit, des bruits, pour être une part de l'histoire, mais c'est tout. Tu devrais parler plus souvent toi, être un personnage des histoires que tu racontes. Tu s'rais celui qui a l'air d'être mort, un fantôme avec des cernes-valises comme des hématomes sous les yeux. Hein.
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LE SILENCE

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