L'homme rôde à travers cette foule, ces citoyens qui fulminent à la recherche d'une raison pour dépenser leur argent. Vêtu d'un sweat à capuche, il déambule de boutiques en boutiques, à la recherche d'une chose bien précise. Mais lorsqu'il pivote sur lui-même afin de changer de direction, un corps entre soudainement en collision avec le sien.

je marche. cet endroit est immense. j'ai bien l'impression qu'il fait le tour de la terre. qu'il continue même dans l'espace. et peut-être qu'au fond de cette allée sans fin, je poserai les pieds sur la lune. je regarde les gens. ils ont pas l'air heureux. ils ont pas l'air d'avoir envie de sourire. pourtant, moi, j'en ai envie. c'est triste, une vie sans lumière. mais eux, tout ce qu'il veulent, c'est claquer leur fric. entendre le bruit de que fait la caissière quand elle passe la fringue griffée devant le lecteur. bip, bip. je peux les entendre, de là où je suis. puis un autre bruit vient à moi. boum. le bruit de deux corps qui se rencontrent de manière un peu brutale. puis je réalise que c'est moi qui vient de bousculer quelqu'un. un homme. et si j'avais des livres dans les mains, ils se seraient étalés au sol pour que ce bel inconnu se baisse pour me les remettre. mais là, c'est con, j'ai rien. juste un peu mal à l'épaule, suite au choc. oh, pardon... je m'excuse. j'ai tellement la tête au dessus des nuages que j'vois même pas ce qui s'y passe en dessous.

Elle s'excuse, et il en est presque soulagé car il aurait été chagriné d'exploser, une fois de plus, encore. Il la toise alors, incrédule, ses paupières qui clignent avec frénésie. La bouche entrouverte il laisse échapper un gémissement, à peine perceptible. Puis, comme un coup d’électricité aux extrémités du cerveau, il semble se réveiller, revenir parmi les vivants. Et finalement, il lui sourit. « La faute est mienne, j'ai tendance à me perdre dans de tels lieux » souffle-t-il, grimaçant. Il n'a pas sa place ici, il le sait et l'assume, et peut-être aussi devrait-il éviter de se montrer désagréable lorsqu'il se trouve dans une telle situation.

je regarde l'homme devant moi. il fait une drôle de tête. j'arrive pas à décrypter ses émotions, et ça me laisse toute chose. qu'est-ce qu'il peut bien penser, au fin fond de son esprit? ça me travaille. mais il finit par me sourire, alors je fais de même, amusée. oh, je suis d'accord avec vous. je me suis déjà perdue ici, il m'a fallu longtemps pour retrouver mon chemin. je m'étais d'ailleurs dit que je n'allais jamais remettre les pieds ici, mais probablement que je n'ai pas tenu ma promesse intérieure. vous êtes ici depuis longtemps? c'est une question comme une autre. mais je la pose, un peu intimidée. j'aime pas, parce que ça ne m'arrive pratiquement jamais. mais il dégage quelque chose d'imposant.